Stratégie

INTERVIEW EXCLUSIVE Vittorio Battaglia, président de Gefco France

« Nous sommes à un moment charnière pour la profession »

Vittorio Battaglia, président de Gefco France et membre du Comité exécutif du Groupe au depuis novembre 2020, est fort de plus de 20 années d’expérience dans différents postes de direction de grands groupes du transport et de la logistique. Précédemment, directeur général transport du groupe FM Logistic, il a auparavant travaillé chez TNT, CAT ou DHL en tant que directeur général de DHL France. Vittorio Battaglia a en charge d’accélérer le développement de Gefco France sur l’ensemble de ses activités tant dans les solutions de supply chain multimodales, que celles d’entreposage et de logistique des véhicules finis. Autant de sujets qui le passionnent et qu’il a abordés lors d’une interview exclusive à TRM24. Il revient aussi sur l’affaire dite de « prêt de main d’œuvre internationale » qui concerne une agence de Gefco en Haute-Saône.

TRM24 : Nous le ressentons, le transport et la logistique commencent à vivre une révolution. Cela vous inquiète-t-il ?

Vittorio Battaglia :

“Nous sommes à un moment charnière pour la profession et nous pensons à l’avenir. Tous les acteurs de l’industrie logistique européenne sont concernés et nous devons changer de paradigme. Il y a des mesures à prendre. Nous préconisons de changer la façon d’organiser le transport longue distance afin de préparer la transition énergétique alors qu’actuellement 98% des poids lourds roulent avec des énergies fossiles. Pour cela, notre gestion du transport représente une forte attention et la notion de « green » sera portée également par la digitalisation autant que les évolutions énergétiques.”

TRM24 : Justement, la transition énergétique ne va-t-elle pas poser des problèmes insolubles au transport routier ?

Vittorio Battaglia :

“Il convient de trouver un juste équilibre. Nous ressentons une pression énorme de l’énergie électrique. Il faut l’intégrer dans la vie de tous les jours avec l’intelligence collective, plutôt que poussé et contraint par des obligations qui viennent essentiellement du monde politique. Donc, dans ce cas, nous devons également prendre en compte ce qui existe aujourd’hui, c’est-à-dire les différents modes énergétiques et déterminer ceux qui correspondent véritablement à l’usage du moment.”

TRM24 : Quel avantage apportera un surcroît de digitalisation ?

Vittorio Battaglia :

“Nous continuons à apprendre à utiliser la digitalisation. Cela permet de gagner en efficacité, être plus précis dans notre exploitation, mais aussi permettre aux conducteurs d’avoir une vie professionnelle plus harmonieuse, mieux réglée avec des horaires respectés. Un suivi plus efficace des véhicules permettra de réduire les temps d’attente grâce à des heures de rendez-vous qui fonctionnent d’ailleurs dans l’industrie automobile. Ces procédures sont à développer et à appliquer par tous les acteurs de la supply-chain.”

TRM24 : Dans chaque pays, le manque de conducteurs inquiète. Quelle est votre sentiment sur ce sujet ? 

Vittorio Battaglia :

“Tous les acteurs de la supply-chain doivent être conscients que la tension actuelle concernant le recrutement des conducteurs va peser lourdement sur l’activité de nos entreprises et plus largement sur l’économie de nos pays. C’est très problématique en longue distance et cela va devenir encore plus critique en fin d’année. Le travail des conducteurs doit être valorisé mais aussi rendu plus facile. Par exemple, nous devons être capable de prévoir le retour à leur domicile. Par exemple, il ne faut plus que des conducteurs soient bloqués loin de chez eux en période de fêtes, comme à Noël.”

TRM24 : Lors de la conférence d’ouverture du salon SITL vous avez évoqué votre idée de création de HUB de regroupement. De quoi s’agit-il ?

Vittorio Battaglia :

“Nous nous sommes rendu compte durant la crise sanitaire que, dans bien des cas, nous nous sommes retrouvés dans une situation très complexe pour l’approvisionnement de la vie de tous les jours. Nous devons réviser notre façon de travailler. D’où l’idée que nous préconisons de la création de relais avec l’implantation de terminaux dans le réseau autoroutier européen tous les 400 ou 500 kilomètres. Il pourrait y en avoir entre 30 et 40 en France d’où partiraient des véhicules dotés de motorisations peu polluantes voire un jour autonomes, et pouvant fonctionner la nuit. Une fois l’activité de collecte réalisée, les remorques seraient prises en charge à partir des points relais par des motrices « green » et amenées jusqu’au point relais le plus proche de l’activité de livraison où un moyen de distribution se chargerait de conduire la remorque à destination. Digitalisation pour la prise en charges de remorques, capacité de charge des véhicules propres rapide et simultané, véhicules autonomes un jour, voilà les éléments qui pourraient modifier le transport longue distance avec une amélioration de la vie de nos chauffeurs moins contraints à des déplacements longs et répétitifs. A ce moment-là, il est possible aussi de mutualiser cette séquence de transport entre différentes entreprises afin de limiter encore le nombre de véhicules.”

TRM24 : Pour terminer, vous parlez des attentions que la chaine logistique doit porter sur les conducteurs. Pouvez-vous évoquer l’affaire dite de « prêt de main d’œuvre internationale » qui concerne une agence de Gefco en Haute-Saône entre 2015 et 2018 ? Quelles mesures mettez-vous en place afin de sécuriser les pratiques sociales ?

Vittorio Battaglia :

“Une enquête judiciaire étant en cours sur une agence, nous en attendons les résultats. Nous tenons néanmoins à rappeler que Gefco possède une politique de conformité et des procédures d’achat strictes concernant la vérification des sous-traitants. Conformément à nos codes de déontologie, des actions de vérification et d’audits internes ont été conduites pour vérifier que les dispositifs de contrôle dans la gestion de nos sous-traitants sont parfaitement respectés. Nous avons également rappelé à l’ensemble de notre réseau les obligations documentaires auxquelles nous sommes tenus, et plus particulièrement les obligations de vigilance, que tout commissionnaire de transport doit réaliser dans l’exploitation de son activité.”

Hervé Rébillon
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One Response

  1. bonjour
    si on commençait par payer les chauffeurs correctement, peut-être que le recrutement serait plus facile.
    exemple d’offre d’emploi :
    190h/mois salaire brut 2055.13euros = 10.81euros de l’heure BRUT
    soit 50 HEURES de plus qu’un salarié sédentaire,
    + le risque de perte de point sur le permis de conduire

    à ce prix là, vaut mieux être homme de ménage.

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