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HVO et XtL, rêves de dieselistes ?

Lors de la dernière conférence organisée par le pôle de compétitivité CARA dans les locaux de l’IFP Energies Nouvelles de Solaize (Rhône), les émissions de polluants atmosphériques liées aux usages des carburants de substitution pour moteurs Diesel ont été évoquées en détail.

Si le HVO et le e-Diesel apparaissent comme des combustibles presque parfaits, quelques restrictions existent sur les EMAG[1]. Lucia Giarracco-Mehl, ingénieur de recherche à l’IFP Energies Nouvelles en chimie des carburants à Rueil-Malmaison et spécialiste de la dynamique de combustion, explique que la présence d’oxygène dans les EMAG induit deux phénomènes pénalisants pour les utilisateurs finaux : un délai de conservation du produit qui ne dépasse pas 6 mois (contre 2 ans pour du gazole, dans de bonnes conditions de stockage). Et une surconsommation de carburant.

En outre, les EMAG ont quelques réactions dommageables avec des métaux comme le cuivre ou les élastomères comme les FKM (dits fluoro-élestomères). De plus, d’après les mesures faites dans les laboratoires de l’IFP Energies Nouvelles, les émissions d’oxydes d’azote (NOx) fluctuent beaucoup d’un moteur à un autre lors de l’utilisation d’EMAG (ou B100). Ce produit est également plus visqueux que le gazole ou les autres substituts, ce qui est également un handicap lors de la pulvérisation dans les chambres de combustion. Cela contribue à amplifier la « mouillabilité » des parois des cylindres et contribue à la génération de particules.

Les EMAG ont également un pouvoir lubrifiant moindre que celui du gazole ou de ses substituts HVO[2] et XTL[3].  A l’inverse HVO et XTL ont un pouvoir calorifique inférieur (PCI) et un indice de cétane nettement plus élevés que les EMAG, ce qui les avantage à la fois en rendement énergétique et en comportement à l’inflammation du mélange.

Ultime argument pour le HVO, sa teneur en soufre inférieure à 1mg/kg, ce qui réduit la génération de particules (les catalyseurs apprécieront). A comparer aux 10mg/kg du gazole délivré en stations depuis l’application de la norme européenne Auto-Oil II en 2005. Bref, on comprend à cet exposé (très technique) pourquoi les moteurs compatibles B100 exigent des plans de maintenance spécifiques.

Lucia Giarracco-Mehl conclut qu’une additivation des EMAG pourrait être nécessaire pour réduire les effets de cette oxydation, un moyen de réduire également l’encrassement des injecteurs. Bizarrement, les impacts sur les émissions de particules fines, mesurées à l’IFP Energies nouvelles, ne sont pas linéaires avec les EMAG (gain sur les émissions de particules supérieures à 23nm à faible charge moteur, mais augmentation des particules fines).

XTL et HVO globalement bons en émissions

L’exposé de Lucia Garracco-Mehl confirme que les carburants de substitution permettent globalement une diminution des émissions de polluants atmosphériques, ce qui soulage d’autant les dispositifs de post-traitement des gaz d’échappements. Sur les particules fines, à partir d’une teneur de 10% d’alcanes oxygénés, une baisse de 10 à 20% de la masse des particules fines est observée. La conclusion de cette scientifique est la suivante : « la dilution des aromatiques est essentielle pour réduire la masse des particules tandis que l’oxygène semble efficace pour réduire e nombre de particules émises de grande taille ».

Le HVO présente un bilan encore meilleur dans les différentes études internationales conduites sur ce sujet[4] avec un gain de 70% mesuré sur les émissions de monoxyde de carbone (le mortel CO), de -20% sur les hydrocarbures imbrûlés (HC) et une baisse d’environ -15% sur les émissions de particules fines.

Selon les résultats de l’IFP Energies Nouvelles et les données de quatre autres études internationales, les moteurs Euro VI-d à catalyse SCR sont relativement constants dans leurs émissions, ce serait moins vrai pour les moteurs Euro VU-d avec EGR+SCR. Une réduction des émissions de CO2 de -4% à -8% est observée lors du fonctionnement en HVO pur. Pour les EMAG, la chercheuse relève que les résultats d’études sur les émissions d’oxydes d’azote (les NOx, réputés irritants) sont excessivement variables : on va d’un brillant -30% à un préoccupant +50%. Visiblement, tous les moteurs et systèmes d’injection ne s’accommodent pas de la même façon aux différentes qualités d’EMAG (la ressource primaire -ou intrant- de ceux-ci a des impacts sur les caractéristiques de combustion). Les impacts sur les particules fines seraient répartis entre -20% et -75%, là encore en fonction de la typologie de moteur et d’EMAG. Les émissions d’hydrocarbures imbrûlés baissent de -10% ç -40%.

Sur le dangereux CO, elle relève que les études enregistrent une élévation de leur teneur en sortie moteur mais, aucun impact après passage dans les éléments de post-traitement des gaz d’échappement. En ce qui concerne les polluants non réglementés, les aromatiques polycycliques et formaldéhydes sont systématiquement réduits lors du passage aux carburants de substitution, que ce soit sur moteur Cummins ou Scania. Mais les esters d’huiles de colza (RME) constituent l’exception (avec une élévation des émissions) sur ces deux chapitres. Comme les performances mesurées (puissance et couple) sont inchangées, et que les substituts (HVO et XTL) sont applicables sans modifications significatives sur les moteurs, la conclusion des différentes études leur est favorable. Comme quoi le moteur Diesel, en Euro VI et bientôt en Euro VII, peut bel et bien fonctionner avec des carburants autres que d’origine fossile.

[1] EMAG ou Ester méthyliques d’acides gras (FAME en anglais). Ces produits issus de graisses végétales, animales ou d’huiles usagées, sont présents, en proportions variables dans les B7, B30 et B100.

[2] HVO Hydrotretaed Vegetale Oil, ou huiles végétales hydrotraitées. Ce procédé permet à partir de matières grasses végétales, animales ou minérales de produire des huiles paraffiniques de synthèse.

[3] XTL désigne les carburants liquides réalisés suivant le procédé Fischer-Tropsch (biomasse -BTL- ; gaz -GTL- ; ressources électriques -PTL-)

[4] Singer et al. Fuel (153), 959-603

Liu et al., Appl. Sci. 2018, 8(11), 2303

Agarwal et al. Progress in energyand combustion science, Volume 61, 2017

Burton et al., Fuel property effiect of a broad range of potential biofuels on mixing control compression, Ignition Engine Performance and emissions, SAE Techical paper 2021 -01 -0505, 2022.