Actu

Interview de Jean-Marc Zulesi, co-rapporteur du projet de loi climat et résilience

Les transporteurs ne doivent pas être seuls à supporter les coûts de la transition énergétique »

Jean-Marc Zulesi, député LREM des Bouches-du-Rhône, répond aux questions de TRM24. Il est le rapporteur du titre « Se déplacer » du projet de loi climat et résilience en discussion depuis hier à l’Assemblée nationale. Les députés de la majorité avaient validé l’article 32 du projet de loi climat, examiné en commission avant son arrivée dans l’hémicycle qui permet aux régions « volontaires » et disposant d’un domaine public routier de mettre en place une « contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises. Pour le député, il ne s’agit pas d’un copier-coller de l’écotaxe Hollande et, selon lui, les régions en sont demandeuses. Le député est aussi à l’origine de la suppression “progressive” de l’avantage fiscal sur la TICPE mais s’est opposé à l’amendement qui accélérait la mise en place de la mesure dès l’année prochaine.

TRM24 : Concernant la suppression progressive de l’avantage fiscal sur la TICPE, vous avez déclaré « qu’il ne s’agit pas de tuer la filière mais de l’accompagner dans une transition », mais une mesure aussi brutale n’est pas de nature à aider les entreprises de transport ?

Jean-Marc Zulesi :

« Comme précisé dans votre question, il s’agit d’une suppression progressive à horizon 2030. Par définition, ce qui est progressif n’a aucune raison d’être brutal. J’ai pleinement conscience que votre secteur subit de plein fouet la concurrence de pays européens. Ma volonté est donc d’accompagner l’ensemble de la filière dans le temps. D’ailleurs, le projet de loi précise que cette évolution s’accompagne d’un soutien à la transition énergétique du secteur du transport routier. De plus, je tiens à rappeler que j’ai émis un avis défavorable à tous les amendements qui visaient à mettre fin à l’avantage fiscal sur la TICPE dès 2022. J’ai souhaité conserver le principe pragmatique en vertu duquel l’accélération de la convergence de la fiscalité énergétique doit se jouer durant la Présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 (PFUE). J’ai ajouté à ce principe la nécessaire harmonisation et le renforcement de la réglementation sociale du transport routier de marchandises à l’occasion de cette présidence. Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que j’ai particulièrement insisté pour que le développement de l’offre de véhicules lourds à motorisation alternative au gazole d’origine fossile mis sur le marché ainsi que la mise à disposition de réseaux correspondants d’avitaillement en énergie mais aussi que les modalités du soutien renforcé à la transition énergétique du secteur, notamment par le renouvellement des parcs de véhicules ou leur transformation soient une priorité nationale. »

TRM24 : Les aides de 50 000 euros ne sont-elles pas insuffisantes, le prix d’un camion électrique approchant les 230 000 euros aujourd’hui ?

Jean-Marc Zulesi :

« Il faut rappeler que l’aide de 50 000 euros peut se cumuler avec la déduction exceptionnelle pour véhicules lourds utilisant des énergies propres, mobilisable jusqu’au 31 décembre 2021. Les entreprises qui acquièrent un véhicule lourd, peuvent pratiquer une déduction exceptionnelle, dite « suramortissement », sur leur résultat imposable. La déduction est de 40% pour les véhicules dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes et de de 60% pour les véhicules dont le poids autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes et inférieur ou égal à 16 tonnes. Il y a donc deux dispositifs de l’Etat qui accompagnent concrètement les entreprises dans l’acquisition de camions propres. Cependant, j’ai pleinement conscience que la maturité des différentes technologiques n’est pas encore pleinement au rendez-vous. Notre priorité est bien d’accélérer la mise sur le marché de solutions fiables, facilement accessibles et pérennes. Il y là une opportunité de création d’emplois sur l’ensemble du territoire nationale. Les constructeurs doivent s’en saisir. L’Etat doit soutenir et accompagner cette dynamique. »

TRM24 : En réalité, les compensations à cette mesure (suppression du remboursement TICPE) sont quasi-inexistantes ?

Jean-Marc Zulesi :

« Avant de parler de compensation, encore faut-il que la trajectoire de suppression du remboursement de la TICPE soit définie. Or, je rappelle que cette trajectoire sera exposée après négociations à l’échelle européenne. Par ailleurs, l’objectif de fin de remboursement à l’horizon 2030 donne le temps du dialogue et de l’adaptation au changement porté notamment par le soutien renforcé à la transition énergétique du secteur, notamment par le renouvellement des parcs de véhicules ou leur transformation. L’Etat va donc continuer à se mobiliser pour soutenir le fret routier et lui permettre de rester compétitif, avec des aides mais aussi des négociations au niveau de l’Union Européenne. »

TRM24 : Le projet d’un contrat de transition énergétique (reprenant ces mesures et les compensations) promis par le gouvernement a disparu ?

Jean-Marc Zulesi :

« Absolument pas ! La loi Climat et Résilience doit s’appréhender dans une cohérence d’ensemble, dans la continuité du travail global engagé par le gouvernement et la majorité pour la transition énergétique des transports. En janvier 2021, le Ministère des Transports a initié une Task Force réunissant les représentants des transporteurs, des constructeurs et des énergéticiens ainsi que les administrations concernées afin que soit établi un constat partagé sur les solutions de décarbonation des véhicules de transport. Ce groupe de travail, dont les conclusions sont attendues en juin, va permettre l’instauration du meilleur contrat de transition énergétique possible. »

TRM24 : Le projet d’écotaxe dans la Loi Climat n’est pas la mesure de trop ? Le gouvernement n’aurait pas pu attendre vu le contexte économique ?

Jean-Marc Zulesi :

« Tout d’abord, ce n’est pas une écotaxe puisqu’elle n’est pas calculée sur le nombre de kilomètres parcourus. Il ne s’agit pas du recyclage du dispositif porté par le gouvernement Hollande, et j’insiste, nous ne sommes pas en train de mettre en place un dispositif national où l’argent est capté par l’Etat sans être fléché. Je rappelle que nous répondons à une demande des Régions. Ces dernières choisiront de mettre en place ou non le dispositif et pourront réinvestir le produit de la contribution. Cette mesure est une demande de certaines collectivités comme la Communauté Européenne d’Alsace, où un nombre important de camions étrangers traversent les régions frontalières et ne participent en rien au financement de la régénération de notre maillage routier. De plus, pour s’assurer que le meilleur dispositif possible soit mis en place, la loi prévoit une concertation de vingt-quatre mois avant la publication de l’ordonnance qui offrira aux régions la possibilité de mettre en place cette contribution. Ce qui veut dire que le dispositif ne sera pas appliqué avant au moins deux ans, laissant ainsi le temps à la mise en place d’un mécanisme juste et facultatif. »

TRM24 : Est-ce aux transporteurs seulement de « payer » ? Et les chargeurs et la grande distribution grande utilisatrice de camions ?

Jean-Marc Zulesi :

« J’entends la demande et elle est légitime. Le projet de loi a d’ailleurs pour objectif de faire peser sur les entreprises chargeurs une obligation de prise en compte des coûts environnementaux du transport le long de la chaîne de production, notamment au regard du choix de véhicules, c’est tout l’objet de l’article 33. Les transporteurs ne doivent pas être seuls à supporter les coûts de la transition énergétique, c’est pourquoi la Task Force du ministère des transports dont je vous parlais est composée des représentants des transporteurs, des chargeurs, des constructeurs et des énergéticiens. Exigence de dialogue et concertation nous conduiront vers ces solutions pragmatiques et durables. C’est tout le sens de la loi Climat et Résilience qui est une étape dans un long processus de travail de l’Etat et des acteurs du fret pour avancer ensemble vers un transport toujours plus vertueux. »

Propos recueillis par Hervé Rébillon

rebillon@trm24.fr

One Response

  1. Les transporteurs étrangers, qui s’approvisionnent en dehors de nos frontières, vont applaudir des quatre mains, la suppression de la ristourne de TICPE qui leur procurera un nouveau gain de compétitivité!
    Voyez cette vidéo, tournée par France Bleu lorraine, qui montre l’énormité de la perte de TICPE pour l’état (autant que rapportera l’écotaxe régionale!)

    https://www.dailymotion.com/video/x6ofjlc

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *