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Ce que les camions peuvent apprendre de la transition énergétique des autobus en France

Jean-Yves Kerbrat, directeur Général de MAN Trucks & Bus France, le déclarait il y a quelques jours : le marché des autocars et autobus est en avance de quelques années (entre 12 et 18 mois selon ses propos) sur celui du camion. Ceci s’explique par des contraintes particulières, d’ordre politique, venant en plus des obligations réglementaires. Nous nous sommes intéressés à l’Etude comparative des différentes motorisations de bus 2022 de la Centrale d’achat du transport public (CATP). Analyse.

Ce rapprochement entre autobus urbains et camions, pour récent qu’il soit, touche un grand nombre de constructeurs. En Europe, MAN et Scania font marcher leurs synergies de groupe. DAF développe sa gamme électrique grâce à une coopération étroite avec son compatriote VDL. Le Mercedes-Benz eActros a dû beaucoup, au lancement du programme, à l’autobus Mercedes-Benz eCitaro. Et dernièrement, c’est Irizar, bien connu en autocars et autobus qui a franchi le pas vers les camions en utilisant les composants et le savoir-faire de sa gamme Irizar eMobility pour ses châssis dédiés aux services publics urbains.

Il est donc intéressant (et instructif) de lire l’Etude comparative des différentes motorisations de bus 2022 de la Centrale d’achat du transport public (CATP) publiée ce mois de février 2022. Elle compare toutes les énergies disponibles et leurs coûts d’exploitation. Bien sûr, cela n’est qu’indicatif en raison de plusieurs facteurs : la valeur unitaire des autobus, qui est considérablement plus élevée que celles de camions 19 t 4×2 de distribution, impacte les amortissements. Les autobus urbains ont un mode d’exploitation très particulier, des vitesses commerciales infiniment plus faibles que les camions. Cela impacte défavorablement les consommations (dans son étude la CATP prend comme référence 42.9l/100km de gazole pour un véhicule Euro VI suivant le cycle urbain SORT 1). Mais quelques métiers peuvent avoir un profil assez similaire : les bennes à ordures ménagères, les laveuses-balayeuses, certains camions de distribution dans les grandes métropoles (notamment en messagerie ou en distribution alimentaire). Les auteurs rappellent que (hormis pour les trolleybus) le calcul du coût de possession ne prend pas en compte le prix réel des stations de distribution, ce qui favorise clairement les véhicules GNV et électriques. La durée d’exploitation est aussi notablement plus longue que pour un camion pour un kilométrage annuel bien plus faible : ici elle est de 15 ans et 600 000km. Ce véhicule, un autobus Diesel euro VI de 12 m dit « standard » dans le milieu du transport urbain de voyageurs, sert de base aux comparaisons qui suivent.

Les carburants non fossiles, avec un autobus Euro VI conventionnel, donnent des coûts d’usage sur 15 ans de 5% plus élevés avec du B100 et de 6% plus élevés en HVO que la base de référence.

Les autobus hybrides (série ou parallèle) donnent des résultats très proches du scénario de base Diesel Euro VI « simple ». Le gain sur les consommations est, partiellement, annihilé par le prix de base du véhicule et l’impact du changement de pack batteries en cours de vie du véhicule. Le bilan financier apparaît plus favorable dès lors pour les solutions d’hybridations légères à base de super-condensateurs. Mais ce type d’hybridation, typique d’un usage « stop & go » n’est pas proposé pour les camions à l’heure actuelle.

La grande surprise de l’étude concerne les véhicules GNV, dernièrement victimes de la hausse dramatique des cours du gaz. Sur une durée de 15 ans, la CATP note que leur coût de possession serait inférieur de 5% à ceux d’un autobus Diesel. Cela tient à la baisse, très sensible, des coûts des véhicules eux-mêmes. Les effets d’économie d’échelle semblent fonctionner à plein dans l’univers de l’autobus urbain GNV.

Ces économies d’échelle joueront-elles aussi favorablement pour les véhicules à batteries ? Après avoir passé en revue l’ensemble des technologies de batteries disponibles sur le marché, la CATP arrive à la conclusion que les coûts d’un véhicule à batterie sont, en moyenne, 41% plus élevés que ceux d’un euro VI thermique. On est donc loin d’affirmations, quelque peu péremptoires, surréalistes et d’un flou n’ayant rien d’artistique, de certains intervenants lors de tables rondes à Solutrans ! Malgré le très rapide développement de l’offre de la part des constructeurs, le coût des batteries demeure toujours aussi lourd dans les comptes. D’autant qu’il convient de les remplacer entre 7 et 8 ans si on veut maintenir les performances initiales d’autonomie.

Quant à l’hydrogène, son absence de maturité technique se mesure à un chiffre : sur les 15 ans d’exploitation, la CATP arrive à un surcoût de… 104 % par rapport au Diesel Euro VI. Sans commentaires.

Le contenu intégral de l’étude peut être demandé auprès de www.agir-transport.org

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