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L’économie circulaire passe aussi par le recyclage

Outre les pièces de réemploi ou reconditionnées, l’économie circulaire passe aussi par le recyclage. Il est devenu une obligation légale depuis l’application de la Directive VHU. La France avait déjà mis en place des filières depuis plusieurs années pour certains produits en fin de vie : on pense à Aliapur pour les pneumatiques, mais aussi à Chimirec pour tous les effluents d’ateliers (huiles et fluides usagés, résidus de peinture des carrosseries).

Pour les catalyseurs, les métallurgistes et raffineurs doivent sécuriser leurs approvisionnements et surtout assurer la traçabilité. En effet, vu la teneur en métaux précieux de certains catalyseurs, des filières illégales se sont développées. Les spécialistes comme Hensel Recycling France, Cyclevia ou la Société Nouvelle d’Affinage des Métaux doivent veiller à ne pas faire de recel de matériels volés.

Comme pour d’autres pièces (voir table ronde sur le remanufacturing), la règlementation génère parfois des injonctions contraires : il faut recycler mais dans le même temps elle classe les catalyseurs comme des déchets dangereux, ce qui pose de gros problèmes de transport et de logistique. Les métallurgistes s’intéressent désormais aux calculateurs hors d’usage qui contiennent des métaux précieux et des terres rares. La bonne nouvelle est que certains s’intéressent déjà aux piles à combustible pour récupérer platine et iridium contenus dans les membranes. Les discussions ne sont pas allées jusqu’à évoquer les filières techniques de récupération des métaux, ce qui aurait été intéressant mais a été probablement jugé hors-sujet pour un public composé de responsables d’ateliers et de réseaux.

Johan Renaud, Directeur opérationnel du groupe GPA, évoque le sujet de la collecte et du recyclage des batteries de traction. Les constructeurs ou l’AVERE n’envisagent ce sujet que pour l’avenir mais la question se pose pourtant dès aujourd’hui ! Car le postulat de la seconde vie à 10 ou 12 ans, puis du recyclage à 15 ou 20 répété à l’envi, fait fi des éventuels accidents qui font qu’un véhicule récent peut se trouver en procédure VHU !

Pour l’automobile ce sont déjà 150 véhicules électriques à batteries à traiter par an. « À chaque fois ce sont des cas particuliers qu’il s’agisse du véhicule, de la batterie de traction, de la nature du dommage » précise Johan Renaud. Pour les sites de démantèlement, il faut gérer le risque électrique mais aussi le risque incendie. La question se pose de savoir comment stocker la batterie endommagée. Faute de volumes et de mise en route d’une filière de recyclage, « il va nous manquer de la valorisation » précisent les intervenants.

L’histoire de la poule, de l’œuf et du mistigri

Aujourd’hui, faute de débouchés et de valorisation, ce démantèlement et le stockage des batteries est un coût. Et chacun se renvoie la balle malgré l’obligation faite au metteur sur le marché d’assumer ce poste. Les constructeurs semblent se faire tirer l’oreille. Pour la valorisation future, se pose aux démanteleurs une autre question : jusqu’au faut-il aller pour le démontage ? Se contente-t-on de stocker la batterie complète en pack ? Fait-il l’ouvrir et stocker des modules, voire aller jusqu’à la cellule ?

Pour les centres VHU, se pose également un autre problème : l’espace ! Pour éviter les propagations d’incendie, certains centres prévoient 10 m d’espace entre deux véhicules électriques. Pourtant la collecte de ces véhicules électriques est un enjeu crucial confirmé par Sophie Schmidtlin du groupe Renault, directrice technique de The future is neutral. « Il y a des tensions sur les matières premières. Pour les gisements de cuivre, certains filons ont aujourd’hui trois fois moins de concentration de minerais qu’à leur début d’exploitation (…) sur les véhicules électriques ont peut également récupérer du platine, du lithium, du cobalt.  Ce sera indispensable pour faire face à l’explosion des besoins ». Elle estime qu’entre 2021 et 2030 les besoins en sels de lithium et en cobalt vont être multipliés par un facteur 7 ! A terme, les VHU électriques doivent devenir des gisements pour de futurs véhicules neufs à batteries.

Les rebuts de production des fameuses « Gigafactories » peuvent aussi être mis à contribution et valorisés, tout comme les packs issus des rappels de constructeurs. L’idéal serait de réussir à faire du recyclage en boucle fermé, mais se pose la question de la pureté des matières récupérées qui doivent être à un « grade batterie, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui » évoque Sophie Schmidtlin. La « patate chaude » passe chez les raffineurs. Frédéric Salun, directeur marketing et commercial de la Société Nouvelle d’Affinage des Métaux (SNAM), douche l’assemblée en évoquant la fermeture de la co-entreprise détenue avec le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), Phoenix Batteries survenue cette année 2023.

La raison : l’absence d’engagements des constructeurs sur les volumes entrants en recyclage ! Frédéric Salaun avertit aussi l’auditoire sur une autre menace : la diversité des technologies employées (lithium-ion nickel manganèse cobalt, lithium fer phosphate de fer, lithium métal polymère, etc) devient ingérable pour le recyclage tant en terme industriel que réglementaire. « Nous sommes confrontés au problème de produits d’importation [Chinoise NDLR] reposant sur le fer phosphate de fer où il y a peu de métaux nobles à collecter. Il faut arrêter avec le fantasme de faire de l’argent avec le recyclage des batteries ». Désormais la SNAM se consacre au sujet du recyclage ultime : « il faut s’engager immédiatement sur la question de la fin de vie ». Une priorité selon lui en raison de la croissance ultra rapide des mises sur le marché de batteries. Pour la SNAM les questions de méthodes sont tout aussi sensibles que celles de chimie : « pour des questions de sécurité, il est hors de question de stocker sur parc une batterie endommagée ou dite « critique » ; celle-ci doit être traitée en priorité ».

De l’ADR et des batteries

L’OACI[1] a classé depuis plusieurs années les batteries lithium-ion en matières dangereuses dans les avions. La logistique de ces composants en fin de vie par voie terrestre est également un sujet sensible. Frédéric Salun et Sophie Schmidtlin évoquent les échanges entre la SNAM et INDRA sur le sujet du transport des batteries usagées. « Un pack de Porsche Taycan, qui pèse 700 kg, une fois conditionné pour son transport, pèse 4 tonnes ! » alerte Frédéric Salun. Les emballages pour le transport des packs de batteries usagées coûtent entre 20 000 et 40 000€ ! Ironie du sort : les batteries de véhicules électriques relevant du règlement ADR, ne peuvent pas être acheminées par camions électriques puisque aucun véhicule à batterie n’est compatible avec ce règlement ! Un « détail » qui n’échappe pas à Aurélien Dumarche, Responsable commercial national du groupe Chimirec. « Pour notre flotte [en compte-propre NDLR], Chimirec va passer progressivement du gazole aux biocarburants plutôt qu’en électriques. » Outre les aspects de règlement ADR, les camions de collecte de Chimirec sont confrontés à des kilométrages pouvant être quotidiennement importants. Pour le collecteur des déchets d’ateliers et de fluides techniques « on anticipe une décroissance lente des volumes à traiter issus des moteurs à combustion interne ». Le modèle économique du groupe ne devrait pas être remis en cause de sitôt puisque les véhicules électriques à batteries ont également besoin de grands volumes de liquides de refroidissement. Voilà au moins une filière qui ne connaît pas la crise.

[1] Organisation Internationale de l’Aviation Civile

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