A (RE)VOIR Camion autonome

Rapport Camion autonome : les routiers ont encore de beaux jours devant eux

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CARA et la FNTR ont rendu public hier le rapport sur l’impact du camion autonome sur l’emploi, les compétences et la formation dans le secteur du transport routier de marchandises. Le document avait été remis à Solutrans fin novembre à Anne-Marie Idrac, haute responsable pour la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes. Premier vrai constat : les conducteurs routiers ont encore de beaux jours devant eux, le camion sans conducteur n’est pas pour demain.

Comment est né ce rapport ? La France s’est engagée en 2018 dans une stratégie pour le développement des véhicules autonomes. Cette stratégie est articulée autour de 10 actions qui doivent permettre de créer le cadre adéquat pour la circulation, la validation des systèmes, l’homologation ainsi que la sécurisation des données. Parmi l’ensemble des actions menées, l’une d’elle doit permettre d’analyser l’impact du développement du véhicule autonome sur les besoins en emplois et en compétences. Et pour le véhicule industriel, c’est le cluster CARA (European Cluster for Mobility Solutions) dont fait partie la FNTR qui était en charge de remettre ses conclusions. Ce rapport est donc une synthèse intermédiaire dans les travaux menés qui tend à définir l’impact des évolutions en matière d’emploi, de compétences, de formation et d’évolutions sociales en fonction des différents degrés d’automatisation.

« Notre travail démontre que l’automatisation progressive va permettre à la fois de rendre plus attractif nos métiers mais aussi toujours plus sûrs. Elle permettra également aux entreprises des gains de productivité évidents et le maintien d’un haut niveau de performance sociale, environnementale et économique » explique Jean-Yves Astouin, Président de la FNTR PACA et qui a co-présidé les travaux.

Le groupe de travail n’a retenu qu’un scénario d’automatisation de niveau 4 ou 5, seuls niveaux où le conducteur, en l’occurrence, est dispensé totalement ou partiellement, de phase de conduite et peut alors, par exemple, être affecté à d’autres taches.

Dans le cas du niveau 4, il y aurait de nombreuses adaptations à prévoir du fait du passage du mode délégation complète de conduite à partielle selon les environnements ou les infrastructures. Dans le cas du niveau 5, on changerait de métier, puisque les phases de conduite, qui forment la grande partie du temps de travail du conducteur, disparaissent.

Les premières réflexions. Il en ressort que l’automatisation totale (de niveau 5, ne nécessitant aucune intervention humaine) n’est vraiment pas pour demain. Et pas seulement à cause de limites technologiques. L’absence d’intervention humaine pose des problèmes très concrets en termes juridiques, assurantiels et tout simplement sur le modèle de partage de la route. « Les conducteurs routiers ont encore de beaux jours devant eux » ajoute-il. Un message d’autant plus important à faire passer alors même que la profession est clairement en tension sur l’emploi. Avec une pyramide des âges qui inscrit cette pénurie dans la durée.

Le rapport apporte enfin un éclairage sur ce que pensent les routiers des camions autonomes. Des moniteurs de l’AFTRAL ont recueilli les témoignages d’environ 200 conducteurs sur leur perception et leur acceptabilité de l’automatisation du véhicule.

Les réactions négatives concernent notamment :

  • Attention moindre de la part du conducteur (risques liés à l’hypovigilance)
  • Fiabilité du dispositif
  • Réaction du dispositif dans le cas du platooning si problème avec un autre usager qui surgit entre deux véhicules
  • Réaction du dispositif si panne, notamment crevaison
  • Réalisation impossible sur l’ensemble des routes pour l’ensemble des transports
  • Réalisation impossible pour certains transports (exemple convoi exceptionnel)
  • Harmonisation de la puissance des PL qui seront dans ce cadre
  • Moins de plaisir de conduire
  • Lassitude rapide des conducteurs
  • Diminution de l’autonomie des conducteurs et de la gestion des pauses (lieu pour la prise du repas, repos, …)
  • Perte d’emploi
  • Changement de métier de conducteur à opérateur et ou à autre chose qu’ils ne savent pas encore définir pour l’instant

Les réactions positives concernent notamment :

  • Respect des inter-distances
  • Réduction des ralentissements
  • Davantage de sécurité lors des trajets
  • Moins de consommation de carburant
  • Moins de responsabilité
  • Moins de fatigue
  • Réalisation d’autres tâches que la conduite qui permettront au conducteur de se « divertir » (regarder la TV, tablette, …)

Au-delà de l’évolution des emplois et des compétences, les professionnels du secteur du transport routier public, pour compte d’autrui, s’interrogent sur le bouleversement des modèles économiques des entreprises du secteur.

Dans le cas du niveau 4 d’automatisation, la difficulté de projection économique réside dans le fait que si le conducteur est dans le véhicule, à quelle tache pourra-t-on l’affecter ? Il ne conduit pas, mais est-il en disponibilité ou en mode astreinte ? Le modèle économique en sera particulièrement impacté en fonction de la production de valeur ajoutée possible.

Dans une projection à plus long terme, plusieurs scénarii sont imaginables avec des véhicules automatisés de niveau 5 et changeraient totalement le paysage économique et social du transport routier de marchandises :

  • l’entreprise de transport garde sa compétence de réalisation de prestation de transport en compte d’autrui: avec l’apport des technologies numériques, intelligence artificielle et robotisation, elle assure l’optimisation de l’utilisation de sa flotte de véhicule. Elle vend une prestation de transport avec la valeur ajoutée de services complémentaires ;
  • l’industriel (manufacturier ou distributeur) possède ses propres moyens pour transporter ses marchandises : c’est un modèle de transport pour compte propre que l’on connait déjà aujourd’hui, mais qui pourrait se développer. En effet, externaliser ses transports aujourd’hui permet aux entreprises de se dégager de la contrainte sociale forte auprès d’un transporteur dont c’est le métier. Avec l’automatisation qui pourrait y avoir tendance à diminuer la charge règlementaire et sociale du fait de la suppression du conducteur, une tendance à la ré-internalisation du transport pourrait s’accentuer.
  • un tiers mets à disposition des véhicules en « truck-sharing » avec un système de gestion par algorithme (type intelligence artificielle). C’est la structuration d’un nouveau marché qui peut être le fait d’un constructeur qui s’ouvre sur un nouveau métier ou un nouvel entrant qui développe ce nouveau service. Mais dans de tels cas les modèles économiques conventionnels seront totalement « disruptés ».

« Il reste difficile à ce stade d’évaluer quantitativement l’impact du véhicule industriel automatisé sur l’emploi dans le secteur du transport routier de marchandises. D’une part parce que l’on n’en connait pas encore l’horizon, ni d’autre part le niveau d’automatisation qu’il sera possible techniquement et règlementairement d’atteindre » conclut le rapport.

Lire le rapport dans son intégralité

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