BREXIT

Philippe Prétat, PDG de DHL Express France : “Un Brexit sans accord impliquera taxes et surcoûts”

Philippe Prétat est PDG de DHL Express France depuis avril 2018. Dans l’entretien qu’il a accordé à TRM24, il revient sur  les conséquences du Brexit sur la livraison de colis. Il détaille la stratégie de l’entreprise dans la croissance du e-commerce, en particulier sur la période de Noël. DHL Express France mise sur les livraisons vertes de colis en BtoC et ouvre en 2019 une nouvelle agence Green aux portes de Paris.

Filiale de Deutsche Post DHL Group, vous revendiquez 30 % de parts de marché en France sur le marché du transport express et un chiffre d’affaires global de 7,1 milliards d’euros en Europe. Comment vous êtes-vous préparé au Brexit en interne ?

Philippe Prétat :

“Nous avons créé au sein de DHL Express Europe une « task force ». Les personnes qui la composent sont issues de toutes les fonctions (la finance, les opérations, les douanes, l’informatique). Elles réfléchissent aux conséquences du Brexit depuis quelques mois. Le sujet nous tient particulièrement à cœur parce que notre filiale anglaise est numéro une des ventes en Europe. Il y a beaucoup de e-commerçants qui exportent en dehors du Royaume-Uni. Résultat : nous détenons 60 % de la part de marché du transport express en Angleterre. Si le Royaume-Uni sort de l’Union européenne demain, les colis vont subir des taxes. Nous avons déjà un produit baptisé « WTX » pour les expéditions en dehors de l’Union européenne, le produit baptisé « ETX » est quant à lui destiné au marché européen. Un produit expédié en Angleterre en ETX sera demain en WTX, donc cela veut dire un produit plus cher avec un surcoût.

En parallèle, nous serons amenés à facturer des coûts supplémentaires car nous allons mettre en  place plusieurs centaines de personnes au sein de nos équipes douanes. Nous savons le faire puisque plusieurs dizaines de personnes sont chargées d’effectuer les déclarations douanières pour  la division aviation par exemple. L’accord politique ne pourra pas satisfaire toutes les parties. A titre personnel, je pense qu’il faudrait organiser un deuxième référendum. Les Anglais n’ont pas estimé toutes les conséquences économiques du Brexit en juin 2016. N’oublions pas que les économistes parlent d’une baisse de 6 points du PIB pour le Royaume-Uni.”

Quelle est votre politique d’acquisition de véhicules  électriques à l’horizon 2020 ? Les constructeurs répondent-ils à vos exigences pour livrer les centres-villes ?

Philippe Prétat :

“Entre triporteurs, Renault Kangoo ZE et véhicules spécialement adaptés aux tournées urbaines comme le Goupil ou le Colibus, la flotte électrique de DHL Express est composée d’une quarantaine de véhicules répartis sur une vingtaine de sites en France. D’ici la période de Noël 2018 qui correspond à un pic d’activité des colis livrés (+ 35 % par rapport au reste de l’année), le réseau sera renforcé de 21 véhicules supplémentaires, soit un total de 60 véhicules en 2018. Les pics sont prévus le 26 novembre, les 17 et 18 décembre. Nous continuerons à renforcer nos capacités de livraisons vertes avec l’acquisition d’une cinquantaine de nouveaux véhicules électriques d’ici 2020.

A l’évidence, nous avons connu une période de tâtonnement avec les constructeurs depuis 2015. Les deux problématiques que nous avons avec l’électrique sont la capacité et l’autonomie. Je rappelle que nos véhicules diesel classiques ont une capacité de 18 m3. Pour l’électrique, il existe trois catégories : les petits (4m3), les moyens (8m3) et les grands (10 m3). Nous recherchons plutôt des véhicules au-delà de 10 m3. Les constructeurs n’étaient pas en mesure de fournir cette capacité. Les choses s’arrangent. Nous avons signé un partenariat avec Nissan mais lorsque nous achetons le véhicule, il faut le confier à un carrossier pour qu’il le transforme en 8 m3 donc cela prend du temps, environ 3 à 4 mois.

Nous sommes plutôt leader et moteur sur l’électrique en France mais nous ne sommes pas les seuls sur le marché car certains confrères achètent aussi des véhicules. A tel point que notre maison mère, Deustche Post DHL, a racheté la société allemande StreetScooter laquelle produit 30 000 véhicules par an. Notre maison mère devient constructeur de véhicules parce que le marché n’est pas en mesure de répondre à la demande, c’est un signe. Enfin, les constructeurs n’étaient pas en mesure d’offrir des véhicules avec une autonomie suffisante. Ce n’est plus le cas aujourd’hui puisque nous avons une autonomie de 150 kilomètres.”

En matière de logistique verte du dernier kilomètre, quel est l’état des lieux de votre déploiement en 2018 et 2019  ?

Philippe Prétat :

11 villes françaises sont desservies en 2018 en vélos ou triporteurs : il s’agit de Montpellier, Nice, Strasbourg, Toulouse, Nantes, Lille, Lyon, Rennes, Rouen, Caen et le Havre. A Paris, la transformation de l’agence DHL Express située porte de la Chapelle en site « DistriGreen » coïncide avec la période du pic de Noël. En décembre, 70 % des colis traités, soit environ 1750 colis, seront distribués avec 16 véhicules électriques : 2 Nissan e-NV 200 d’une capacité de 4m3 et 14 Nissan Voltia e-NV 200 de 8 m3.  4 arrondissements parisiens seront intégralement desservis par DHL Express avec des véhicules verts pour les livraisons de Noël : les 9e, 10e, 18e et 19e. Le site va également accueillir son premier Man e-TGE (10m3) dans le courant du 1er trimestre 2019. Enfin, nous envisageons d’étendre notre modèle DistriGreen à d’autres villes comme Lyon et Marseille.

Profil de Philippe Prétat

Philippe Prétat, 55 ans, a été nommé en mars dernier PDG de DHL Express France, en remplacement de Michel Akavi. Diplômé de l’INSEAD (Institut Européen d’Administration des Affaires) en management, il possède une large expertise en matière de gestion financière d’entreprises internationales. Il a évolué pendant 32 ans au sein des Directions Financières de sociétés de premier plan comme Dow Corning, CarnaudMetalBox, Nestlé, Safran ou Microsoft en France, avant de rejoindre DHL Express France en 2007 en tant que Directeur Financier.

Philippe Prétat a la responsabilité de l’entité française de DHL Express, leader mondial du transport express international et qui compte 2 300 collaborateurs en France, traitant chaque année plus de 34 millions de colis en provenance et à destination du monde entier. Il reporte directement à John Pearson, CEO DHL Express Europe et siège au Comité de Direction Europe de DHL Express (EUMB).

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