Le haut de gamme Renault Trucks passe à l’électrici-T
Si Renault Trucks a eu les honneurs d’étrenner la gamme basse électrique, c’est Volvo Trucks qui se réserva le privilège d’introduire les gammes hautes à batteries sur le marché. Voici, avec quelques mois de décalage, le Renault Trucks E-Tech T disponible et livrable en France. Que faut-il en penser sur notre rituel parcours en Nord-Dauphiné ?
Les démonstrateurs de Renault Trucks ne font pas mystère qu’il s’agit d’un Renault Trucks T électrifié. Comprendre par là que l’on part d’un camion conventionnel à cabine avancée qui a vu son moteur thermique remplacé par une unité électrique. Les packs de batteries (Lithium-ion NCA nickel cobalt aluminium) sont ici au nombre de six, ce qui représente 540kWh bruts (configuration maximale proposée par le constructeur). Ils sont implantés sur les flancs du châssis. Sur le Renault E-Tech T, les tracteurs sont également disponibles en version 5 packs (450kWh bruts). Les porteurs Renault Trucks E-Tech T sont proposés en variantes à 4, 5 ou 6 packs. Ces accumulateurs électriques (dont les cellules sont fournies par le coréen Samsung) sont à refroidissement liquide, comme les moteurs électriques et convertisseurs de courant.
On retrouve un ensemble on ne peut plus classique : moteur, boîte de vitesse, arbre de transmission, pont moteur. Cela permet de bénéficier d’un grand nombre de rapports de ponts lors de la définition du véhicule. Avantage de cet inconvénient théorique : les conducteurs ayant déjà l’habitude d’un Renault Trucks T ne seront pas déconcertés. Pour le constructeur, cela permet d’en faciliter l’industrialisation tout en standardisant nombre de composants majeurs (transmission, trains roulants, châssis). Par rapport aux modèles Diesel de Renault Trucks T, la marque offre « en cadeau » sur les variante E-Tech une suspension pneumatique intégrale. L’essieu avant est à 9 t de capacité en série.
Moteur
Si nous fûmes jugés sévères et critiques sur les performances des modèles de la gamme basse (Renault E-Tech D et Volvo FL Electric) dotés d’une seule machine tournante électrique, les prestations délivrées par les modèles dotés de trois moteurs (comme c’est le cas ici) n’ont heureusement plus rien à voir. Même si le parcours fut réalisé avec un véhicule à 32 t de PTR, nous avons pu apprécier un dynamisme bien réel qu’il s’agisse des démarrages, de l’insertion sur les voies d’autoroutes ou dans les montées. Les Renault E-Tech T tracteurs sont systématiquement associée à l’ensemble à 3 moteurs et affichent 490kW de puissance et 2400Nm de couple. Des valeurs suffisantes pour du régional mais le résultat sur un parcours vallonné comme celui de trm24.fr réalisé à 40t voire 44t de PTR pourrait être différent.
Notez que ces performances sont disponibles en continu pendant 30 mn à pleine charge sur l’accélérateur. Au-delà un détarage est prévu pour limiter l’échauffement des machines tournantes. Lequelles, regroupées dans une seule unité située sous la cabine, sont à refroidissement liquide. Il s’agit de moteurs synchrones à aimant permanent dont les rotors sans balais ont recours aux fameuses « terres rares ». Une caractéristique de ces moteurs à aimants permanents est qu’ils délivrent un couple élevé même à basse vitesse, ce qui est stratégique pour un véhicule industriel. Le frein moteur est assuré par les machines tournantes électriques, lesquelles deviennent alors génératrices de courant. Celui-ci doit être traité via les convertisseurs électroniques avant d’être stocké dans les batteries de traction. Cette faculté extrêmement intéressante fait que l’on n’a pas intérêt à charger à 100% les accumulateurs puisque l’on perd ce bénéfice de kWh gratuits lors des décélérations (surtout si les premiers kilomètres sont en descente).
Transmission
Si la traction électrique dans les métropolitains ou les trolleybus s’affranchit de toute boîte de vitesses (ce qui contribue à cette linéarité des accélérations si grisante), ce n’est pas le cas ici. Pour des questions de standardisation industrielle, de compacité des machines électriques et de performances (les moteurs à aimants permanents ont une meilleure efficacité à vitesse élevée), Renault Trucks a recours à une boîte robotisée à 12 rapports. Evidemment, elle est partagée avec la « maison mère » Volvo Trucks. Elle repose sur une architecture à 3 vitesses plus relais et médiateur. Dépourvue d’embrayage, cette transmission repose sur la synchronisation des moteurs pour le crabotage des différents rapports. La position N (neutre) sur la bague de commande de boîte sert uniquement à désengager la transmission. Contrairement à une boîte robotisée associée à un moteur thermique, il n’est plus nécessaire d’utiliser cette position N aux feux rouges par exemple. Dans les faits, sur notre parcours en Nord-Dauphiné, à 32 t de PTC, la boîte a travaillé entre les 8ème et 12ème rapports. Malheureusement, on perçoit toujours ces changements avec la rupture de couple associée, tout particulièrement à basse vitesse mais aussi lors des phases de décélération (régénération de l’énergie cinétique). Sur les montées d’autoroute ou dans les faux-plats, on a noté que la boîte engageait régulièrement la 11ème démultiplication comme si elle cherchait la puissance moteur. Le système GPS Optivision+ d’assistance topographique a été à chaque fois extraordinairement pertinent dans ses anticipations. Bizarrement, nous avons noté que la boîte travaillait plus silencieusement que chez les « rivaux » Volvo. Pour les carrossiers, cette transmission robotisée, commune avec les modèles à moteurs thermiques, permet d’extraire une puissance de 150kW en continu sur la prise de force. Mais le modèle de la prise en mains était dépourvu de cet équipement, que ce soit mécanique ou électrique (ePTO). Aucune précision dans ce qui nous est présenté comme fiche technique sur le rapport final (prise directe ou surmultipliée).
Autre avantage issu de la combinaison entre moteur électrique et absence d’embrayage : les manœuvres de précision ou marche arrière se font avec une extrême finesse et progressivité. Le modèle de la prise en mains avait un rapport de pont de 2.64/1 mais plusieurs autres démultiplications sont proposées au catalogue. Sur ce même pont moteur, on peut spécifier des démultiplications de 2.85/1 ou les plus courts 3.08/1 et 3.36/1, tous proposés sur les tracteurs 4×2. Le pont P13170-E réalisé à Saint-Priest (Rhône) est à simple réduction et dispose d’un blocage manuel de différentiel commandé électriquement depuis le tableau de bord. Sa capacité technique est de 13 t.
Liaisons au sol
Renault Trucks serait-il devenu philanthrope ? Sur les E-Tech T, la marque monte en série une suspension pneumatique intégrale et un pont avant de 9 t de capacité. Générosité soudaine ? Non, pragmatisme industriel et réglementaire : cela permet de gagner de la place à l’avant en éliminant les longs ressorts à lames incompatibles avec l’encombrement des packs de batteries. Quant à l’essieu avant de 9 t de capacité, il est lié à la surcharge pondérale due aux batteries (plus de 3,4 t ici avec leurs coffres de protection et systèmes de gestion et refroidissement). Renault Trucks envisage d’ailleurs de passer cette capacité à 10 tonnes. Même si ce n’est pas par générosité, ne boudons pas notre plaisir : l’ensemble est très plaisant et offre un confort et un filtrage tout à fait satisfaisant, y compris sur les départementales. Il s’agit de très classiques essieux et ponts rigides. La direction à assistance électro-hydraulique est conventionnelle et s’affranchit très bien de sa tâche avec une très bonne restitution de l’adhérence au sol. C’est peut-être le point qui changera le moins les repères des habitués du Renault Trucks T. Pour les pneumatiques, nous avions ici une monte Michelin X Multi F 385/55 R 22.5 (indices 160/158L) à l’avant et Michelin X Multi D 315/70 R 22.5 en monte jumelée arrière (indices 154/150L). Les Michelin ont été très satisfaisants en adhérence mais un peu moins en silence de roulement. Ils sont conçus pour un usage régional, qui correspond parfaitement à notre parcours. Renault Trucks monte également des Bridgestone Ecopia 3ème génération, annoncés comme très bons en résistance au roulement. Pour l’esthétique et un gain sur les masses non suspendues, le véhicule était doté de jantes en alliage léger Alcoa DuraBright optionnelles. Du classique, mais finalement un ensemble qui réalise un très bon compromis confort/tenue de route et « intuitif » pour le conducteur.
Freinage
Renault Trucks fut, dans sa « vie d’avant » à l’ère Renault Véhicules Industriels, un pionnier des freins avant à disques. Fort logiquement, nous sommes donc ici en présence d’un freinage « tout disques », avec double circuit électro-pneumatique (EBS), dispositif de contrôle de stabilité (ESP) et anti-enrayage (ABS). Pour limiter la présence de bruits parasites (du fait de la suppression du moteur Diesel), un compresseur d’air à spirale remplace le traditionnel compresseur à pistons. Il est effectivement très silencieux, et son efficacité s’est vérifiée tout au long du parcours, la pression d’air dans les circuits ayant été particulièrement constante. Nouveauté chez Renault Trucks, l’apparition d’une fonction « hold » qui s’appelle via le frein de service. Cela remplace très avantageusement le piégeux assistant au démarrage en côte temporisé (« hill holder » en français de Start-Up Nation). Pour libérer le camion, il suffit d’accélérer. Simple, efficace, et sécurisant tout en étant plus rapide au démarrage que le desserage du frein de parc. Ce dernier conserve sa grande palette et son pilotage automatique qui constitue un ensemble très ergonomique et facile d’utilisation. Seule la fermeté de la pédale de frein de service surprendra au début. Mais la progressivité, impeccable, est au rendez-vous.
Evidemment, les systèmes obligatoires de freinage d’urgence (AEBS) sont de la partie. Mais ils n’ont jamais interféré lors de notre roulage. Toujours à propos du freinage, il convient d’évoquer le « ralentisseur ». Les machines tournantes électriques ont cette faculté magique de devenir génératrices à la décélération. Le levier, en main droite, compte 3 positions. La première sert au maintien en vitesse de descente. Il active également le couplage au pied, comme sur un autobus urbain. Le deuxième cran fixe enclenche la régénération électrique. Et là c’est le bonheur ! On a envie de dire « là ou il y a de la régen’ il y a du plaisir ». Cela permet de récupérer des kWh gratuits ! Sur notre parcours, à 32 t de PTR nous avons pu régénérer 56kWh. À 40 t de PTR nous aurions certainement pu convertir encore davantage d’énergie cinétique en électricité. Très efficace, ne risquant pas le délestage dans les longues descentes, ce dispositif est certainement l’atout maître des camions électriques. Pour éviter la perte de retenue lorsque les accumulateurs électriques sont pleins, un dispositif de résistances est prévu en série. C’est obligatoire vu les PTRA homologués et les niveaux de décélérations demandés lors des homologations. La retenue est bien réelle … tant que la transmission reste engagée. Car il fallait bien qu’il y ait un hic ! Lorsque la boîte change de rapport, le temps de latence de celle-ci fait que le véhicule perd toute retenue (au sens propre). Problème commun à tous les ralentisseurs primaires. Sans ce souci, parfois critique à l’approche de ronds-points, la 5ème étoile signalant un niveau exceptionnel de prestation était gagnée.
Cabine et carrosserie
Le Renault Trucks E-Tech T existe en tracteur avec deux cabines différentes, toutes profondes avec couchette : Night & Day à pavillon plat et Sleeper avec pavillon rehaussé. Les porteurs ajoutent une variante cabine courte sans couchette toujours à pavillon plat. Les empattements des tracteurs en 4×2 et 6×2 sont de 3900 mm. La différence avec les versions Diesel est de 100 mm ce qui permet d’envisager d’y atteler des semi-remorques de tous types sans restriction (autre que la charge sur le pont moteur). Les porteurs offrent une grande diversité : 9 empattements de 4100 à 6700 mm en silhouette 4×2 et de 3900 à 6000 mm en 6×2. La finition d’ensemble est excellente pour les accostages et la peinture. Le modèle de la prise en mains avait différentes options comme la peinture métallisée intégrale, les jantes en alliage léger Alcoa DuraBright.
Pour l’insonorisation et l’isolation thermique, il convient de signaler la présence de vitrages latéraux feuilletés. Les carénages intégraux sont de série sur la cabine haute en version E-Tech. En raison des packs de batteries, l’accès à la plateforme arrière se fait via deux marches rabattables intégrées aux carénages côté gauche. Une contrainte technique qui aboutit à une très belle idée. L’accès à la cabine profite de portes ouvrant en angle droit et, surtout, d’un excellent emmarchement parfaitement rectiligne. Une vraie sécurité d’usage tant à la montée qu’à la descente. Par contre, il n’est pas prévu de variante T High disponible en E-Tech, donc pas de plancher plat. Le modèle était ici équipé de deux couchettes. On peut légitimement estimer la seconde superfétatoire vue l’autonomie potentielle et l’usage du véhicule. Le déflecteur de toit ce modèle est réglable sur 12 hauteurs de crantages différentes. L’accès à la plateforme se fait uniquement du côté gauche. Un regret à ce propos : une seule prise de charge CCS Combo 2 est prévue côté droit. Une option côté gauche voire en face avant, serait bienvenue et apporterait de la flexibilité sur les parkings. Les autobus électriques ont, sur ce point, une nette avance.
Pour les carrossiers, trois types de prises de mouvement sont proposées : une classique famille mécanique sur la boîte de vitesses (de 430Nm à 100Nm, en sortie bride ou pompe, simple ou double) exploitable lorsque le véhicule est à l’arrêt ou en rampante (jusqu’à 7km/h). S’y ajoute une ePTO électro-mécanique d’une puissance de 70kW. Son couple est de 270Nm est sert lorsque le véhicule est en mouvement. Typiquement pour les toupies à béton par exemple. Ce moteur électrique entraînant une pompe se situe au-dessus du cadre châssis au droit de l’arrière cabine. Viennent ensuite les alimentations purement électriques ePTO en courant alternatif (pour tracteurs et porteurs en 400-480V) ou courant continu (réservé aux seuls porteurs sous 600 à 800V).
On est surpris de trouver des miroirs conventionnels à l’heure où les constructeurs misent, pour des questions aérodynamiques, sur les rétro-caméras. Ces équipements sont disponibles en GSR-II pour supprimer les fameux angles morts avec un affichage sur les écrans de la planche de bord. Malgré ces équipements traditionnels, aucun sifflement n’est venu troubler la quiétude ressentie à bord. La calandre centrale est spécifique aux Renault E-Tech T avec un petit groin très discret. Bref, que du classique, mais bien fait et surtout, surtout, très fonctionnel.
Confort et tenue de route
Avec des recettes traditionnelles le résultat est très bon. Le confort est marqué par le silence régnant à bord. C’est, évidemment là où l’on attend les électriques et dans les faits on n’est pas déçu ! Ce camion, c’était le grand bleu ! Mais, évidemment certains équipements exclusifs, comme la direction asservie avec effacement de cahots chère à Volvo Trucks (le fameux VDS optionnel), ne saurait être partagée avec le « vassal » Renault Trucks. Aucune surprise à ce chapitre, le véhicule a sagement suivi les trajectoires, la semi-remorque Schmitz Cargobull 3 essieux fixes ayant été d’une parfaite fidélité. La tenue de cap est parfaite et aucun phénomène de guidonnage ne fut à signaler. Malgré les pneumatiques larges à taille ultra-basse à l’avant, la tendance à engager dans les ornières est demeurée limitée sur notre parcours. Le couple moteur propre aux machines électriques (qui envoient potentiellement tout le couple dès 1tr/mn), n’a toutefois pas entraîné de patinage ni d’enclenchement de l’ASR (le sol était sec et l’asphalte très chaud).
La cabine à suspension pneumatique 4 points, nous a un peu surpris par son roulis, mais c’était peut-être un rappel à l’ordre concernant un « enthousiasme » exagéré dans les ronds-points. Ce qui nous amène à évoquer un piège de l’électrique : du fait du silence et de l’absence de sensations, on ne ressent pas la vitesse de la même façon. Après quelques dizaines de kilomètres et plusieurs ronds-points, on finit par ré-étalonner ses repères de conduite. La climatisation automatique a assuré sa mission sans faiblir malgré une humidité ambiante et une chaleur trop-picale sur la région lyonnaise lors de cette journée d’essais. Petite précision utile : l’équipement de climatisation stationnaire est intégré au système en planche de bord. Nous n’avons pas pu savoir si le chauffage était à résistance électriques ou reposait sur une pompe à chaleur. Cette distinction n’est pas neutre sur le bilan des kWh consommés par les accessoires en hiver. Trouver sa position de conduite est, depuis les évolutions apportées en 2021 à la colonne de direction, un jeu d’enfant et tous les gabarits trouveront leurs aises. Notez l’introduction sur cette année-modèle d’un volant avec méplat qui fait gagner quelques centimètres d’espace pour le conducteur. Bref, pour ce qui concerne l’ergonomie et l’insonorisation, la cabine du Renault Trucks T mériterait de s’appeler Optisoins !
Vie à bord
Si la finition et l’assemblage sont à l’abri de toute critique, on peut déplorer des plastiques vraiment peu valorisants. Comme évoqué lors de nos précédentes prises en mains de Renault Trucks T, on a l’impression d’être dans une voiture japonaise de grande diffusion : c’est gris, dur, sans attrait mais c’est par contre très bien assemblé. Un électrique est ici impitoyable : du fait de l’absence de bruit moteur, tout manquement dans les accostages ou l’écoulement aérodynamique se sanctionne à l’oreille. Ici, le contrat était parfaitement rempli, seul le roulement des pneus était perceptible avec le vent dans le pare-brise. La sellerie vendue comme sellerie cuir est surtout mixte cuir-tissu. On a apprécié la tablette orientable, très stable optionnelle. Notez que celle-ci peut être installée en seconde monte, tout comme le verrou mécanique de portes anti-intrusion sur tout Renault Trucks T même d’occasion. Renault Trucks est très fier de son clignotant sans crantage. Une fois enclenché, il reste allumé tant que l’on n’est pas sorti du rond-point. Il ne se désengage plus au premier contre-braquage. Dans les faits, il faut un peu d’habitude, surtout lors d’un simple changement de file sur autoroute, ou lorsque l’on veut interrompre le clignotement. Une fois la subtilité acquise, on en découvre les charmes. Mais les premières fois pourront vous faire devenir chèvre et susciteront de nombreuses interrogations des suiveurs qui vous verront alterner frénétiquement clignotants droits et gauches pendant des hectomètres.
Le règlement européen GSR-II impose des équipements parfois utiles (comme l’indication de la pression des pneus pour les véhicules moteurs et remorqués) ou franchement agaçants (comme le bip en cas de dépassement des vitesses « lues » sur les panneaux). Pour ce dernier gadget, il convient de se méfier, ce n’est pas toujours fiable et il arrive que, sur autoroute, plusieurs bips sonnent en même temps (détection des véhicules dans les angles-morts plus lecture de panneaux). De quoi rendre dingue ! On ne devrait plus l’appeler GSR-II ! Les espaces de rangements sont nombreux dans le T à cabine surélevée mais le compartimentage pénalise le volume dans certains casiers. Le modèle de prise en mains était doté d’un réfrigérateur très bien intégré sous la couchette inférieure. Dommage. Les coffres latéraux sont honnêtes, surtout côté gauche. L’habitabilité est bonne. On a également beaucoup apprécié l’ergonomie de certaines commandes usuelles en planche de bord qui sont restée en accès direct (allumage des feux, éclairage d’ambiance). De quoi glaner de précieux points pour les futurs classements Euro NCAP poids-lourds. On a découvert que certaines interfaces de l’afficheur central ou de l’écran tactile étaient les mêmes que sur un Volvo FH Electrique. Parallèlement, le fameux satellite pilotant l’autoradio et le téléphone, typique de la marque (et si pratique) a disparu. Rien de blâmable, mais petit à petit les spécificités de Renault disparaissent… De petites standardisations en petits renoncements, c’est peut-être Renault Trucks que l’on efface sournoisement.
Maintenance
Bonne nouvelle pour les conducteurs, le seul contrôle périodique à effectuer concerne le niveau de liquide de refroidissement dans le vase d’expansion. Un contrôle aussi important dans un véhicule électrique que pour un modèle à moteur thermique. L’orifice de lave-glace situé derrière le carénage de phares avant gauche exige que l’on ait recours à un bec verseur. Sinon, c’est visite annuelle obligatoire, ne serait-ce que pour les filtres à air d’habitacle ou les cartouches de dessicateurs de circuit de freinage. Le pont et la boîte étant identiques aux modèles Diesel, ces organes suivent les mêmes intervalles de maintenance. Mais il reste la chaîne de traction électrique et là, tout est verrouillé par les constructeurs ! La haute tension électrique sous 600V, cela ne s’improvise pas et les ateliers intégrés des transporteurs risquent d’avoir du mal à suivre l’inflation des coûts de formation et d’équipements induits par le passage à l’électrique à batteries. Pour ôter tout stress aux clients, Renault Trucks inclut dans le prix de ses gammes E-Tech le contrat d’entretien intégral.
Autre spécificité des gammes E-Tech, la navigation SYGIC spécifique poids-lourds mise à jour à distance et le bouquet de services d’exploitation et de géolocalisation Renault Trucks Optifleet pendant 8 ans. Cette année, Renault Trucks a ajouté le Serenity Pack (en français de Start-Up Nation dans le texte). Au classique contrat de maintenance, il ajoute un diagnostic prédictif à distance, des rapports sur l’usage du véhicule, les gains calculés de CO2 (utile dans la perspective des ETS SEQE 2 devant s’appliquer au transport routier en 2027) et des rapports sur les performances de base (incluant l’état de santé des batteries). À ce propos, Renault Trucks considère (comme nombre de ses concurrents) que la garantie sur celles-ci s’applique lorsque celles-ci ont perdu plus de 80% de leur capacité nominale. Bref, une perte d’autonomie électrique ou kilométrique, tant qu’elle n’a pas franchi ce seuil, ne sera pas un motif de prise en garantie (hors défaillance immobilisante). Notre conseil est donc le suivant : pour les calculs d’autonomie, anticipez bien celle du véhicule en fin de cycle de vie des batteries afin de ne pas vous trouver handicapé dans votre exploitation. Précision tout aussi importante : Renault Trucks communique sur des valeurs de kWh en données nominales brutes. Mais l’énergie réellement exploitable (dit SoC disponible) est inférieure (pour le moment elle est fixée à 70% des kWh bruts installés). Dans le cas présent, nous avions 6 packs soit 540kWh bruts. Dans les faits, cela représente 378kWh utiles. C’est cette valeur qui correspond à ce que vous pourrez exploiter au quotidien.
Pour la recharge, le Renault Trucks E-Tech T dispose d’un chargeur embarqué, ce qui permet l’alimentation en courant alternatif jusqu’à 43kW de puissance de charge. Cette configuration intéressera tout particulièrement le secteur de la chaîne du froid qui dispose déjà de quais avec prises en 380V industriel. Cette recharge lente en courant alternatif peut être effectuée en courant continu via un chargeur externe dédié (jusqu’à 40kW). La charge rapide utilise le même connecteur CCS Combo 2 en Mode 4 pour du courant continu allant jusqu’à 250kW. C’est évidemment la configuration la plus rapide, mais aussi la plus coûteuse en investissement d’infrastructure (voir https://issuu.com/trm24/docs/reperes-2024-hd ). C’est également celle qui sollicite le plus le dispositif de refroidissement des batteries. Pour le suivi de la recharge, ou le pré-conditionnement de la température de l’habitacle (utile pour gagner les rares et précieux kWh des batteries) les conducteurs auront tout intérêt à télécharger l’application Driver App. Décidément, le passage à l’électrique à batteries, ce n’est pas aussi simple que ce que certains tentent de faire croire… même si Renault Trucks se distingue par un accompagnement pas à pas des prospects et clients.
Conclusion
Certes, pour cette prise en mains, le service démonstration de Renault Trucks avait un véhicule à 32 t de PTR, mais nous demeurons très favorablement impressionnés par la dynamique de ce Renault Trucks E-Tech T. Ses remises en vitesse sont spectaculaires et notre moyenne horaire de 60km/h sur notre parcours mixte et vallonné témoigne d’une grande aisance dans les côtes. Cet entrain exige un peu d’apprentissage pour éviter les excès d’optimisme. Si les alertes imposées par GSR-II nous ont saoulé (trop de bips tuent le bip) les aides à la conduite comme le programmateur de vitesse Optivision+ à cartographie dynamique ont assurément contribué au résultat final brillant en termes de compromis vitesse/énergie consommée. Bien que n’étant pas un « test de consommation », il peut être intéressant de relever que nous avons obtenu une moyenne de 1.05kWh/km (1.06 kWh/km avec le temps passé en stationnaire, climatisation active). Le tout obtenu avec une semi-remorque classique, sans carénages aérodynamiques. Bref, à 32 t de PTC, sur notre parcours et à notre vitesse moyenne, les 300km d’autonomie annoncés apparaissent réalistes. Par rapport aux ténors du marché, le Renault Trucks T n’a pas à rougir sur les critères d’ergonomie et de fonctionnalité. Certainement une des plus intuitives qui soit pour un camion contemporain.
La prise en mains est facile, même si le clignotant sans crantage exige quelques explications préalables pour éviter les malentendus. Seuls ses plastiques gris et durs apparaissent pauvres, malgré une qualité d’assemblage impeccable (le silence à bord en témoigne). Bref, sous son air austère, ce tracteur routier cache bien son jeu et se révèle fort plaisant, voire amusant à conduire. Certes, on ressent encore le passage des rapports, ce qui trahit son architecture de « camion électrifié », mais l’ensemble est cohérent. Il reste toutefois à « rentrer dans les cases » du modèle électrique que ce soit en investissement et en conditions d’exploitation. Ces deux points vont certainement éliminer pas mal de prétendants… Mais pour le « cas d’usage » compatible en régional (voire de façon plus exceptionnelle en grand-régional), et pour l’accès aux ZFE-m les plus restrictives (les métropoles de Lyon et de Nice Côte d’Azur se singularisant par une ségrégation particulièrement sévère), Renault Trucks a une proposition qui mérite attention.
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