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PEM : nous avons conduit l’IVECO S-Way AD260S40 Y/FS GNC

Le nouveau « couteau suisse » de la distribution régionale ?

Les choses bougent chez Iveco France et nous voici en présence d’une nouvelle prise en mains, certes brève, mais ô combien instructive en région parisienne. En région parisienne ? Oui, car ce porteur dédié à la distribution régionale profite de sa vignette Crit’Air 1. Découverte (ou redécouverte) d’un camion qui permet d’envisager les livraisons nocturnes sous température dirigée en tout lieu grâce à sa double certification Crit’Air 1 et Piek Quiet Truck.

pastre@trm24.fr

Conception d’ensemble

L’Iveco S-Way est la énième évolution du duo Iveco EuroTech / EuroStar, des modèles dont les origines remontent à fin 1992. Cette entrée en matière fera bondir chez Iveco, mais la cabine, certains de ses emboutis ou son meuble abritant l’unité de chauffage et climatisation trahissent les origines. Alors, juste bon à être un Yougtimer cet Iveco ? Non, car les évolutions ont été constantes, et certaines sont même d’avant-garde, notamment en ce qui concerne l’intégration des équipements de carrosserie (notamment avec le repiquage de GNC pour l’alimentation du groupe froid). Autre sujet ayant fait l’objet de beaucoup de travail : l’insonorisation aérodynamique. Quant au moteur Cursor, dans ses derniers développements en GNV, le Cursor 9 de 8710cm3 de cylindrée développe une puissance que l’on peut qualifier de confortable pour un véhicule de distribution régionale : 400ch à 2000tr/mn pour un couple de 1700Nm à 1200 tr/mn. Testé dans un environnement francilien typiquement hostile, on se prend à rêver de ce même modèle, avec une cabine profonde, en grand régional, y compris en desserte de stations d’altitude.

Côté transmission, Iveco, qui fut avec ZF pionner dans la robotisation des boîtes de vitesses avec l’EuroTronic (alias ZF ASTronic) poursuit cette fidélité dans le temps. Cette fois-ci avec la transmission robotisée ZF TraXon 12 rapports montée en série rebaptisée Hi-Tronix 12TX 1810 TO (donc avec surmultipliée). Les porteurs de la série AD partagent certaines évolutions avec les tracteurs AS au niveau aérodynamique. Mais le bandeau supérieur de cabine n’a pas changé par rapport aux générations précédentes. Lors de cette (brève) prise en mains dans la région parisienne, nous avons roulé avec un porteur Iveco S-Way 6×2 AD260S40Y/PS GNC (traduction de l’Iveco en français : un porteur de 26T de PTAC à cabine étroite et courte Active Day avec moteur de 400ch à suspension mixte mécanique et pneumatique à l’arrière) d’empattement 5500 mm. Le tout carrossé par Lecapitaine en caisse isotherme FRC à peau polyester de 55m3 multi-température réfrigérée par un groupe froid Carrier Transicold Supra 1250MT alimenté au GNV. Le véhicule était lesté avec 4000 kg dans le compartiment de chargement.  Les conditions météo furent printanières avec +20c° extérieurs, mais la circulation fut à l’image de la politique de transports poursuivie par la mairie de Paris : infernale !

Moteur

L’Iveco Cursor est connu pour son tempérament fougueux (tant qu’il n’est pas sous anesthésiant électronique). Les versions GNV ne dérogent pas à la règle et accentuent même ce tempérament. Le fonctionnement en allumage commandé (avec bobines et bougies d’allumage rappelons-le) nécessite d’aller chercher davantage les « tours moteur ». Heureusement, Iveco a bien personnalisé les indications au compte-tours et la zone verte tient compte de ces nouveaux réglages. Retenez que dans le cas présent, avec le Cursor 9 de 400ch (de son petit nom Iveco F2CFE601E*M) le couple est à son optimum dans la plage de 1200 à 1575tr/mn. La pleine puissance est obtenue à 1575tr/mn et est tenue jusqu’à 2000 tr/mn. Le limiteur intervient à 2200 tr/mn. Si la culasse, les pistons et les injecteurs (injection multi-point) sont spécifiques à la motorisation GNV ce ne sont pas les seuls changements. En effet, du fait de la combustion au méthane (ou bio-méthane, la molécule chimique étant la même) en allumage commandé, il n’y a plus ici d’AdBlue. Toute la dépollution se fait par un simple catalyseur 3 voies fonctionnant en boucle avec sonde Lambda. Contrairement à Scania, Iveco n’a pas recours à une vanne EGR sur ses moteurs GNV.  L’injection se fait en phase gazeuse à basse pression. Pour les bases communes avec l’Iveco Cursor 9 Diesel on retrouve un bloc 6 cylindres en ligne à 4 temps de 8710cm3, avec culasse monobloc et 4 soupapes par cylindre suralimenté par turbo-compresseur unique à géométrie fixe et soupape de décharge. A l‘heure où l’on parle de la désindustrialisation dans les médias de masse, il est bon de rappeler que la famille de moteurs Cursor est usinée et construite en France à Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire (seule la pièce brute de fonderie est importée).

Tous les contrôles de niveaux de fluides, et leurs remplissages, se font en face avant sans basculer la cabine.

Transmission

 

Diantre, mais pourquoi diable les ingénieurs d’Iveco n’arrivent-ils pas à obtenir une bonne programmation des boîtes robotisées d’origine ZF ? On avait ressenti cette frustration à l’époque des ZF AsTronic. Nous pouvions espérer mieux avec la ZF TraXon. Hé bien c’est raté ! Pourtant, Iveco fut un pionnier avec ZF dans les transmissions robotisées avec l’EuroTronic bien avant l’an 2000. Avec l’expérience acquise, on aurait pu s’attendre à une transmission parfaitement optimisée. Ce ne fut pas le cas, hélas. Sur le parcours péri-urbain, la boîte robotisée a brillé par son manque de pertinence dans ses stratégies de changements de rapports. Elle n’était pas constante : des fois laissant le moteur mouliner pour rien, des fois le laissant peiner à 700 tr/mn (vous avez bien lu) en sortie de rond-point. Ce comportement mériterait un examen approfondi dans un contexte plus routier. La boîte étant ici une ZF TraXon rebaptisée Iveco Hi-Tronix 12TX 1810 TO on se dit que ce n’est pas le « hardware » qui génère la déception (notre précédente prise en mains ayant été faite avec une transmission Iveco Hi-Tronix 12TX 2210TD) mais bien le logiciel qui conditionne les stratégies de pilotage de la boîte robotisée. On conserve ici toujours 12 démultiplications avant (et 2 arrières voire 4 en option) avec ici un rapport final surmultiplié. La nouvelle transmission intègre en option une fonction de balancement (« Rocking-mode ») pour se sortir d’un mauvais pas au démarrage, en complément du traditionnel verrouillage de différentiel mécanique, toujours disponible. La transmission disposant toujours d’un embrayage à friction, il sera prudent de revenir au Neutre lors des phases d’attente ou aux feux de circulation pour préserver les butées et diaphragmes d’embrayage. Dommage que la boîte automatique à convertisseur Allison ne soit pas disponible dans cette version de puissance à 400ch. Regret d’autant plus vif que ce modèle bénéficiant de la vignette Crit’Air 1 dispose d’un bon sésame pour entrer dans les ZFE-m qui sont vouées à proliférer en France. Autre avantage de la boîte automatique à convertisseur : elle sait ramper ce qui est très agréable en manœuvres ou dans les phases de trafic congestionné. Seule consolation de la boîte robotisée actuelle, le point de patinage de l’embrayage se pilote désormais bien mieux que par le passé ce qui facilite les manœuvres. Au pire, pour les espaces particulièrement exigus, les manœuvres de précision se feront en 1ère ou en marche arrière dite « lente » ce qui assure une parfaite linéarité de progression. Le levier de commande du ralentisseur et d’appel des rapports de boîte rappellera des souvenirs aux utilisateurs d’Iveco Stralis et Stralis XP, jusqu’à son aspect plastique et son bruit lors de son utilisation (cloc-croc) !

Lors de notre prise en mains nous avons dû maintes fois donner des consignes à la boîte via ce levier à droite de la colonne de direction. Par chance, nous n’avions pas le mode Eco-Fleet qui limite les fonctionnalités du mode de conduite semi-automatique en annihilant le rétro contact à l’accélérateur (vous savez, ce Lexomil numérique que nous avions tant décrié lors d’une prise en mains précédente d’Iveco S-Way) puisque ce modèle de la prise en mains en est dépourvu. Pour une fois, une option qui fait bien de le rester !  La fonction de mise en roue libre (Eco-Roll) est ici montée en série, seule la gestion topographique est en option (GPS Prédictif, code option 78878). Iveco France laisse un vaste choix de rapports de pont avec 4 démultiplications. Pour cette prise en mains, nous avions le 3.7/1 qui n’est pas le plus long et apparaît comme un bon compromis, y compris pour le roulage sur autoroutes (à 90km/h en monte 315/80R22.5 la démultiplication donne en théorie un régime moteur de 1305tr/mn soit en plein dans la zone de couple maximal). C’est d’ailleurs la monte standard départ usine pour cette silhouette avec cette chaîne cinématique. Pour les parcours les plus vallonnés on pourra envisager la démultiplication 4.11/1 qui reste compatible avec un usage autoroutier.

Liaisons au sol

Comme souvent on retrouve une architecture très classique. Essieux rigide à l’avant et à l’arrière avec suspension pneumatique à pilotage électronique (ECAS) sur le tandem arrière. La silhouette 6×2/4 justifie quelques précisons. Si les essieux n°1 et n°3 sont d’origine Iveco, le pont moteur à simple réduction est très classiquement fourni par Meritor (MS17X-EVO dans la nomenclature Iveco).  Aucune innovation du côté des suspensions, on conserve les ressorts à lames paraboliques à l’avant comme à l’arrière. L’essieu avant monté ici était une option code 76248 avec l’essieu directionnel Iveco 5890/D-ON ayant une capacité technique de 9 tonnes. Un choix imposé ici du fait de la masse du groupe froid situé en avant de la caisse isotherme. Pour davantage de confort, ou des répartitions de charges moins contraignantes, il existe deux configurations d’essieux essieu avant mono-lame de 7.5t (monte série) ou 8 t de capacité (option code 8550).  Nous reviendrons ultérieurement sur les aspects de confort, mais retenons que le choix d’origine à 9 t de capacité se marie très bien aux caractéristiques de la carrosserie. Face à un tel choix (6 combinaisons de charges aux essieux sur cette seule silhouette et chaîne cinématique), la commande du châssis se fera en présence du carrossier pour éviter toute funeste erreur.

Pour le tandem postérieur, une suspension pneumatique avec contrôle de niveau par pilotage électronique ECAS à 4 coussins fait partie de la dotation de série. La suspensions pneumatique intégrale demeurant une option, y compris dans cette silhouette. L’essieu n°3, directeur, est également doté ici de l’option relevage automatique (code 06238).  Notre modèle bénéficiait des barres stabilisatrices avant et arrière de série. Les pneumatiques étaient ici des Michelin X Multi en indice 156/150L 385/65 R 22,5 à l’avant, 315/80 R22.5 indices 156/150L sur le pont moteur  et  indice 160 K 385/65 R 22,5 à l’arrière. La direction est de type hydraulique à débit variable. En option, le client peut choisir des jantes aluminium Alcoa (de types mates, Dura-bright, LVL One), ou Speedline.

Freinage

Iveco jouerait-il les « monsieur Plus » ?  Le véhicule de la prise en mains était doté d’un ralentisseur secondaire hydro-dynamique ZF Intarder ! Une option ? Même pas ! Ce montage est en série. Il y a une explication à ce soudain élan de générosité :  du fait de la faible retenue des moteurs à allumage commandé par rapport à leurs pendant à allumage par compression, certains tests d’homologation imposent cet équipement. Ici pas d’Iveco Turbo Brake possible, pourtant une des caractéristiques de naissance des Iveco Cursor (Diesel) depuis leur introduction sur le marché en 1998. Ce ralentisseur secondaire est un vrai bénéfice pour l’utilisateur, tout particulièrement en usage routier.  Et cela offre un surcroît de sécurité lorsque le véhicule est en configuration porteur-remorquant. Le modèle est dûment homologué pour la traction de remorques en 45 t de PTRA -avec le bonus charge utile de 1000 kg lié aux réservoirs GNV- et celui de la prise en mains avait à la fois une traverse arrière 120kN de capacité plus le code option 00430 correspondant au dispositif de freinage remorque. Les équipements réglementaires obligatoires (anti-enrayage ABS, contrôle de trajectoire ESP, système de freinage d’urgence AEBS) sont évidemment de la partie. Le programmateur de vitesse adaptatif n’a pas pu être testé en circulation vu la densité de trafic rendant quasiment impossible son utilisation en sécurité. Pour le freinage à friction, on retrouve des freins à disques sur toutes les lignes d’essieux.

Malgré ce contenu technique tout à fait au goût du jour, la satisfaction n’est pas complète. La puissance est là, sans aucun doute. Le ralentisseur secondaire est en série, ce que l’on apprécie énormément. Mais il y a plusieurs observations à faire à ce chapitre. Première déception : une commande de freins de service très désagréable. Elle manque totalement de progressivité. Dans une première partie de sa course, la pédale de freins donne un ressenti spongieux qui évoque les voitures FIAT des années 1980. Puis, arrivé à un point dur à la pédale, toute la puissance de freinage arrive d’un coup. Peu agréable, et franchement détestable dans le cadre d’une circulation péri-urbaine. Avec l’habitude on comprend qu’il faut y aller franchement et chercher ces 2/3 de la course de pédale. Les régulations électro-pneumatiques de la commande de freinage EBS de la concurrence sont infiniment plus linéaires et progressives ! Seconde déception : le ralentisseur secondaire hydro-dynamique ZF Intarder ne peut agir que jusqu’à des vitesses de l’ordre de 30 à 25km/h. En deçà, il perd en capacité de retenue. Ce qui peut être handicapant dans des circonstances comme celles de cette prise en mains, dans un trafic « en accordéon » pouvant s’écouler à des vitesses faibles ; typiquement là où le ralentisseur hydraulique n’est pas le plus efficient. On en vient à regretter qu’Iveco n’envisage pas sur ce modèle de ralentisseur secondaire électro-magnétique à courant de Foucault type Telma. Un équipement qui serait tout à fait en mesure d’assurer une décélération jusqu’aux plus basses vitesses et ferait du modèle un roi des villes. Dernier grief, qui touche plusieurs constructeurs (hélas) : l’aide au démarrage en côte (ou Hill Holder) montée en série ! Son système de temporisation, très bref, est un piège redoutable. Pour un démarrage en côte, ou lors de phases d’attente à un stop ou des feux de circulation, il est plus prudent d’utiliser les freins de service ou le frein de parc. On en viendrait presque à suggérer de mentionner l’option code 14520 (véhicule sans Hill Holder). Seuls points positifs de ce dispositif : un bruiteur vous rappelle son déverrouillage imminent et il est désactivable via un interrupteur en planche de bord. Son inhibition est finalement préférable pour la sécurité d’emploi. Avec un Telma (même en option), une meilleure progressivité du freinage et une aide au démarrage en côte moins sournoise, les 5 étoiles étaient à portée de cet Italien !

Si le recul des sièges et leur oincliunaison sont suffisants on regrette la rareté des espaces de rangements dans cette cabine courte AD.

Cabine et carrosserie

Dès que l’on voit l’inventivité des équipes d’Iveco et d’Iveco France en matière de carrossage, on comprend pourquoi la marque reste une valeur sûre côté porteurs. Pour la cabine, le modèle de la prise en mains n’offre (apparemment) guère le choix : c’est la version dite AD (Active Day). Traduire courte et à pavillon plat, donc sans couchette. Dans le cas qui nous occupe, le pavillon culmine à 3.02 m de haut. Un déflecteur de toit peut être proposé en option usine, mais ici il n’est pas pertinent vu le montage du groupe froid en face avant de carrosserie. L’Iveco S-Way GNV à moteur Cursor 9 et silhouette 6×2/4 (essieu tiré ou poussé) existe aussi en version à cabine dite AT (Active Time) avec couchette et, éventuellement rehausse de pavillon. Dans ce cas, les hauteurs hors-tout (indicatives car ne tenant pas compte des montes pneumatiques) sont de 2.90 m en AT pavillon plat et  3.55 m de hauteur hors-tout en version à pavillon rehaussé. Dans ce cas, le couchage inférieur est donné pour 1.95 m de longueur et une largeur de 54 cm. L’éventuelle couchette supérieure du AT surélevé ferait 1.85 m de long pour 68 cm de large. Ces deux familles de cabines AD et AT, héritées de l’Iveco EuroTech rappelons-le, ont une largeur de 2.3 m hors-tout. Cela peut être une information pertinente pour certaines carrosseries. Quoi qu’il en soit, la largeur au niveau des ailes avant demeurera de 2.55 m. Si l’héritage de l’Iveco EuroTech est manifeste en contemplant le meuble de bord, ou les emboutis de face avant capot relevé, les évolutions n’ont cessé depuis lors, les dernières évolutions majeures remontant à 2019 lors de l’introduction du S-Way. Cela a entraîné le dessin de nouvelles portières et panneaux latéraux ainsi qu’une face avant démontable en 3 parties, les panneaux pouvant être de plastique ou partiellement métalliques. A propos des vitres latérales, elles ne s’escamotent pas complètement dans la portière. Les discrets changements apportés fin 2021 à l’occasion du passage à la norme Euro VI-e ont apporté de discrets et très efficaces déflecteurs de montant de cabine. Si l’emmarchement est très intuitif d’utilisation tant à la montée qu’à la descente du fait d’un alignement de marches parfaitement linéaire, il faut quand même escalader 3 marches plutôt hautes. Un peu gênant dans le cadre de missions de distribution, et certainement handicapant pour les petits gabarits. Iveco rétorquera (avec raison) qu’il existe l’Eurocargo pour le cas d’usage avec montées et descentes intensives. La visière pare-soleil extérieure est ici une option (code 00632). La finition est bonne et cela se voit aux ajustages et, plus encore, à la qualité d’application de la peinture. Rien à redire sur ce chapitre. Là où Iveco marque des points, c’est dans l’incroyable choix de personnalisation tant en montes pneumatiques, d’empattements (8 disponibles, de 3800 mm à 6050 mm rien que pour cette silhouette), de silhouettes, d’implantation de réservoirs (tant GNC -gaz naturel comprimé- que GNL -gaz naturel liquéfié-), de prises de force et de mouvement, de spécifications de châssis. Cela est tellement riche que nous ne pouvons tout détailler ici. Nous ne relèverons que les personnalisations montées à bord : ainsi le modèle était-il conforme à la définition de base sans prise de mouvement à l’arrière de la boîte de vitesse mais cette définition inclut dès le départ la prédisposition pour une PTO côté gauche ou droit. Sept options sont proposées par ZF et Iveco sur ces prises de mouvement sur boîte. De base, il n’y a pas de prise de mouvement moteur mais 2 autres options sont proposées : entraînement mécanique ou via pompe hydraulique.

Le modèle de la prise en mains était doté des options 72012 à savoir réservoirs GNC de 526 litres de capacité situés côté gauche (2×115 l plus 2×148 l) plus le code 72017 à savoir réservoirs 526 litres côté droit (également en 2×115 l plus 2×148 l). Malgré ces chiffres impressionnants, du fait de la très faible densité du méthane, cela ne représente que 245 kg de gaz à bord. L’orifice de remplissage de GNC de série est l’embout NGV1, mais on peut sur demande avoir un embout NGV2 ou la combinaison NGV1 + NGV2 (que recommandons très vivement pour les usages en itinérance afin d’éviter de mauvaises surprises en stations GNV). Pourquoi autant de GNC à bord ? Parce que, et c’est là que le génie des carrossiers et équipementiers intervient, le groupe froid est alimenté également au GNC ! Un dispositif de repiquage de gaz (optionnel) était monté sur le véhicule ! A ce jour, seul Carrier Transicold sur le groupe Supra City 1250MT propose cette opportunité qu’il ne faut surtout pas oublier de spécifier sur le bon de commande du châssis-cabine. Adieu « évaporations » de gazole ou de GNR, bienvenue au règne du plein « tout-en-un ». Ce choix du GNV réduit aussi le bruit généré par le compresseur de l’unité de réfrigération -un petit groupe Kubota de 1.3 litres de cylindrée- ce qui facilite accessoirement sa certification Piek. Ce groupe froid est associé à une caisse sous température-dirigée Lecapitaine multi-température (ATP mentions FRC-FRC). La cloison intérieure est coulissante et relevable. Aux classiques portes arrières battantes (sur cadre inox) vient s’ajouter une option singulière : un accès latéral côté droit (donc côté trottoir). Une preuve supplémentaire de la vocation de distribution urbaine du modèle. Le volume utile annoncé par Lecapitaine est de 55m3. Pour les opérations de chargement et déchargement avec transpalettes ou rolls, un hayon rétractable Dhollandia DH-SM20 d’une capacité de 2000kg est monté dans le porte-à-faux arrière (qui conserve la cote de série, soit 2433 mm). Cet équipement a exigé la prédisposition départ usine pour hayon aux normes VEHH (code option 75182). Butées de rolls, signalisation lumineuse et inclinaison automatique font partie de l’équipement de ce hayon Dhollandia électro-hydraulique. Pour une meilleure répartition des efforts, il est doté de 4 vérins (2 de levage et 2 pour l’inclinaison). La profondeur de plateformes est de 2000 mm ; celle-ci est en acier galvanisé sur la partie fixe et en aluminium pour la pointe (Dhollandia propose une option tout aluminium). Cet équipement explique l’absence de montage de barre anti-encastrement sur le camion. L’ensemble a été conçu pour le loueur Petit Forestier et la finition d’ensemble force le respect. Encore Bravo à Carrier Transicold et Iveco pour l’idée du repiquage de GNC pour le groupe froid ce qui simplifie les ravitaillements de l’ensemble du véhicule et évite les faux frais liés aux « évaporations » (la jauge au tableau de bord servant pour l’ensemble des fonctions).

Confort et tenue de route

Au chapitre du confort, nous avons pu bénéficier de l’option suspension pneumatique de la cabine (code 02759) ce qui a certainement joué un rôle très favorable dans le ressenti au cours de cette prise en mains. Ajoutez-y un empattement relativement long de 5500 mm plus un tandem arrière avec suspension pneumatique et vous obtenez un véhicule à la fois stable et passant très bien les obstacles du genre ralentisseurs et dos d’ânes. Cette même combinaison joue un effet tout aussi bénéfique sur le plan de la tenue de route. Il faudrait de la viande pendue (non prévue dans la caisse isotherme Lecapitaine de cette prise en mains) pour peut-être ressentir un moment d’instabilité. Les deux barres stabilisatrices assurent un excellent contrôle du roulis, totalement absent lors de notre prise en mains, même dans les bretelles de sorties d’autoroutes. Le groupe froid, placé en face avant de la caisse isotherme contribue à un report de charge sur l’essieu directeur avant. Cela a un double effet positif : cela réduit le sous-virage éventuel, et rend le comportement des lames de ressort prévues pour 9 tonnes plus progressives. Précisons que nous avons roulé avec 4 tonnes de lest à bord ce qui a également dû jouer un rôle non négligeable dans le ressenti du confort des suspensions. Le confort acoustique profite également de la bonne éducation du moteur à allumage commandé, toujours plus doux et moins « rugueux » à l’oreille humaine que le moteur Diesel. En fait, du moteur on ne profite ici que du meilleur, à savoir une mélopée grave et régulière lorsque le 6 cylindres en ligne travaille à pleine charge moteur. Comme le frein moteur est faible, on peut aussi profiter des roulages en « lever de pied » pour laisser filer le camion sur sa coupure d’injection.

A cela s’ajoute le silence ressenti lors de l’enclenchement de la roue libre (Eco Roll). Grâce à l’empattement relativement long, nous n’avons pas souffert d’effets de galop ou de tangage. Faute d’un long parcours à pleine vitesse on ne pourra pas se prononcer sur l’insonorisation aérodynamique, mais l’échelle latérale, le caillebotis de pavillon, le pare-soleil extérieur et le groupe froid frontal pourraient jouer de bien vilains tours à ce chapitre sur autoroute en cas de fort vent relatif. La position de conduite nous ramène quelques années en arrière. Ce n’est pas le volume disponible, ni les amplitudes de réglages, qui sont en cause mais la position de la colonne de direction, franchement envahissante au niveau des genoux, et le volant très horizontal qui en sont la cause. Au chapitre du confort, la direction s’est révélée ferme mais naturelle dans sa restitution d’effort. Elle donne un très bon ressenti de l’adhérence ce qui est toujours précieux. A cela s’ajoute un volant au revêtement plastique enfin agréable au toucher (révolution chez Iveco !) et à la jante permettant une bonne saisie. Pour la première fois chez Iveco, l’option volant cuir n’est plus une « option obligatoire ».  Le confort climatique dépendra beaucoup de la pingrerie (ou pas) des acheteurs : à la base il n’y a pas de climatisation. Il faut donc passer par la case options pour bénéficier d’une climatisation, manuelle ou automatique, ainsi que pour l’éventuel chauffage additionnel ou pour le dégivrage de pare-brise.  Si Iveco avait été plus généreux à ce chapitre de l’équipement la 4ème étoile était assurée.

Vue de l’accès côté droit au compartiment isotherme situé au-dessus des réservois GNC du côté droit.

Vie à bord

 

Si la partie carrosserie est excellement bien conçue, la vie à bord pèche par une ambiance sinistre. Cela est dû à une planche de bord datée, encombrante, aux plastiques durs et peu valorisants. Bref, la présentation est monacale et, surtout, peu valorisante. Dommage car la finition d’ensemble apparaît de très bonne facture puisqu’aucun bruit parasite ne fut à déplorer. Nous avons évoqué la qualité de la peinture au chapitre cabine. Le seul manquement vient des fils électriques de l’écran multimédia et de navigation (optionnel) visibles lorsque l’on oriente celui-ci. Une négligence qui fait tache. L’ambiance à bord est également pénalisée par l’ascension requise pour accéder en cabine. Gênant pour un véhicule de distribution. En prime, cela n’exempte pas le conducteur et son éventuel passager de subir l’encombrement du tunnel moteur. Tout ceci ne rend pas la cabine très conviviale (dommage, ce mot est à la mode). Le volume habitable est astucieusement exploité grâce à l’amplitude des réglages du siège sur son assise. Pour agrémenter la vie à bord, il faudra systématiquement passer par les options, que ce soit pour l’autoradio, la navigation, les équipements multimédia (Bluetooth ou compatibles Android Auto et Apple CarPlay). Saluons toutefois la disponibilité, toujours en option d’un siège conducteur chauffant et ventilé. Ce n’est parce que l’on est livreur que l’on doit être puni ! En revanche, celui-ci devra être très méthodique car les rangements ne sont pas nombreux avec la cabine courte. Hormis un porte-document en dos cabine et les casiers supérieurs centraux, ou les vide-poches de portes, il faudra limiter son barda.

Dans cet univers monacal, on se surprend à découvrir des rétroviseurs à réglage électrique. Un bon point pour la sécurité d’emploi. Autre surprise plaisante : les spots lumineux (halogènes) sur le bandeau supérieur. Ils rappellent les liens avec les Iveco Stralis mais ils procurent un bon éclairage à bord.

Les radineries d’Iveco n’ont toutefois pas empêché le constructeur d’ajouter un gadget dont l’intérêt au quotidien reste à prouver : le bouton stop/start en lieu et place de la clef de contact traditionnelle. Il faut faire deux opérations au lieu d’une : insérer le badge-télécommande dans son logement puis actionner le bouton de démarrage. Où est le progrès ? Un démarrage qui a été, fort plaisamment, rapide à obtenir. Cas d’espèce ou amélioration durable dans les motorisations GNV à ce chapitre ? A vérifier lors d’une autre prise en mains. Les gadgets c’est bien, mais penser à mettre des commandes d’éclairage au bon endroit serait mieux : le bouton rotatif pour les phares est totalement occulté par le volant et la colonne de direction. L’afficheur associant petit écran TFT couleur et affichages analogiques rappellera bien des souvenirs aux conducteurs de Stralis et Stralis XP. Daté, cet équipement présente toutefois une excellente lisibilité et c’est bien là l’essentiel. D’autant que les témoins d’anti-brouillards avant comme arrière sont bien visibles et lisibles. De quoi éviter certains désagréments avec les autres usagers de la route ou la maréchaussée. A propos d’éclairage, ce modèle est à ampoules halogènes, seuls les feux de jour et clignotants sont à LED. La fonction antibrouillard est en série, mais il faut passer par les options pour l’éclairage d’angles en virages ou l’éclairage entièrement à LED. Visiblement, la dotation de série de ce modèle a été davantage l’œuvre des services comptables que celle des équipes commerciales. Ils sont radins ? Nous aussi ! Résultat, 2 étoiles seulement à ce chapitre !

Maintenance

Le chapitre maintenance sera contrasté d’où un classement moyen. En très positif, un réseau de vente et d’après-vente étoffé avec plus de 115 points Iveco habilités pour les véhicules GNV (sur 210 en France), y compris parmi les agents de la marque. Les outils télématiques Iveco ON de suivi de parc et de télédiagnostic sont désormais compatibles avec les véhicules GNV. A cela s’ajoute quelques atouts très précieux pour un véhicule devant faire des missions de distribution, y compris en milieu urbain : absence d’AdBlue et de catalyseur SCR, de vanne de recyclage des gaz d’échappement EGR et de filtre à particules. Autant d’organes qui n’aiment pas, mais alors pas du tout, les usages urbains avec de fort taux d’utilisation au ralenti moteur. Ces circonstances sont en effet propices aux encrassements et colmatages sur les motorisations Diesel. Le méthane sous forme GNC ne génère pas de pertes et, contrairement au gazole, demeure totalement insensible aux températures négatives. Ajoutez-y une suralimentation des plus simple puisque assurée par un turbo-compresseur à géométrie fixe et régulation par soupape de décharge et vous avez là un bonheur de mécanicien. Bonheur qui ne sera hélas pas partagé par le client car, hélas, les plans de maintenance sont assez stricts et exigeants sur cette motorisation GNV. Chaque révision (tous les 75 000km ou tous les ans, au premier des deux termes échus) exigera 4 heures de travail. Au programme, outre la classique vidange de l’huile moteur et des filtres associés : changement des bougies, des câbles prolongateurs reliant celles-ci aux bobines d’allumage, mais surtout réglage des culbuteurs et des jeux aux soupapes. C’est le prix à payer pour éviter les redoutables retours de flammes si destructeurs pour le haut moteur.

Les conducteurs méticuleux (il en existe encore) apprécieront de vérifier par eux-mêmes l’intégralité des niveaux depuis l’accès de calandre avant, y compris pour le niveau d’huile moteur ce qui mérite d’être signalé car cela devient de plus en plus rare. En prime le dégagement offert par le capot permet le passage sans fracasser le crâne de gabarits jusqu’à 1.85m. Pour les jours de pluie, ou pour les plus jeunes conducteurs rétifs à lever la grille de calandre, l’ordinateur de bord affiche également le niveau d’huile. Ici Iveco offre fromage et dessert. Le basculement de la cabine se fait par pompe hydraulique, actionnée manuellement ou, en option, via télécommande électrique placée sur le tablier avant de cabine. Tous les Iveco S-Way peuvent profiter d’un pare-chocs avant mixte plastique et acier en partie basse. Cet équipement optionnel équipait le modèle de la prise en mains. De quoi éviter les incessants changements de cette pièce d’habillage dans le cadre d’une utilisation urbaine ou approche chantier. Un bon point pour le contrôle des coûts de maintenance en carrosserie. Dans tous les cas, le pare-chocs avant qu’il soit grainé gris ou peint assorti à la carrosserie (en option) est en 3 éléments distincts, afin de réduire les frais en cas de dommage en manœuvres.

Bien visible ici les deux essieux directionnels.

Conclusion

Certes, la base est ancienne, mais à l’issue de la prise en mains on se dit que ce camion demeure encore très actuel sur bien des points. Car son atout maître est la polyvalence : avec sa vignette Crit’Air 1 et sa certification Piek intégrale, il peut aller de métropoles en métropoles tout en desservant en chemin les hameaux les plus isolés grâce à son autonomie. Iveco revendique 942 km dans la configuration présente (avec une consommation de GNC de 26kg/100km). Pour ce sujet de l’autonomie, Iveco propose une grande variété de réservoirs GNC (12 configurations possibles !). Les temps de ravitaillement en GNC n’ont rien à voir avec les immobilisations requises par les véhicules électriques à batteries ce qui assure une disponibilité opérationnelle et une flexibilité d’emploi appréciable. Tout bénéfice pour la rentabilité. Cette polyvalence est renforcée par le nombre de versions et de silhouettes, proposées au catalogue. Car ce modèle est homologué également en version porteur-remorquant et offre, de série, un ralentisseur hydraulique secondaire ZF Intarder (merci Iveco !) qui sera très apprécié par les utilisateurs circulant sur route. Les carrossiers devraient également y trouver leur bonheur tant le choix d’empattements porte-à-faux, interfaces mécaniques, électriques ou électronique est vaste. A l’issue de cette prise en mains, limitée toutefois à la région parisienne, on peut retenir plusieurs enseignements. En premier lieu, la quiétude qui règne à bord du fait de la motorisation GNV qui génère très peu de vibrations et de décibels (la configuration Piek y est peut-être pour quelque chose). En second lieu, la qualité de finition très satisfaisante, même dans cette version dépouillée très typée « loueurs » (normal, c’était un modèle pour Petit Forestier). Les plastiques durs, sans moussage, auraient pu être générateurs de grincements, il n’en fut rien. Un patron-chauffeur souhaitera toutefois une planche de bord plus valorisante. Iveco France ferait bien de prévoir dans son option groupée « Driving Comfort » un mobilier moins basique. La silhouette 6×2/4 à deux essieux directionnels facilite grandement les évolutions en ville. Mais elle sera aussi appréciée sur les routes de montagne. La puissance de 400ch pour un 26 t trouvera alors sa pleine justification.  La seule limite en maniabilité viendra du gabarit hors-tout (et de la largeur de la carrosserie). Dommage que taxes à l’essieu et tarifications autoroutières aberrantes pénalisent les 3 essieux par rapport aux 2 essieux (pourtant plus agressifs pour les chaussées que notre silhouette 6×2/4 avec 3ème essieu relevable de cette prise en mains). Pour une cabine courte, le confort a été très honorable grâce à la suspension cabine pneumatique optionnelle. On a surtout apprécié de pouvoir régler le dossier ou la course de siège sans être bloqué par l’arrière de la cabine.

Le confort a pleinement profité des 3 essieux et de l’empattement relativement long, associé à une répartition de charge très homogène conjuguée à un tandem arrière à suspension pneumatique. Ce confort dynamique fait que l’on se dit que ce camion peut faire bien plus que de la livraison urbaine, d’où les regrets relatifs à cet habitacle monacal. Dommage que la colonne de direction soit aussi encombrante au niveau des genoux. Les conducteurs de petit gabarit déploreront la hauteur des 3 marches à franchir pour accéder ou descendre de cabine. Mais une autre limite à l’urbanité vient… de la boîte de vitesses robotisée. Elle nous a franchement déçu par sa lenteur de réaction. En fait, nous avons passé l’essentiel du temps à sélectionner manuellement les vitesses, cela tant en montée qu’en descente de rapports. Pourtant nous n’avions pas ici la fonction « Eco-Fleet » si critiquée lors de notre précédente prise en mains d’Iveco S-Way. On en vient à souhaiter la disponibilité d’une vraie boîte automatique à convertisseur. Or Iveco en propose une (d’origine Allison Transmission) mais pas sur cette variante de puissance. Dommage ! Autre point critique, déjà ressenti lors d’une précédente prise en mains d’Iveco S-Way : une commande de freins spongieuse. Elle manque cruellement de progressivité et cela est franchement pénalisant en ville ou dans les circonstances de trafic congestionné.  Quant aux coûts d’utilisation, fluctuations du prix de GNC mises à part, on retiendra que la maintenance est un peu plus exigeante que pour un Diesel Euro VI. Avec toutefois un avantage à l’usage du fait de l’absence d’AdBlue, de filtre à particules et de vanne EGR. Autant de sources de tracas en moins dans le cadre d’un usage urbain. Un modèle qui doit beaucoup de sa cohérence, une fois de plus, à une association très intelligente entre carrosserie et châssis-cabine. Car les équipementiers (ici Carrier Transicold associé au carrossier Lecapitaine) se sont surpassés afin de faire un véhicule « tout-en-un » totalement intégré. Les carrossiers et leurs clients apprécieront également l’octroi du « bonus charge utile » de 1000 kg éligible ici.

En prime, la satisfaction de rouler et travailler en mode « zéro carbone fossile » si l’on se ravitaille en bio-GNV. Pour une décarbonation rapide du transport frigorifique, ce modèle est un atout maître.

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