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Voici comment Matignon reprend la main sur les dossiers du TRM

La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a beau hériter du portefeuille de l’Ecologie suite à la démission de François de Rugy ; Matignon reprend la main sur les dossiers sensibles du TRM. L’heure est grave pour la profession au moment où le projet de loi de finances 2020 est en préparation au sommet de l’Etat.  Dans un courrier alarmiste adressé le 22 juillet au Premier ministre Edouard Philippe que TRM24 a pu consulter,  les présidents de la FNTR et de l’Union TLF, Jean-Christophe Pic et Eric Hémar, décrivent la stupéfiante réalité  : « nos entreprises nous demandent d’agir et il semble urgent d’établir un mode de concertation avec le gouvernement qui ne nous renvoie pas en permanence, comme un jeu de ping-pong, à des ministères différents mais qui mettent face à nous de vrais décisionnaires capables de prendre des décisions avec une vue globale sur l’ensemble de notre secteur et d’appréhender de manière cohérente les difficultés et le malaise que nos entreprises nous font remonter ». Un véritable  changement de paradigme s’impose.  Etat des lieux et décryptage.

La déclaration de la ministre des Transports Elisabeth Borne le 9 juillet à l’issue du conseil de défense écologique a mis le feu aux poudres. Pour braquer les fédérations du TRM, la ministre n’aurait pas pu mieux s’y prendre. Annoncer le matin le relèvement de 2 centimes du seuil de remboursement de  la TICPE sur le gazole professionnel et convoquer les fédérations l’après-midi pour l’explication de texte ; rien de tel pour ériger la méthode unilatérale comme diplomatie. Est-ce la meilleure façon d’entrer dans l’acte II du quinquennat souhaité par Emmanuel Macron après l’épisode des gilets jaunes  ?  Classée à gauche lorsqu’elle est entrée au gouvernement en mai 2017, Elisabeth Borne est aujourd’hui membre du mouvement de la majorité présidentielle (LREM). Si elle est connue pour son travail acharné et sa connaissance technique des sujets, elle n’a pas de poids politique pour remporter les arbitrages face à Bercy ou Matignon. Cela pose la question  du périmètre d’un ministère de plein exercice pour les transports au regard d’un simple secrétariat d’Etat. Certes, elle a porté le  projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) qui doit revenir à l’Assemblée nationale le 10 septembre pour une nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP).

Mais la ministre a entretenu le flou artistique avec des « éléments de langage » relatif à la vignette poids lourds qui ont laissé quelques parlementaires dubitatifs. Il manque 350 à 500 millions d’euros de recettes pour abonder le budget de l’AFITF dès 2020. Le sénateur centriste Hervé Maurey martèle depuis des mois que la programmation des investissements des infrastructures n’est pas assurée. L’ex-directrice de cabinet de Ségolène Royal sait pourtant que  le sujet de la TICPE est sensible pour les fédérations depuis l’abandon sine die de l’écotaxe en 2014. Une décision à laquelle elle a participé avec sa ministre de tutelle. Outre la pression fiscale supplémentaire qu’une hausse unilatérale de la TICPE de 2 centimes d’euros sur le litre de gazole fait peser sur les entreprises, soit 180 millions d’euros,  cette majoration va « venir amputer de plus d’un tiers la marge des transporteurs, sans aucune assurance de répercussion dans les tarifs », constatent les présidents de la FNTR et d’Union TLF dans leur courrier à Edouard Philippe. Et ils ajoutent. « Cette mesure représente pour une entreprise de transport avec un poste carburant autour de 30 %, une perte de marge de près de 0,5 % de son CA. » L’approche globale demandée à l’exécutif  par Jean-Christophe Pic et Eric Hémar est aussi une exigence de cohérence et de respect de la parole donnée. Le TRM a consenti une  hausse de 4 centimes de la fiscalité du gazole professionnel en 2015 après l’abandon sine die de l’écotaxe, une mesure présentée  par l’Etat comme « solde de tous comptes ». Au reste, la majoration de 2 centimes de la TICPE sur le gazole ne pourra pas être répercutée chez les clients pour des raisons techniques, ce qui pénalisera de facto le résultat et les capacités d’investissement des entreprises.

Loi de finances 2020 : les réflexions en cours

La préparation du projet de  loi des finances 2020 dont les ultimes arbitrages seront rendus en  septembre n’a pas de secret pour Laurent Martel,  le conseiller « prélèvements obligatoires », conjoint  à Matignon et à l’Elysée. Inspecteur des finances, major de sa promotion, ce trentenaire au visage presque poupin joue un rôle stratégique  dans l’arbitrage technique et politique des chantiers « prélèvements obligatoires » durant le quinquennat. Cette année, la préparation du  projet de loi doit intégrer le phénomène « gilets jaunes », les entreprises du TRM ont été pénalisées  comme d’autres secteurs du commerce et de l’artisanat. Le gouvernement planche sur des pistes de travail non sans éviter les annonces  qui vont pénaliser davantage  la compétitivité des entreprises. L’avantage fiscal sur le gazole non routier, (niche GNR), qui coûte 900 millions d’euros à l’Etat sera supprimé sur 3 ans, par étape, à partir du 1er juillet 2020, puis en janvier 2021 et en janvier 2022. Le gouvernement a confié une mission d’inspection sur le GNR à l’ex-député Hervé Mariton, lequel doit rendre ses conclusions d’ici à septembre.  En outre, et  à l’initiative de la députée de l’Allier, Bénédicte Peyrol, spécialiste des questions fiscales à l’Assemblée nationale pour le groupe LREM, le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, travaille au recensement de l’ensemble des dépenses et des recettes contribuant aux objectifs environnementaux par le truchement d’un nouveau « jaune » budgétaire dont la première mouture sera annexée au projet de loi de finances 2020. C’est l’annonce qu’il a faite dans  son discours à l’Assemblée le 11 juillet lors du débat d’orientation des finances  publiques. Enfin, le gouvernement pourrait aussi intégrer à sa réflexion l’avis du président du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), Didier Migaud, lequel suggère de supprimer certaines taxes affectées et de les remplacer par des « contributions volontaires obligatoires » (CVO).

Les principaux extraits du courrier adressé au Premier ministre le 22 juillet et cosigné par les présidents de la FNTR, Jean-Christophe Pic et de l’Union TLF, Eric Hémar. En copie aux ministres Elisabeth Borne (Transports), Gérald Darmanin (Action et comptes publics), Bruno Le Maire (Economie et Finances), Muriel Pénicaud (Travail).

-« les annonces de votre gouvernement ont conduit à impacter l’ensemble de notre secteur de manière difficilement supportable. Notre performance économique et nos capacités d’investissement vont s’en trouver affectées pendant de nombreuses années ».

-«Nous avons découvert dans la presse que nous faisons partie d’une liste de 7 secteurs « jetés en pâture » sur les contrats courts sans que jamais ne soient pris en compte les spécificités de nos métiers et de leurs évolutions (essor du e-commerce, multiplication d’évènements commerciaux et développement du « just in time » industriel etc…) qui imposent une nécessaire flexibilité face aux aléas et à la saisonnalité de certaines activités. » (…) En l’état actuel, une taxation via un malus, quasi certain pour de nombreuses entreprises, pourrait représenter jusqu’à 0,5 % du chiffre d’affaires, pour des résultats moyens de notre secteur qui se situent autour de 1 % de CA »

-«La suppression de la déduction forfaitaire spécifique (DFS), mesure également non concertée, entraînera à terme une augmentation du coût du travail pour nos entreprises en même temps qu’une baisse significative du pouvoir d’achat des conducteurs. Présentée scandaleusement comme une « niche fiscale », elle a été utilisée en fait par de nombreuses entreprises de transport pour résister à l’écart de compétitivité avec nos voisins européens tout en améliorant le salaire net perçu par nos conducteurs. »

-« Concernant la fiscalité sur le gazole non routier (GNR), votre gouvernement a fait le choix de taxer brutalement les entreprises de transports frigorifiques, et de béton prêts à l’emploi. Celles-ci vont voir leur coût de revient augmenter alors même que les technologies de substitution ne sont pas encore opérationnelles. »

 

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