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Etude : 19% de la masse de la batterie en fin de vie peut être récupéré comme matière réutilisable

Huit personnes des cabinet Strategy& et de l’Université d’Aix-la-Chapelle (RWTH Aachen University) tentent un périlleux exercice de prospective : essayer d’estimer le marché du recyclage des batteries de traction lithium-ion en fin de vie. Pour les postulats, ils estiment que la demande en batteries de traction Lithium-Ion pourrait représenter 6.5TWh à l’horizon 2040. Un marché qui devrait émerger finalement assez vite puisque les auteurs s’attendent à le voir émerger dès 2030. Il est estimé à 1TWh en 2040.

On peut toutefois signaler que les véhicules accidentés devraient alimenter ce marché plus tôt, avec le probable besoin de ré-assemblage de packs. Ce qui est cohérent avec leur estimation selon laquelle, dès 2023, ce ne sont pas moins de 10 000 tonnes de batteries lithium-ion qu’il faudrait déjà recycler en Europe. Un volume qui devrait passer à 460 000 tonnes en 2030 puis 2 650 000 tonnes en 2035.

En termes réglementaires, la Corée du Sud et la Chine ont fixé un cadre dès 2013 (incluant la question des effluents issus du recyclage). L’Union européenne fait évoluer sa règlementation, passant de la Directive batterie initiale de 2006 à une version bien plus ambitieuse adoptée ce mois d’août 2023. Désormais les objectifs sont fixés par matériaux avec un taux de recyclage à atteindre pour chacun dans la production des cellules de batteries.

Cela passe aussi par une responsabilité étendue du producteur. Les Etats-Unis se contentent de projets de recherche (comme le programme Call2Recycle). Toutefois, le gouvernement fédéral des USA a listé de matériaux sensibles et critiques (Critical Minerals ans Materials Program), ce qui impactera forcément l’industrie du recyclage.

Les derniers objectifs fixés par l’UE ambitionnent de collecter d’ici 2035, 80% des batteries lithium-ion en fin de vie ainsi que 95% des composés à base de nickel, cobalt et cuivre. Le rendement, ou efficacité, du recyclage devra être de 70% de la masse initiale à traiter. Pour les fabricants, il y aura à la même date, une exigence d’incorporation de 6% de lithium et de nickel recyclé dans les nouvelles cellules. Pour le cobalt ce taux d’incorporation de matière recyclée sera de 16%. On est encore loin, très loin, du « un pour un » synonyme de fonctionnement en boucle fermée. Les auteurs estiment que cet objectif ne sera pas atteignable jusqu’à bien après 2040. Fin des illusions… Dans le meilleur des cas, ils envisagent un taux d’incorporation dans les cellules neuves de 60% de matières recyclées.

De la pyrométallurgie à l’hydrométallurgie

Les auteurs de l’étude voient un changement technique, passant de la pyrométallurgie (traitement thermique des métaux via séchage, torréfaction ou fusion) vers l’hydrométallurgie (traitement par mise en solution puis extraction via purification chimique), afin d’atteindre les objectifs assignés. La pyrométallurgie sera toutefois toujours requise pour le cuivre ou l’aluminium (massivement utilisé dans les packs contenant les cellules). Ces matières non actives dans les batteries en fin de vie représenteraient selon les auteurs 60% des volumes à traiter.

« Globalement 19% de la masse de la batterie en fin de vie peut être récupéré comme matière réutilisable » précise l’étude. Les matières qui peuvent être récupérées dans le mélange électro-chimique actif sont le nickel, le lithium, le manganèse et le cobalt.  Ce déploiement entraînera une organisation logistique et industrielle structurée reposant sur des unités déconcentrées dédiées à la préparation (démantèlement des packs, tri des matières) et au pré-traitement (broyage, séparation).

Sur un plan économique, les auteurs considèrent qu’il faudra trouver un point d’équilibre entre les économies d’échelles issues de la centralisation des unités de retraitement avec les coûts logistiques (tant en amont avec les unités de tri qu’en aval vers les producteurs de cellules). Un point important car, en effet, les batteries en fin de vie ne sont pas des déchets industriels banals mais bien considérés comme déchets spéciaux et dangereux pour l’environnement ce qui impacte forcément les coûts de transport.

L’étape cruciale du recyclage se fera, comme aujourd’hui, dans des unités spécifiques. Un pari logique vu la complexité réglementaire pour construire une usine, à fortiori si celle-ci travaille métaux et produits chimiques (divers acides mais aussi réactifs comme les Cyanex272 Cyanex923P,  toxiques pour les milieux aquatiques). Cette spécialisation pourrait aboutir à une réduction des investissements de l’ordre de 50%. Lesquels sont estimés à 2.9 millions d’euros pour une installation capable de traiter 1000t/batteries annuellement. La pyrométallurgie requerrait selon les mêmes auteurs un investissement initial de 2.3 millions d’euros pour 1000t/capacité annuelle installée avec un optimum estimé à 40 000t/annuelles. Le recyclage des matières actives des cathodes reste encore expérimental. Ils estiment que le retraitement de 40 000 tonnes de matières actives permet d’obtenir 19 000 tonnes de matières réutilisables dans de nouvelles cellules.

Au final, le montant à investir dans la filière représenterait 2.2 milliards d’euros d’ici 2030 pour une capacité de 570 000t/annuelles de batteries à recycler. Mais ils préviennent : « avec l’arrivée en fin de vie de la première vague de batteries, les matériaux à recycler dépasseront les capacités annoncées ce qui entraînera un déficit dans le recyclage d’ici 2030 (…) Pour gérer les matériaux à recycler en 2035, des investissements additionnels en capacités sont requis, pour un montant de 7 milliards d’euros». A ce jour, ils ont recensé 1.6 milliards d’euros planifiés d’ici 2030 pour les unités de recyclage et 600 millions pour les usines de démantèlement et pré-traitement. L’ensemble de la filière (démantèlement et recyclage proprement dit) exigerait donc 9.6 milliards d’euro pour ternir les engagements à l’horizon 2035.

Toute la difficulté est de parvenir à amorcer le cycle pour créer des débouchés rentables pour les recycleurs (une fois que ceux-ci sauront garantir les grades de puretés requis par les fabricants de cellules). Plus facile à dire qu’à faire car aujourd’hui, même en payant pour la fin de vie des batteries, les « metteurs sur le marché » obligés par la Directive européenne de 2006 ne parviennent pas à équilibrer les coûts des recycleurs. La diversité d’électro-chimies qui pourrait se faire jour d’ici 2030 (batteries à électrolyte solide, développement massif des Lithium-Ion Fer-phosphate) ne facilitera pas la vie des recycleurs.

Pour en savoir plus : https://www.pem.rwth-aachen.de/cms/PEM/Der-Lehrstuhl/Presse-Medien/Aktuelle-Meldungen/~bcztzr/Studie-zu-Batterie-Recycling-in-der-EU-/lidx/1/

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