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Voici ce que contient (finalement) la LOM

Le mouvement des « gilets jaunes » a évincé dans le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) les mesures essentielles auxquelles le transport routier pouvait s’attendre. Le gouvernement renonce aux péages urbains et reporte sans l’enterrer la vignette poids lourds à la prochaine loi de finances. Que renferme le texte composé de 45 articles pour le TRM ? Outre les quinze mesures clés pour améliorer la mobilité du quotidien, le texte s’appuie sur une loi de programmation des investissements avec cinq programmes prioritaires dont l’entretien des réseaux existants, le désenclavement routier des villes moyennes et le renforcement de l’efficacité et du report modal avec une enveloppe de 2,3 milliards d’euros sur 10 ans. Une disposition permet la sécurisation législative du protocole d’accord du 4 octobre 2017 au sein de la branche du transport routier. Tour d’horizon et décryptage.

Le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) était attendu comme le Messie. Initialement annoncé pour le printemps, la LOM a été plusieurs fois retardée, notamment à cause de la réforme ferroviaire. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a finalement présentée le texte qu’elle porte depuis dix huit mois au conseil des ministres le 26 novembre. Hasard du calendrier, la présentation s’effectue en plein mouvement des « gilets jaunes », ce qui a conduit le gouvernement a un exercice de rétropédalage à la dernière minute puisqu’il a retiré du texte le péage urbain, faute de villes candidates et pour ne pas « accentuer les fractures entre territoires ». Plusieurs métropoles (Paris, Nice) avaient en effet fait part de leurs réticences. En réalité, l’exécutif n’a pas souhaité donner aux « gilets jaunes » un motif supplémentaire de colère.

Et pour ne pas jeter de l’huile sur le feu, la ministre des transports a aussi précisé dans un entretien au Journal du dimanche puis sur RTL qu’ « aucune décision n’était prise » sur la vignette poids lourd. « C’est un sujet sensible sur lequel il faut prendre le temps », a-t-elle affirmé. Dans ce contexte, que prévoit le texte pour le secteur du transport routier ? La dernière loi du même genre remonte à décembre 1982 et portait le nom de LOTI (pour loi d’orientation des transports intérieurs). Elle constituait jusqu’alors la référence en matière d’organisation des transports en France.

Quinze mesures clefs

Elisabeth Borne compare volontiers cette loi à une « boîte à outils » dans laquelle élus et opérateurs de transport pourront s’investir pour améliorer les déplacements. Les propositions phares, quinze mesures clés, sont d’abord réglementaires. La loi va faire en sorte que 100 % du territoire soit couvert par une Autorité organisatrice de la mobilité (AOM), communautés de communes ou régions, ces dernières auront pour mission de coordonner les modes de déplacements sur leur territoire. Les collectivités locales pourront subventionner les offres de covoiturage pour en faire une solution de mobilité. La loi leur donnera là aussi la possibilité de mettre en place des voies réservées au covoiturage ou aux véhicules électriques les moins polluants. Les régions, chef de file pour coordonner les compétences mobilités de l’ensemble des AOM sur un territoire régional, devront veiller à ce qu’il y ait sur tout le territoire des applications donnant toutes les informations sur son trajet et le meilleur itinéraire possible.

Outre l’encadrement des trottinettes électriques, l’essor des véhicules autonomes et connectés va être encadré. Les navettes collectives devant être autorisées en 2020 et les véhicules particuliers en 2022. Un « forfait mobilités durables » facultatif, d’un montant maximum de 400 euros par an (en franchise d’impôt et de cotisations sociales) sera créé pour que les employeurs puissent encourager les déplacements domicile-travail en vélo ou en covoiturage. Au regard de la transition écologique et du respect de l’Accord de Paris signé en 2015, le gouvernement ambitionne de multiplier par 5 les ventes de voitures électriques en 2025. Pour lutter contre la pollution de l’air, les agglomérations de plus de 100 000 habitants pourront mettre en place des « zones à faible émission » (ZFE) interdisant la circulation de certains véhicules polluants dans certaines zones et à certaines heures. Quinze métropoles se sont déjà montrées intéressées.

Loi de programmation des investissements

Sur la base des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), présidé par l’ancien député Philippe Duron, le gouvernement a décidé d’augmenter massivement les investissements dans les transports. Ainsi, la programmation prévoit d’investir 13,4 milliards d’euros sur la période 2018-2022 soit une augmentation de 40 % par rapport à la période 2013-2017. Cette programmation repose en 2019 sur une hausse des crédits de 300 millions d’euros par redéploiement au sein du budget de l’Etat. Elle prévoit surtout la recherche d’une ressource nouvelle à hauteur de 500 millions d’euros par an à compter de 2020.

« Nous n’avons jamais autant investi dans les infrastructures nouvelles, explique de son côté François de Rugy, le ministre de la Transition écologique et solidaire. Nous avons un débat sur le financement, tout se tient. C’est l’action dans la durée qui permettra des résultats. » Reste que depuis l’arrivée de François de Rugy au gouvernement début septembre, la petite musique de la vignette poids lourd a défrayé la chronique au sommet de l’Etat. Initialement, la création de cette vignette devait être annoncée donc arbitrée avant le conseil des ministres consacré à la LOM, pour une mise en place en 2020. Elle est censée financer l’entretien des infrastructures routières. Un autre rétropédalage du gouvernement sous la pression des « gilets jaunes » qui préfère affiché une programmation reposant sur 5 programmes prioritaires :

  • L’entretien des réseaux existants pour la décennie à venir. Les moyens pour le réseau routier national augmenteront de 31 % sur la décennie 2018-2027 et seront en hausse de 70 % sur les travaux de régénération.
  • La désaturation des grands nœuds ferroviaires avec une enveloppe de 2,6 milliards investis sur 10 ans.
  • L’accélération du désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux. Une vingtaine d’opérations pour un montant de 1 milliard d’euros sur 10 ans.
  • Le développement de l’usage des mobilités propres,partagées et actives au quotidien grâce à des appels à projets à hauteur de 1,2 milliards sur 10 ans pour accompagner les autorités organisatrices.
  • Le renforcement de l’efficacité et du report modal dans le TRM avec 2,3 milliards d’euros investis par l’Etat sur 10 ans.

Le projet de loi des mobilités contient enfin plusieurs dispositions importantes pour le bon fonctionnement des transports. Ainsi, l’article 40 prévoit le développement du péage à flux libre sur le réseau autoroutier concédé présent et à venir. Les sociétés concessionnaires Vinci et Sanef procèdent à des expérimentations dans ce sens. Et l’article 42 prévoit la sécurisation législative du protocole d’accord du 4 octobre 2017 pour le TRM : il stipule que certains thèmes de négociations (frais de déplacements, primes, indemnités, compensations, horaires) seront prioritairement régis par des accords de branche.

Pour l’heure, l’examen parlementaire du texte va commencer au Sénat dès le mois de janvier. Autant dire que les sénateurs ne vont pas se gêner pour amender ce projet de loi et redonner pouvoir et compétences aux territoires de France.

Lire le projet de loi dans son intégralité

Louis Guarino

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