BREXIT

Rejet de l’accord sur le Brexit, quelles conséquences pour le TRM ?

Les députés britanniques ont voté hier soir contre l’accord négocié par la Première ministre Theresa May avec l’UE. 432 voix contre 202. La Grande-Bretagne entre dans une grande période d’incertitude politique. Affaiblie, Theresa May doit soumettre un « plan B » à la Chambre des communes au plus tard lundi 21 janvier. Un « no deal » serait catastrophique pour l’économie britannique et pour le TRM européen. Décryptage.

Comme tous les « bookmakers » le pronostiquaient depuis quelques jours, les députés britanniques ont massivement sanctionné la Première ministre, Theresa May, en votant contre l’accord européen négocié avec les 27. 432 voix contre 202, une cuisante estocade pour la cheffe du gouvernement qui dispose de trois jours désormais pour présenter un « plan B » devant la Chambre des Communes au plus tard le 21 janvier. Le risque d’un « no deal », une sortie du Royaume-Uni sans accord avec les 27,  est toujours possible. L’incertitude politique  n’est pas favorable à un bon climat de confiance dans les échanges économiques et commerciaux.

Le 29 mars à 23 heures GMT. Le Royaume-Uni est censé quitté l’Union européenne le 29 mars 2019  à 23 heures GMT si et seulement si le scénario du « retrait ordonné »,  prévu par l’accord de l’UE du  26 novembre 2018 s’appliquait. Dans ce cas, Londres et Bruxelles pourraient alors commencer à discuter de leur future relation commerciale, qui entrerait en vigueur après une période de transition durant jusqu’à fin 2020. Or, le  vote des députés britanniques révèle  que la classe politique s’est montrée  incapable de se mettre d’accord depuis le référendum de juin 2016 sur le type de relation souhaité avec l’UE, entre partisans d’une rupture franche et ceux qui souhaitent le maintien de liens étroits. Un Brexit sans accord causerait un dommage irréparable pour l’économie britannique, tant sur l’investissement que sur l’emploi, alors que de nombreux géants industriels ont promis de revoir leurs ambitions britanniques à la baisse en cas de rétablissement des contrôles douaniers avec l’UE. Les conséquences seraient particulièrement néfastes dans le secteur automobile et particulièrement pénalisantes pour ne pas dire catastrophiques pour le transport routier européen.

La majeure partie des flux de marchandises entre le Royaume-Uni et l’UE passe par la région des Hauts-de-France et le tunnel sous la Manche. Les chiffres 2017 du trafic franco-britannique de Calais et Dunkerque parlent d’eux-mêmes : 4,2 millions de poids lourds (dont 600 000 au port de Dunkerque, 2 millions au port de Calais et 1,637 million dans le tunnel sous la Manche. « La valeur marchande des marchandises qui transitent chaque année entre la France et la Grande-Bretagne est de  130 milliards d’euros » rappelait  le directeur général de Getlink, Jacques Gounon, lors de son audition au  Sénat en octobre. Le Brexit aura de facto des conséquences. La Grande-Bretagne deviendra un pays tiers en terme de contrôles douaniers ; la logique des pays tiers implique d’avoir des  moyens logistiques et humains adaptés. » Une manière de dire que les plateformes et entrepôts frigorifiques nécessaires ne verront pas le jour avant deux ou trois ans. « Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a certes annoncé à l’automne la formation de 700 douaniers mais cela ne suffira pas» a conclu Jacques Gounon.  Une crainte partagée par Xavier Bertrand, le président de la région des Hauts-de-France, lequel ne cesse de marteler depuis des semaines que le véritable enjeu du Brexit c’est la technologie et la dématérialisation.

Dans les faits, la création d’une frontière tierce engendre de nombreuses transformations : création de bureaux de dédouanement, création de bureaux de détaxe, création de brigades à l’entrée du territoire pour valider les titres de transit, et modifications des infrastructures routières. A l’évidence, pour maintenir la compétitivité des ports nordistes, concurrencés par Anvers ou Rotterdam, il faut éviter les ralentissements et la congestion. D’après une étude de la FNTR, deux minutes de contrôle en plus pour chaque camion franchissant le tunnel sous la Manche engendreraient un embouteillage de 27 kilomètres au niveau de Calais. Pour fluidifier les passages, Gérald Darmanin a aussi annoncé la  création d’un bureau des douanes à Calais, sur un terrain de 40 hectares, dans la zone de la Turquerie, desservie par l’A16 et l’A26. Ce centre de contrôles mutualisé sera composé d’un pôle douanier et d’un service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières. Une réponse  nécessaire pour éviter les remontées de files de camions : dans le Calaisis et la Côte d’Opale, on estime à 6 000 le nombre de poids lourds circulant chaque jour.

En parallèle, l’administration des douanes entend inciter les chargeurs à mettre en place un Cargo Community System (CCS), des plateformes informatiques d’échanges d’informations liées aux flux physiques de marchandises, ouvertes à l’ensemble de la supply-chain. L’objectif est d’optimiser le fret et d’assurer le suivi des marchandises et la facilitation des procédures douanières et administratives. Les ports nordistes ont l’habitude de recourir au CCS pour réceptionner les containers en provenance de Chine. Le hic c’est qu’il n’existe pas de CCS pour le TRM, c’est un handicap.

Pour l’heure, il parait difficile de faire un pronostic clair  sur l’avenir du Brexit. « Nous sommes dans une situation très racinienne ou de huis clos sartrien, décrypte le député Jean-Louis Bourlanges (Modem) (photo), l’un des meilleurs spécialistes des questions européennes à l’Assemblée nationale.  Tout le monde court après l’autre sans que personne ne puisse se rejoindre.”

Avant d’avancer un scénario crédible. « Il est de moins en moins exclu qu’il y ait un no deal, résume-t-il. D’autant que le vote de défiance au Royaume-Uni n’implique pas le retrait du Premier ministre. Cela devrait se traduire par un bouleversement politique , la chute de Theresa May et l’arrivée des travaillistes de Jeremy Corbyn au gouvernement. C’est très préoccupant au plan britannique et européen. Je  constate enfin que le camp en faveur d’un nouveau référendum progresse mais je crois que cette hypothèse est  peu probable car cela nécessiterait un accord du Parlement britannique. »

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