Moyen-Orient

Episode 12. Ma vie au Moyen-Orient au volant d’un camion

Nouveau rendez-vous avec Double Mètre, notre routier du Moyen-Orient. Nous le retrouvons là où nous avions laissé : au célèbre Londra Camping à Istanbul, en Turquie. Le lieu où tout lignard devait faire un stop. Tradition oblige.

Le Londra Camping, des rencontres

Le Londra Camping était aussi un lieu de rencontre entre nous et surtout dans la partie camion. Ainsi par la suite, j’ai fait la connaissance de nombreux conducteurs. Mais auparavant continuons la découverte de ce lieu. Il y avait un garage où officiait un chef de garage, personnage qui avait toujours les mains propres, car il y avait un petit chef mécano qui avait lui aussi toujours les mains propres. Il était une courroie de transmission entre le grand chef et les mécanos qui étaient des jeunes hommes bien souvent encore à l’âge d’aller à l’école communale.

Mais ils œuvraient avec respect des ordres du sous-chef mécano et très souvent nous pouvions repartir après des petites réparations. Il y avait aussi une station de lavage pour camion et une station d’entretien. Dans le centre du parking bas, il y avait les toilettes à la turque, et les douches. Pour les toilettes, il fallait un certain courage pour aller faire ses besoins, mais nous étions en Turquie. Pour les douches, il valait mieux se laver de bonne heure pour bénéficier d’eau chaude. De plus, ces toilettes servaient aussi bien aux campeurs qu’aux chauffeurs.

Je fis un jour la rencontre d’un chauffeur qui est devenu un ami, Monsieur Ben Slimane, surnommé le Beau Ben. Quand il était sur le parking, et qu’il devait prendre une douche, il lavait d’abord la douche à grand renfort de jet d’eau, puis quand il estimait qu’elle était propre il prenait sa douche. Souvent je passais après lui dans la douche. Il était plus jeune que moi de quelques années, pourtant il est décédé dans son camion qui était en attente de chargement sur le parking de Calberson à la porte de Clichy, d’une crise cardiaque.

Nous avons rencontré sur ce parking beaucoup d’amis. Certains sont partis pour le grand et dernier voyage et sont gravés au fond de notre mémoire collective. Le dernier en date est Bernard Bigarré surnommé le Beau Bigarré.

Ami d’hier mais et surtout ami pour toujours, la première fois que je l’ai rencontré nous avons tout de suite sympathisé et parfois nous arrivions à faire des voyages de concert. Le plaisir pour nous était partagé, il avait souvent avec lui son compagnon à quatre pattes qui était souvent couché sur ses cuisses quand il conduisait. Nous avons fait quelques bonnes bouffes ensemble et jamais une médisance n’était dite par lui. Sauf cas exceptionnel. Longtemps il sera dans ma mémoire, et je continuerais cette route de l’écriture en pensant souvent à lui.

Une autre rencontre, qui prête à sourire dans ma mémoire, lui aussi décédé à 60 ans. Son surnom que tous nous connaissons « le jurassien ». Pas une journée ne se passait en sa compagnie sans que nous partions dans des fous rires. Car même si parfois nous vivions dans des difficultés dues au froid, donc à la neige, voire au verglas, ceci ne nous empêchait pas d’avancer. Nous avions parmi nous quelques joyeux lurons et le Jurassien en faisait partie. Même l’un de ses employeurs a été l’objet de ses farces. Il est mort en retraite lui aussi d’une crise cardiaque, pendant qu’il jouait à la belote dans l’un de ses bistrots favoris.

Un autre souvenir, qui nous a tous marqué, nous les lignards de ces routes, c’est l’arrivée de camion de dépannage envoyé par Saviem. Ils étaient aux nombres de trois, l’un stationnait au Londra, un autre à l’Omür et le troisième était sur la route d’Adana. L’équipement en terme d’outillage aurait fait pâlir bien des ateliers qui se flattaient de faire de la mécanique poids lourds. Il suffisait que nous appelions l’un des endroits où était stationné le camion et il venait très vite nous porter assistance.

Une dernière personne pour le moment, car la route est longue et je reviendrais vers d’autres personnes. Mais lui aussi je l’ai rencontré lors d’un voyage, son surnom « Picouic » et à lui seul il vaut que l’on s’attarde. Quand pour la première fois nous le rencontrions, nous savions qu’il était adepte de Bacchus, son camion était aménagé pour qu’il puisse boire même en dormant. De mon côté, je l’avais surnommé « un litre au cent ». Bizarrement, je ne l’ai jamais vu ivre, et cela malgré les litres de vin qu’il avalait. Bien plus tard, je l’ai rencontré à la frontière d’Irun, et comme de bien entendu je lui ai proposé un verre. Et surprise, il avala un jus de fruit pétillant, et m’expliqua qu’il avait totalement arrêté l’alcool, et la cigarette, car il avait rencontré la femme de ses rêves en Russie, qu’il l’avait épousé et que pour la fille qu’il avait eu avec cette femme, il avait changé totalement sa vie. Longue vie à toi Picouic ainsi qu’à ta famille.

Le Londra était un moment de détente et ni Cherby, ni moi nous pouvions deviner ce qui nous attendait plus loin vers l’autre frontière. Nous avons pris une journée de repos, puis en début de matinée, nous avons repris la route, vers les ferrys, car à cette époque le pont surnommé le « Bosphorus » n’était pas en activité et nous prenions les bateaux qui faisaient la navette entre l’Europe et le Moyen Orient.

Les routes que nous empruntions étaient balisées par des panneaux T.I.R, ce qui nous facilitait notre parcours. Après deux heures d’attente et de passage, nous avons mis les roues dans cette partie du monde que nous allions découvrir et que nous allions aussi craindre surtout l’hiver. La première ville que nous avons passée est Izmit. En fait nous sommes passés sur le côté, le long d’un bras de mer et nous avons filé vers la première difficulté de cette journée le Bolu. Juste avant nous avons acheté du pain « Ekmek en turque » le prix était inscrit sur le pain dans un petit papier collé sur le dos du pain, je ne me rappelle plus du prix mais ce dont je me souviens c’était que nous avons payé en « Kurus » et l’odeur de se pain est toujours dans mes souvenirs, car non seulement il était bon mais il sentait vraiment bon. Plus tard un Mocamp s’installa juste avant cette boulangerie, les Mocamp étaient des parkings TIR qui avaient été mis en place pour les routiers Bulgares, et nous étions les bienvenues le cas échéant.

Je reconnais que nous n’apprécions pas trop les Bulgares car ils ont envahi un marché en cassant les prix afin de remplir leurs camions.

Jean-Louis Delarue

One Response

  1. Merci pour ce témoignage Jean-Louis – j’ai fait cette route Paris-Téhéran avec mon époux de l’époque en juillet 1975 Transports ONATRA . Je voudrais me procurer ce livre mais apparemment impossible à trouver … merci d’avance si vous avez un conseil. Avec toute ma sympathie …

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