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Paquet mobilité : le volet social du TRM en suspens

Les négociations relatives au pilier social du paquet mobilité ont-elles une chance d’aboutir à des compromis à Bruxelles  ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que les députés européens ont rejeté en juillet les amendements proposés à la réforme de ce paquet mobilité. Dans l’interview qu’elle a accordée à TRM24, l’eurodéputée Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy revient sur l’enjeu politique majeur que constitue ce volet social pour le Transport routier de marchandises, dans la perspective du renouvellement des institutions européennes en 2019.

 

Au moment où l’Union européenne a célébré le 1er novembre, dans l’indifférence quasi générale, les vingt-cinq ans du Traité de Maastricht, lequel devait faire avancer l’Europe sociale, les conducteurs routiers de marchandises font encore les frais d’une construction européenne à rebours d’une concurrence saine et loyale. Les  propositions de la Commission européenne présentées en mai 2017 pour toiletter de fond en comble le paquet mobilité sur le TRM démontrent à quel point le volet social est sensible. Lors d’un vote en session plénière en juillet dernier, le Parlement européen dans son ensemble a rejeté les amendements aux propositions sur la mise à jour des règles relatives aux temps de repos des conducteurs, au cabotage et au détachement des conducteurs. Et les ont renvoyés en commission parlementaire (transports et tourisme) pour un nouvel examen, conformément à l’article 59(4) du règlement du Parlement européen. Détachement, temps de conduite et de repos ainsi que l’accès à la profession de transporteur routier et au marché du transport de marchandises par route sont au cœur des discussions politiques entre la Commission, le Parlement et le Conseil, en l’occurrence la présidence semestrielle tournante de l’UE assurée par l’Autriche jusqu’au 31 décembre.

3 millions de chauffeurs sans protection sociale. Au sein de la commission transport et tourisme du Parlement européen, les discussions vont bon train depuis le rejet des amendements. La balle est pourtant dans le camp de la présidence semestrielle autrichienne, laquelle doit tenter de formuler des compromis avant de passer le témoin à la Roumanie qui assurera la présidence semestrielle tournante le 1er janvier 2019. Une réunion du Comité des représentants permanents des gouvernements des Etats membres (Coreper I) est d’ailleurs programmée le 14 novembre pour discuter du pilier social du paquet mobilité avec les ambassadeurs, représentants  des gouvernements. Pour l’heure, des questions et des lignes rouges à défendre alimentent la réflexion des eurodéputés. « Nous avons le cas de ces 3 trois millions de chauffeurs routiers qui ne se retrouvent, pour l’instant, dans aucun cadre de protection sociale, déplore Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. La question de leur temps de repos, la question du lieu où ils prennent leur repos et la question de leurs droits aux congés n’est pas encadrée. C’est un sujet sur lequel on doit discuter pour rechercher des compromis. Mais nous ne sommes pas prêts à tout casser et à continuer cette forme de concurrence déloyale qui existe sur le dos des conducteurs routiers, entre ceux  qui ont un droit qui ne les protège absolument pas dans les pays de l’Europe de l’Est, et ceux  pour lesquels les droits sociaux sont complètement respectés, notamment dans les pays de l’Europe de l’Ouest. »

Une lumière d’espoir semble se dessiner toutefois. « Les propositions qui sont mises aujourd’hui sur la table par le Conseil de l’UE commencent un peu à avancer  sur la question du cabotage, pointe l’eurodéputée socialiste. C’est un texte sur lequel nous avions le plus de consensus parce que le plus protecteur. Le Conseil est en train d’avancer dans le même sens que le Parlement et c’est une bonne chose. » Au centre du débat, c’est bien la libéralisation des opérations de cabotage qui est rejetée tant qu’une convergence des standards sociaux ne sera pas achevée. Reste à savoir si à la demande de la FNTR et de ses homologues européens des Pays-bas, allemand, belge, danois, suédois et norvégien, le caractère provisoire du cabotage sera inscrit dans les nouvelles règles du paquet mobilité.

Ligne rouge à défendre pour le temps de repos. Fait marquant, le texte relatif à la durée maximale de conduite journalière et hebdomadaire, la durée minimale des pauses et des repos journaliers et hebdomadaires et la localisation au moyen de chronotachygraphe fait encore l’objet d’une ligne rouge qui n’est pas défendue par le Conseil de l’UE.  « C’est le principe selon lequel au bout de deux semaines de conduite, il faut impérativement que le chauffeur routier ait droit à un repos de 45 heures, prévient la députée européenne. C’est un principe essentiel car s’il ne se repose pas, il y a des enjeux de sécurité routière pour lui et pour l’ensemble des usagers de la route. Il faut absolument que ce principe soit bien respecté. »

Enfin,  le texte relatif au contrôle et aux règles spécifiques pour le détachement de conducteurs routiers laisse émerger une interrogation de taille. « Que se passe-t-il pour les chauffeurs qui font du transport international ? constate Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. Certains députés européens voudraient qu’ils soient exclus du champ de protection du statut des travailleurs détachés sur le niveau de salaires, sur le niveau des congés. Sur ce point là, les propositions ne sont pas satisfaisantes. » Une manière de dire que les discussions ressemblent à une négociation de marchands de tapis. « Est-ce au bout de dix jours que l’on doit instaurer un système de protection ou de x heures de conduite ?, ajoute l’eurodéputée. Il faut que les chauffeurs sachent quel est le niveau de protection qui leur est réellement appliqué. Nous recevons à la commission transport de plus en plus de témoignages de chauffeurs routiers polonais notamment, lesquels démontrent combien les conditions de travail sont terribles (éloignement de la famille et des enfants, rémunération en fonction du contrat de travail c’est-à-dire sans  congés payés ni prise en charge en cas d’arrêt maladie, aucune  garantie  de trouver un autre emploi).  En France, la loi relative aux conducteurs routiers est très protectrice et doit être le modèle vers lequel tout doit converger en Europe. Il en va des conditions de vie des chauffeurs routiers, des questions de sécurité sur les routes européennes. Il en va du modèle social européen qu’il faut absolument défendre. » Le pilier social du paquet mobilité tiendra-t-il la route ?

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