Moyen-Orient

Episode 11. Ma vie au Moyen-Orient au volant d’un camion

Jean-Louis Delarue, notre lignard du Moyen-Orient, poursuit son périple au delà de la Turquie. Double-Mètre a encore des centaines anecdotes à nous conter.

Le mythique Londra Camping

Juste avant d’arriver sur les quatre voies qui menait vers notre lieu de destination pour la journée, il y avait sur le bord de la mer une montée très raide, qui pouvait faire penser à un petit col. Un chauffeur que je connais bien avait dans sa cabine un volant de rechange, pour un autre chauffeur qui avait cassé le sien. Et dans ce petit col, il était presque impossible de doubler, et les conducteurs klaxonnaient pour essayer d’obliger le conducteur du camion à se garer. Même la police faisait actionner sa sirène, et d’un seul coup tout le monde fit silence, et surtout resta à bonne distance, le conducteur avait mit le volant à la portière du camion. Il eut ainsi la paix, je sais qu’il rigole toujours de cette plaisanterie.

Sortie de cette côte, les quatre voies devenaient un plaisir pour fou du volant, car de deux fois deux voies, cela faisait en Turquie souvent deux fois quatre voies car la route était suffisamment large avec les bas cotés pour doubler à droite. Nous savions qu’il fallait passer, le croisement d’avec la route de l’aéroport de cette ville, quand nous avons vu le panneau indiquant la direction de cet aéroport, Cherby automatiquement ralentit et de loin il aperçut l’hôtel avec sur son fronton, « Londra Camping » ce parking n’était pas encore la légende qu’il a dans notre mémoire, mais nous savions que ce parking était gardé et cela nous suffisait.

Une description de ce lieu s’impose, car il a évolué tout au long des années. A cette époque et cela n’a jamais changé, l’entrée se trouvait juste avant la station-service, la marque Shell, était aussi une indication pour les nouveaux dont nous faisions partie. Juste après le franchissement du portail, presque symbolique, car je ne l’ai jamais vu fermer, il y avait un arrêt obligatoire, et nous devions remettre notre passeport au gardien. Puis nous allions nous garer en contre bas à gauche, et suivant la saison, soit le nez du camion vers le parking camion, pour l’hiver, et pour l’été le nez vers le camping.

Ce parking se composait donc d’une station-service avec une boutique, où nous pouvions acheter des klaxons, qui jouaient soit la 5eme de Beethoven ou la Cucaracha mais encore le chant du merle. Il y avait aussi des feux de gabarit de différentes couleurs, et bien d’autres babioles que nous installions sur nos camions le temps de notre halte sur ce parking. Puis il y avait un hôtel, attention parfois les cafards passaient derrière les tentures murales, mais cela restait relativement propre, puis il y avait le bureau d’enregistrement où nous devions récupérer nos passeport après paiement du séjour sur ce lieu. Sur le côté droit du bureau il y avait une boutique où nous pouvions acheter des blousons en cuir, mais aussi des plateaux en cuivre où nous faisions graver sur le fond ce que nous désirions, mais aussi des narguilés, ainsi que des jeux d’échecs en pierre, des œufs en pierre, des colliers en plus petites pierres, mais aussi en souvenirs des bagues dénommées « bague du diable ». Elle était composée de cinq anneaux qui s’entrecroisaient les uns dans les autres, et une fois défaite il était ardu de la remonter. Sur le côté gauche, un escalier qui nous descendait vers une salle de restaurant, ou plus bas vers une boite de nuit.

Voilà pour le bâtiment principal, à l’extérieur de l’hôtel à gauche il y avait une piscine, l’eau avait une couleur bizarre tirant vers le marron foncé. Je n’ai jamais vu une personne dedans, ou bien je n’ai vu que de l’eau sale, les jours où je me trouvais sur le parking. Puis une barrière en contrebas et nous rentrions dans un autre domaine celui du camping.

L’été, ce camping ne désemplissait pas, nous avons ainsi fait la connaissance d’australiens qui venaient jusqu’à ce camping pour passer quelques jours, et cela dans un confort très rudimentaire. Ils arrivaient dans un camion militaire avec une remorque, dans laquelle il y avait la grande toile de tente, le camion lui était composé de banc sur les cotés et il fallait vraiment aimer l’aventure pour vivre une pareil expérience. A l’inverse, il y avait aussi un autobus anglais qui venait, le véhicule à deux niveaux, en bas le cuisine et la salle à manger, en haut la chambre à coucher. Je me suis laisser dire que c’étaient des jeunes anglais, qui organisaient ces excursions, ils invitaient des jeunes anglaises à faire le voyage sous certaines obligations, faire la cuisine, entretenir la salle à manger et la chambre à coucher et bien entendu entretenir les ardeurs des passagers masculins.

Mais il y avait aussi des campeurs classiques. D’ailleurs une chance qu’il y ait eu des touristes classiques venus découvrir Istanbul, cela sauva sûrement la vie d’un chauffeur, qui décida deux infirmières françaises de l’accompagner dans un bordel qui se trouvait à environ trois cent mètres du Londra. Nous lui avions recommandé de laisser son portefeuille dans son camion ou à la réception, mais il était du genre têtu et il partit accompagner des infirmières vers ce lieu de perdition turque, où travaillait notre copine Noeil-Noeil.

Ils s’installèrent une table, puis commandèrent une bière « Efès Birra » puis surtout discutèrent avec d’autres conducteurs présents, puis il sortit son portefeuille pour payer les bières, et offrit au passage une tournée aux autres chauffeurs. Il venait de faire voir à d’autres personnes un portefeuille bien garni. Juste un détail mais qui a son importance, c’était son premier tour, son expérience routière avait déjà quelques années en Europe, et donc il considérait la Turquie comme un pays de sa connaissance.

Puis ils prirent le chemin du retour vers le camping et le parking, et ils rencontrèrent trois énergumènes menaçant couteau à la main. Il décida de ne rien donner et ne remarqua pas le couteau lui ouvrir le ventre sur plus de 15 centimètres. Il perdit son portefeuille, et les voleurs disparurent dans la nuit. Sa chance fut que les femmes étaient des infirmières et elles firent ce que leurs avait appris leurs professions. Elles réussirent à obliger le chauffeur à retourner vers le Londra, et les choses allèrent très vite. Il est rentré en France en avion sanitaire, nous ne les avons jamais revu sur le Moyen Orient. J’en discute parfois avec Monsieur Lompech et il m’a dit que à son retour il a été pris en charge par un hôpital et que depuis il ne roule plus vers des destinations lointaines.

Jean-Louis Delarue

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