EDITO HERVE REBILLON

Vignette PL : le scénario est presque parfait

Comment faire passer une mesure en douceur, sans éclats ? Elisabeth Borne, la ministre des transports, a sa recette. Même si les arbitrages entre son ministère et Bercy ne l’ont pas aidé, l’annonce de la vignette a été préparée digne d’un scénario cinématographique. Sauf qu’ici rien n’est fictif, tout est réalité.

Premier acte : pendant des mois, la ministre des transports a réutilisé, une vingtaine de fois, devant les médias et lors d’intervention en commission et à l’Assemblée, les deux mêmes phrases : « une contribution du transport routier dans le financement des infrastructures » et « nous ne déciderions rien sans consulter le transport routier ». Non, la ministre ne radotait pas, la répétition était volontaire. A force de redire quasiment les mêmes formules, l’auditoire les prend comme acquise, ou presque. En clair, Elisabeth Borne avait la mission de transmettre le message. La mission est accomplie !

Deuxième acte : retarder la date de l’échéance de l’annonce de la vignette. La présentation de la Loi d’Orientation sur les Mobilités (LOM) est sans cesse repoussée. Rappelez-vous : mai était annoncé dans un premier temps et nous sommes en … octobre. Soit 6 mois d’attentes et d’arbitrages entre le boulevard Saint-Germain et Bercy.

Troisième acte : le 23 septembre dernier, le « patron », François de Rugy, sort pour la première fois le mot vignette. Jamais avant Elisabeth Borne ne l’avait formulée n’employant prudemment que le mot « redevance temporelle ».

Quatrième acte : caresser la profession dans le sens du poil. La ministre des transports assiste au congrès de la FNTR sans aucune annonce. Soit trois jours avant de présenter un projet de vignette poids lourd aux fédérations. Elle prépare le terrain en annonçant lors de ce même congrès qu’elle recevra d’ici quelques jours le patronat.

Cinquième acte : hasard probable du calendrier, l’extension et l’élargissement du suramortissement des utilitaires et poids lourds « verts » sont annoncés lors du congrès puis voté la veille de l’entretien de la ministre avec les fédérations. Un « cadeau » pour le secteur avant la « sanction ».

Sixième acte : chaque fédération est reçue vendredi dernier, individuellement, par la ministre qui leur annonce la vignette poids lourd et une diminution de 6 centimes de la ristourne sur la TICPE. Recevoir les organisations seules, isolées, est-ce diviser pour mieux régner ? Ou est-ce donner la possibilité à chaque fédé d’exprimer ses doléances ?

Septième acte (à venir) : la mesure sur la vignette passera aussi vite qu’elle a été présentée. Certains craignent que la mesure soit actée par ordonnance.

Au final, lassées de dire et redire leur opposition au principe de vignette, les fédés ne réagissent même plus. Ou du moins, leur communiqué de presse passe quasiment inaperçu reprenant, par la force des choses, les mêmes mécontentements. Vous n’avez qu’à regarder la presse généraliste, les grands journaux n’ont écrit aucune ligne depuis, hormis la presse transport.

Elisabeth Borne qui était directrice de cabinet de Ségolène Royal lors du feuilleton de l’écotaxe n’a proposé aux fédérations que des « consultations » durant lesquelles elle n’a donné qu’une piste de contribution pour financer les infrastructures. Il faut noter que la ministre n’a laissé aux fédés que le week-end pour étudier sa proposition avant la réunion de ce mardi. Doit-on parler de réelles négociations ? Les transporteurs routiers estiment que la vignette leur est davantage imposée.

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