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Ce que contient la copie de la Task Force transport rendue publique

Hier, le document de synthèse de la Task Force travaillant sur le transport de marchandises a été révélé. Selon le gouvernement, avec 59 millions de tonnes de CO2 les émissions des véhicules industriels (y compris engins de chantier) représentaient 14% des émissions de dioxyde de carbone de la France en 2019. S’agissant d’activités essentielles pour la vie économique du pays, et de moyens difficilement substituables, on y reconnaît que l’on ne pourra pas agir massivement sur la demande ou la part modale.

En conséquence de quoi, le résumé rappelle que le « verdissement des motorisations et des carburants est le principal levier de décarbonation des véhicules lourds. Il est nécessaire de s’appuyer sur un mix d’énergies décarbonées adapté aux spécificités des différentes catégories de véhicules et d’usages ».

Dans le Run 1 de la SNBC[1] l’hypothèse incluant les carburants renouvelables permettrait une baisse des émissions de -44% pour les poids-lourds d’ici 2040 (par rapport à 2019). Cela représente plus de la moitié de l’objectif (-71%) requis pour le secteur des transports en général. Il est toutefois évoqué l’enjeu du renouvellement du parc, un facteur déterminant pour les véhicules électriques.

Dans un soudain accès de réalisme, le document rappelle que les batteries électriques « ne seront par exemple pas adaptées, même à moyen terme, à la mobilité très longue distance ». Un second critère à prendre en compte pour l’atteinte des objectifs est « la disponibilité de l’énergie », sujet sensible pour les carburants liquides bas carbone (HVO, B100) ou le biométhane.

L’intérêt d’une priorisation afin d’assurer la sécurité des approvisionnements et volumes disponibles y est mentionné (à l’image de ce qu’a fait l’Italie autour du bioGNV « fléché » vers le transport routier par exemple). Ce sujet concerne aussi l’électricité :  « Le déploiement des bornes de recharge jusqu’à atteindre une fluidité d’utilisation est un défi à relever ». Si les constructeurs sont engagés dans la conversion vers l’électrique à batteries, il y est dit que la disponibilité future des véhicules est « contrainte par leur capacité d’approvisionnement en matières premières ». Cet avertissement est à prendre très au sérieux face au monopole asiatique exercé sur les composants et matériaux critiques des véhicules à batteries (anodes, cathodes, minerais, cellules, composants électroniques, etc). Il est enfin rappelé que les conditions économiques (tant à l’achat qu’à l’utilisation) détermineront également le rythme de basculement vers un transport bas carbone.

De l’intérêt des carburants de substitution

Intérêt majeur des biocarburants et e-fuels : leur utilisation « peut se réaliser avec une parfaite continuité des usages ». Certains lobbies pro-électrique vont grincer en lisant que « les carburants liquides resteront indispensables à moyen voir long terme pour les gros tonnages et le transport longue distance ». Le GNV, quelque peu oublié dans les couloirs des ministères, trouve grâce aux yeux des auteurs : « Les véhicules lourds au GNV/bioGNV déjà en circulation depuis plusieurs années représentent la quasi-totalité des motorisations alternatives existantes dans le parc des poids-lourds (soit 1% du parc). Leur autonomie, presque équivalente à celle des véhicules diesel, les rend adaptés à de très nombreux usages immédiatement (…) La filière gaz indique pouvoir offrir une quantité de biométhane suffisante pour couvrir, à l’horizon 2033 100% des besoins des camions roulant au GNV avec cette énergie décarbonée, ce qui suppose de maintenir par ailleurs le déploiement des stations d’avitaillement ». Le sujet des prix est évoqué, avec le souhait de voir le prix du bioGNV découplé de celui du méthane d’origine fossile. Quant à l’offre de véhicules neufs GNV, elle est source de préoccupations, le rapport s’inquiétant de l’engagement massif et quasi exclusif des constructeurs vers l’électrification « du fait de la conception de la notion de véhicule zéro émission des institutions européennes ».

L’électrique à batteries : du rêve à la réalité

Les apôtres du tout électrique universel seront déçu à la lecture du document. Il y est reconnu un développement rapide de cette motorisation pour les véhicules de faible tonnage réalisant de courtes distances. Les mérites, pour l’usage urbain sont mis en évidence (silence, absence d’émissions locales). « En revanche, l’électricité devrait être moins pertinente pour les engins lourds (…) une amélioration de l’autonomie des batteries sera nécessaire pour envisager l’essor de l’électromobilité sur le transport de moyenne/longue distance. Celle-ci est à mettre en lien aves les capacités d’emport des véhicules et les contraintes réglementaires en matière de poids et dimensions. » Les administrations européennes et nationales devront apporter une contribution réglementaire positive au développement de cette filière et ne pas se contenter de mesures répressives. Il est surtout fondamental de bien distinguer les usages entre voitures particulières et véhicules indusdtriels. La France devra aussi procéder à « des travaux conséquents de renforcement des réseaux (…) pour qu’ils supportent les appels de puissance induits ». La recharge MCS au mégawatt , en cours d’étude chez plusieurs constructeurs, représente ici un défi considérable. Contrairement à certaines déclarations, plus ou moins volontaristes (ou fantaisistes ?) de certains constructeurs « le véhicule électrique, selon son gabarit, présenterait un coût total de possession défavorable par rapport au véhicule thermique jusqu’à 2030 » voire 2033 pour les véhicules d’un PTRA de 44 t. Les chiffrages actuels ayant, de plus, tendance à minorer les chiffres puisqu’ils ne prennent pas en compte les coûts liés aux infrastructures de recharge. Tout ceci « impliquant un soutien public à l’achat ou à la location significatif pour enclencher les investissements ». En clair : si les Etats veulent l’électromobilité à marche forcée, il faudra qu’ils investissent en proportion !

L’électrique sans les batteries, où en est-on ?

La route électrique (ERS) est évoquée. « La technologie n’a cependant pas été considérée comme suffisamment mature ». Beaucoup de questions demeurent en suspens, tant en matière de standardisation que de sécurité et de santé. On sait que les sociétés concessionnaires d’autoroutes, aujourd’hui propriétés de géants du BTP y sont favorables. C’est certainement un moyen pour elles de prolonger les concessions autoroutières pour faire face aux investissements colossaux requis par cette option. L’hydrogène y est étudié de façon plus extensive et il y est mentionné sa pertinence pour les usages longue-distance. Hélas, l’offre en véhicules lourds demeure aujourd’hui limité. Un frein majeur est identifié : celui du prix des véhicules. Quelques questions demeurent : « le développement de cette mobilité est conditionné par le rythme de déploiement des stations d’avitaillement et la réalité de la production de l’hydrogène bas carbone ».

Repenser le transport ?

Les actions de report modal sont, semble-t-il concentrées aux voyageurs. Il est vrai que la nature des biens, la complexité de la chaîne logistique et opérationnelle, sont des déterminants qui relèvent davantage du choix de société plus que de celui des transporteurs routiers. Un chapitre entier est consacré à la temporalité de cette démarche de décarbonation. Y est évoqué le besoin d’échanges réguliers, d’actualisation des données, le contrôle de la trajectoire de décarbonation, etc… Pour ces questions de visibilité, il est souhaité une « trajectoire pluriannuelle de soutien public au verdissement des flottes ». Cette visibilité concerne aussi les énergies, un sujet hyper sensible avec l’émergente filière hydrogène. Il y est très brièvement évoqué le sujet de la permanence des stratégies, prenant exemple sur la filière gaz, autrefois promue et aujourd’hui quelque peu négligée alors que des opérateurs et transporteurs s’y sont engagés, parfois avec de lourds investissements.

Au vu des connaissances actuelles, l’électrique à batteries pourrait être compétitif dès 2025. Mais aller vers la massification de cette option dans le renouvellement des parcs exige une refonte des critères bancaires avec « la contrainte du taux d’endettement maximal, qui conditionne les prêts accordés par les banques (…) Enfin, au regard du niveau important d’endettement des opérateurs, les aides directes sont à privilégier par rapport à des outils tels que le prêt à taux zéro ».

[1] SNBC Stratégie Nationale Bas Carbone

One Response

  1. Bonjour,
    a la lecture de l’article il semble encore et toujours que nos joyeux technocrate ne sont pas en phase avec la réalité. Alors que ces gens demandent aux transporteurs routiers qui sont je le rappelle des entrepreneurs ayant pris des risques financiers pour créer leur entreprise, il semble donc que l’on oublie de penser que ces entrepreneurs pensent, réfléchissent et vivent leurs futurs en pensant à aujourd’hui voire demain et ce avec beaucoup de difficulté alors que nos technocrates , pour certains ayatollahs de l’écologie, veulent obliger nos entrepreneurs à penser après-demain voire plus. On peut y voir une déconnection des décideurs politiques avec la réalité journalière des gens à qui ils obligent leurs pensées. Que l’Europe soit verte est une bonne chose mais que représente la dite Europe vis à vis du monde car , je me permets de vous le rappeler, le monde ( la terre) n’est pas que l’Europe et l’Europe ne représente t elle pas seulement 14 % de la production mondiale des gaz à effet de serre eux-mêmes responsables du réchauffement climatique. Bref, avant d’aller plus loin , ne serait il pas plus intelligent d’harmoniser au niveau mondial les règlementations existantes et de cesser de nous prendre pour les sauveurs du monde.

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