Coronavirus

TEMOIGNAGE : « nous prenons chers » (Eric Naveau, transporteur)

Du kilométrage à vide

Eric Naveau dirige les transports éponymes spécialisés dans le vrac, adhérent OTRE et France Benne. Sa société est basée à Bas-Lieu dans le Nord, à 10 kilomètres de la frontière belge. Le dirigeant qui dit avoir « plus de gasoil que de sang dans les veines depuis son adolescence » a dû stopper plus de la moitié de son activité. Fort heureusement, comme de nombreuses entreprises de transport, il peut compter sur son équipe.

Eric a repris en 1994 l’entreprise familiale qui était dirigée alors par sa mère. L’entreprise compte 34 conducteurs et 6 salariés dans les bureaux et l’atelier. Et la plupart y travaille depuis longtemps, le turn-over n’existe pas chez les transports Naveau : « certains sont partis après 30 ans d’entreprise. » Depuis 2003, Eric a dû laisser le volant même s’il avoue rouler de temps en temps. En clair, le transport routier, pour lui, c’est sa vie. Et ce n’est pas sans émotions que ce fils de transporteur parle de sa société fragilisée aujourd’hui par la pandémie.

Lactivité benne souffre

« Nous prenons assez cher car nous ne faisons pas d’alimentaire. Dès le 17 mars, l’activité de l’entreprise s’est effondrée. La seconde semaine du confinement, je n’avais que 5 camions sur la route » nous a confié le dirigeant. « Nous faisons de l’alimentaire animale seulement et un peu d’industriel en bricolage » a-t-il ajouté. Spécialiste du vrac, le transporteur travaille en majorité avec les carrières de la région : « une trentaine de mes chauffeurs roulent en benne. Sur une carrière, habituellement, je compte 10 à 15 voyages par jour. Depuis le début du confinement, je suis à 7-8 voyages soit sur 3 semaines ! Sur 4 gros chargeurs, 2 fonctionnent avec des niveaux de commandes ridicules » indique Eric qui réalise aujourd’hui à peine 50% de son activité. « En plus, nous ne pouvons pas compter sur le contre flux. On accumule donc du kilométrage à vide. »

L’entreprise est à une encablure de la frontière belge mais Eric affirme travailler peu avec le pays voisin : « C’est à peu près 10 à 15% de mon activité. C’est beaucoup de transport de ferraille. Et là encore, le marché est totalement arrêté. Et les transporteurs belges qui travaillent sur notre territoire rencontrent les mêmes problèmes que nous. » Le transporteur basé sur un axe à fort trafic de poids lourds étrangers avoue que tout est chamboulé : « Tout le monde mange. Certains comme les espagnols ne montent plus et d’autres ne descendent plus. Des français ont même récupéré momentanément des marchés en Espagne. Du jamais vu. »

Entre chômage partiel et arrêts maladie

Sur ses 34 chauffeurs, Eric a mis 5 en chômage partiel, 5 sont en arrêt pour problèmes de santé. « Pour l’instant, pour mars, ce n’est pas si dramatique » nous a dit le chef d’entreprise. « Pour avril, on va puiser dans de vieux congés de 2019 pour adoucir » prévoit-il. « Leurs salaires devaient être moins impactés au final car les heures d’équivalence vont être prises en compte dans le calcul du chômage partiel. Ça va être plus souple. » Mais le patron est content et fier de ses conducteurs : « J’ai une bonne équipe. Je m’en rends compte car ils travaillent. Par exemple, à l’atelier, ils sont deux sur 4 habituellement. J’ai demandé à un 3è de revenir travailler. Il a dit rapidement oui même s’il a des problèmes de santé. »

Quant aux conditions sanitaires, Eric estime qu’il a anticipé à temps : « Nous avons eu de la chance. On s’est organisé rapidement avec une protection sanitaire adaptée. Je suis serein pour la santé des salariés. Ce n’était pas gagné, surtout pour ceux qui font de la longue distance. C’était pénible. On les a considérés comme des pestiférés » regrette, très amer, le transporteur.

Pour l’avenir, Eric se dit moins certain : « économiquement, je n’étais pas totalement pessimiste au départ mais là ça devient compliqué. Si on avait repris aujourd’hui, on aurait pu considérer cette période comme de faible activité. Mais ce n’est pas le cas » regrette le dirigeant qui reste malgré tout optimiste : « Nous avons une bonne trésorerie pour être serein. »

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