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La lettre ouverte assassine de 8 ONG contre le TRM, les fédés répondent

Une nouvelle fois, le transport routier de marchandises est la cible de fervents défenseurs de l’écologie. Huit ONG ont adressé lundi une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour demander à l’Etat de prendre des mesures vis à vis du transport routier afin de « garder notre Terre habitable ». Le procédé est sans précédent. Cette lettre qui accuse ouvertement le TRM de tous les maux tombe en plein examen de la Loi d’orientation des mobilités. Quatre fédérations patronales (FNTR, TLF, Unostra, CSD) ont adressé hier à leur tour une lettre ouverte au chef de l’Etat dénonçant les accusations des ONGS.

Les signataires sont : France Nature Environnement, le Réseau Action Climat (22 organisations), la Fondation Nicolas Hulot, l’Association Santé Environnement France, Respire, les collectifs Air Santé Climat, Strasbourg Respire et Collectif Médical Vallée Arve. Les ONG accusent le TRM d’être à l’origine de nombreuses victimes : « le nombre de camions en circulation ne cesse de croître avec un impact grave sur la santé des Français ».

Les signataires pointent aussi dans cette lettre adressée au président français les avantages fiscaux dont bénéficie le TRM : « En 2017, 7,6 milliards d’euros de ristournes fiscales ont été accordées au gazole professionnel de différents secteurs économiques, dont le transport routier de marchandises, soit 25% d’exemptions ou de remboursement de taxes sur les carburants » n’oubliant pas de préciser : « depuis 2016, le transport routier de marchandises est exempté de l’augmentation de la Contribution Climat Énergie, représentant environ 1 milliard d’euros d’exonération fiscale supplémentaire par an » avant de souligner : « l’Etat se prive sciemment de recettes qui pourraient permettre le financement de moyens de transports plus vertueux tels que le fret ferroviaire, dont la part en France ne cesse de chuter, ou le fluvial ».

Rappelant l’écotaxe, les ONG émettent l’idée d’une redevance kilométrique « à destination des poids lourds pour que les transporteurs contribuent à leur juste part dans la dégradation de nos routes, y compris secondaires. »

« Monsieur le Président de la République, […] il est temps de prendre les mesures qui s’imposent pour donner corps à votre souhait de garder notre + Terre habitable + », concluent les signataires.

Le même jour, la FNTR a publié un communiqué souhaitant réactualiser les chiffres clés de l’empreinte environnementale du Transport Routier de Marchandises (TRM) en France. Simple hasard ? « Halte aux idées reçues ! » titrait la fédération qui n’évoque jamais dans son communiqué la lettre des ONG. « Le TRM apparaît comme l’un des secteurs émettant le moins de polluants notamment en matière de particules fines (2%). Et en ce qui concerne les Gaz à Effet de Serre (GES), les poids lourds ne représentent aujourd’hui que 7,2% du total des émissions françaises. » Mais afin de répondre aux ONG, la FNTR ainsi que trois autres fédérations (TLF, Unostra, CSD) ont décidé hier à leur tour d’adresser une lettre ouverte au président. Elles rappellent les fausses idées sur l’image du camion pollueur et, « concernant l’idée reçue selon laquelle le Transport Routier de Marchandises ne contribuerait pas suffisamment en matière fiscale, elles indiquent que leurs entreprises contribuent au budget de la nation à hauteur de plus de 8 milliards d’euros soit 20% du total de la fiscalité des usagers de la route alors même que les poids lourds ne représentent que 3% des véhicules.” Les fédérations proposent de réunir tout le monde en conclusion : “vnous souhaitons que l’ensemble des acteurs du Transport et les associations environnementales se réunissent sous votre Haut Patronage pour travailler ensemble, confronter les chiffres et faire des propositions en matière de politique des Transports. C’est la seule voie possible pour faire de la transition écologique une réalité.”

Reste à savoir si les 8 ONG sont conscientes de leur geste car, en adressant de tels propos, ils ne font que tuer un secteur et des milliers d’emplois déjà en sursis. Les signataires ne font que « charger » le TRM sans apporter de solutions concrètes.

Voici l’intégralité de la lettre envoyée à Emmanuel Macron

Monsieur le Président de la République,

Le secteur des transports est le premier émetteur de polluants et de gaz à effets de serre. Le nombre de camions en circulation[1] ne cesse de croître avec un impact grave sur la santé des Français et leurs finances à un double titre : la prise en charge par la collectivité des impacts négatifs sur la santé liés aux pollutions générées par le trafic routier[2] d’une part et, d’autre part, l’entretien de routes toujours plus abîmées à mesure que le nombre de camions augmente.

Malgré votre appel le 25 avril dernier à mettre le climat « au cœur du projet national et européen », et malgré les nombreuses interpellations de France Nature Environnement et de nombreux autres acteurs lors – entre autres – des Assises de la Mobilité, la remise en cause de la logique du tout routier n’est pas à l’ordre du jour. Alors que l’Assemblée Nationale entame en ce début juin l’examen de la Loi d’orientation des mobilités, aucune disposition n’aborde le trafic routier de marchandises ni ses coûts induits pour nos concitoyens.

Difficile pour nous de comprendre une telle lacune pour un texte supposé mettre en cohérence nos politiques de transports avec nos engagements climatiques, tels que définis dans l’Accord de Paris pour lequel la France s’est ardemment battue. Afin d’inverser la tendance, voici nos propositions.

Mettre fin aux exonérations fiscales dont bénéficie le transport routier

En 2017, 7,6 milliards d’euros de ristournes fiscales ont été accordées au gazole professionnel de différents secteurs économiques, dont le transport routier de marchandises, soit 25% d’exemptions ou de remboursement de taxes sur les carburants.

Il est également utile de rappeler que depuis 2016, le transport routier de marchandises est exempté de l’augmentation de la Contribution Climat Énergie, représentant environ 1 milliard d’euros d’exonération fiscale supplémentaire par an. Ce mode de transport n’apparaît ainsi compétitif qu’en raison des nombreux artifices qui faussent les systèmes de prix et de concurrence.

Cette situation nous interpelle. Une telle iniquité fiscale vis-à-vis des automobilistes, auxquels il est légitimement demandé de contribuer au financement de la transition écologique, n’est plus acceptable. Par ailleurs, alors que vous avez exprimé le souhait de faire de la lutte contre le dérèglement climatique un enjeu majeur de votre quinquennat, les subventions aux énergies fossiles que constituent ces exonérations pour les professionnels ne sont, là aussi, plus justifiables.

De surcroît, l’Etat se prive sciemment de recettes qui pourraient permettre le financement de moyens de transports plus vertueux tels que le fret ferroviaire, dont la part en France ne cesse de chuter, ou le fluvial. En 2017, seulement 9 % des marchandises étaient transportées par le rail, contre 20 % en 1990.

La fragilité du secteur du transport routier, en particulier des PME et TPE, s’explique davantage par les politiques de dumping social exercées au sein de l’Union européenne que par la fiscalité écologique. Il n’est donc ni légitime ni juste de faire de celle-ci une variable d’ajustement pour sauver le secteur. D’autres pistes de soutien à nos petites et moyennes entreprises de transports, pourraient être envisagées et déployées.

Expérimenter la redevance kilométrique pour les poids lourds

Éviter le recours systématique au tout camion nécessite également la mise en œuvre progressive d’une redevance kilométrique à destination des poids lourds pour que les transporteurs contribuent à leur juste part dans la dégradation de nos routes, y compris secondaires. Elle est un des outils dont la France a besoin pour engager une transition écologique concrète et efficace dans ses politiques de transports de marchandises. L’inscrire dans la loi, comme cela était le cas dans la loi “Grenelle I”, est indispensable.

Nous sommes conscients du naufrage de l’écotaxe de 2013. C’est pourquoi nous appelons à une entrée en vigueur échelonnée dans le temps, pilotée par les Régions souhaitant l’expérimenter, qui leur assurera à terme, une ressource pérenne et dynamique pour assumer les compétences de transports qui leur ont été pleinement déléguées. Les pays européens qui ont déjà mis en place une redevance poids lourds ont systématiquement affecté une partie importante des recettes financières à la rénovation du réseau routier.

Monsieur le Président de la République, l’enjeu est vital et les solutions existent. Loin d’être irréversible, la priorité au routier peut être freinée, puis inversée au profit de modes de transport plus vertueux pour la santé publique, la biodiversité et le climat. La loi d’orientation des mobilités, qui intervient près de quarante ans après la dernière loi régissant nos politiques de transports, doit être le levier de cette réorientation.

Pour cela, Monsieur le Président de la République, cette loi doit traduire votre principe d’écologie de l’action. Le scandale écologique que constituent les subventions directes ou indirectes aux énergies fossiles et au trafic routier de marchandises, les difficultés que le tout camion pose au quotidien en termes d’aménagement du territoire, de sécurité routière et de financement des infrastructures, appellent des réponses économiques, sociales et environnementales de fond qui ne peuvent plus être reportées à demain. Il est temps de prendre les mesures qui s’imposent pour donner corps à votre souhait de garder notre “Terre habitable”.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

 

Signataires

Olivier Blond, président de l’association Respire

Dr Thomas Bourdrel, du Collectif Strasbourg Respire

Dr Cécile Buvry, du Collectif Médical Vallée Arve

Professeur Gilles Dixsaut, du Collectif Air Santé Climat

Michel Dubromel, président de France Nature Environnement

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace

Cécile Ostria, directrice générale de la Fondation Nicolas Hulot

Philippe Quirion, président du Réseau Action Climat

Dr Pierre Souvet, président de l’association Santé Environnement France

One Response

  1. Une taxe poids lourds n’aurait qu’une incidence limitée sur l’écologie et un transfert vers le rail!
    En effet, les transporteurs seraient obliger de la répercuter sur leur prix, et au final, ce serait les consommateurs qui payerait
    cette ”écotaxe” ne favoriserait que partiellement le fer, car déjà congestionné, il ne pourrait absorber un surplus significatif!
    Pendant plus de 40 ans, la SNCF a été favorisée, envers le transport routier (restriction des licences, TRO et taxations diverses, notamment pour financer son régime de retraite)
    Elle n’a su en tirer bénéfice, ni pour améliorer sa rentabilité, ni la qualité de sa prestation, ni même sa sécurité ! L’affaire des TER, entre la France et le Luxembourg reflète le laissé aller de la SNCF.
    En effet, il y a une dizaine d’années, décision a été prise de mettre le freinage de ces trains, en conformité avec la réglementation européenne!
    A ce jour, seul quelque rames, représentant 20%, sont conformes! Rien n’a été entrepris depuis 10 ans ! Les rames non conformes ne pourront plus passer la frontière après le 31 12 2019, alors que plus de 15 000 voyageurs utilise ce mode de transport pour se rendre à leur travail au Luxembourg, sur 100 000 frontaliers français qui doivent obligatoirement prendre l’autoroute A31, totalement surchargée! Pour palier cette situation, il est prévu que les rames conforment, feront la navette Thionville – Luxembourg, avec changement de train pour les voyageurs, ce qui en dit long sur la prise en compte de la sécurité à la SNCF ! Alors de là à espérer une augmentation de ses capacités de transport de quelque pour cent, est totalement inenvisageable !

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