Tribunes

Nous étions des routiers sympas, nous faisions un travail de passion

Par Jean-Louis Delarue, surnommé Double mètre. Il fut conducteur routier pendant 50 ans dont 16 sur les routes du Moyen-Orient.

Je reconnais que parfois j’ai la dent un peu dure, et que mon regard sur le monde de la route d’aujourd’hui en opposition avec celui d’il y a une quarantaine d’année ne peut être simple. Commençons par le plus grand changement en ce qui concerne les employeurs. Ceux d’hier étaient il est vrai issu du monde de la route. Exemple : j’ai connu un certain monsieur Norbert qui en bas du Fréjus était au volant d’un camion. Mais c’est un mauvais exemple, car quelques temps plus tard, il a compris ce qu’allait devenir le transport routier de maintenant et donc des employeurs qui allaient faire une mutation qui est encore en cours ce jour. Donc, un au revoir dans bien des cas de ces employeurs. Nous ne craignons pas d’aller dans le bureau, et de lui demander s’il voulait danser le « dernier tango à Paris ».

Aujourd’hui, fi de ces employeurs, et bonjour les DRH « directrice ou des directeurs des ressources humaines ». Je fus un temps confronté à un DRH, qui n’avait pas de ressources autre que celles de son employeur, qui au passage a fini par dormir en prison ainsi que son épouse. Et quand je me heurtais à cet homme, il me fallait très souvent lui apprendre les règles et les lois gérant le transport routier. Pourtant leur principal rôle est de faire le tampon entre l’employeur et l’autre partie « les soi-disant grands routiers ». En fait, ils sont dans la plupart des cas des portes paroles de l’employeurs, qui tel des Ponce Pilate des temps modernes se lavent les mains de ce contact avec un monde celui de la route.

A notre époque, nous avions des défauts et pas des moindres, exemple la boisson. Souvent les conducteurs prenaient leurs volant imbibés sans modération de ce liquide « le pinard » qui était servi dans les restaurants à la demande. Souvent aussi nous avions les mains un peu grasses, c’était dû à notre mode de vie, il nous fallait souvent changer une pièce de mécanique et cela avec le mécanicien de l’entreprise, le samedi mais aussi le dimanche nous faisions de l’entretien, vidange, graissage, du « bahut ». Et puis ne pas oublié le lavage, puis le départ aussitôt l’entretien terminé.

Nous roulions souvent sept jours sur sept pour des salaires de misère. Nous avions aussi la réputation d’avoir les mains baladeuses dans les restaurants, et certains aubergistes avaient trouvé que d’avoir des filles de salles « faciles » facilitaient le remplissage des tiroirs caisses. Mais nous savions aussi prendre le temps de nous arrêter quand un usager de la route se trouvait dans l’ennui. Nous étions des « routiers sympas ». Nous faisions un travail de passion.

Et nous roulions avec des camions dont les marques aujourd’hui ont disparu, Latil, Somua, Saurer, Unic, OM, Saviem, Berliet, Mack (eh oui un transporteur de l’Oise « Borca » faisait déjà cette marque), Citroën, Pégaso, Lancia, Fiat, Bussing, Willem, Mercédès, EARF, MAN, Hochkiss avec conduite à droite.

J’en oublie il est vrai mais quel chauffeur ne se souvient pas de son premier volant. Pour ma part un U23 puis un P45.

Jean-Louis Delarue, surnommé Double mètre, vient de sortir un livre intitulé « Ils ont osé ». L’auteur revient sur ses années sur les routes du Moyen-Orient. Pour le commander, contactez-nous par mail à redaction@trm24.fr

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