SANS DÉTOUR

Tribune de Jean-Philippe Pastre : Le spectre de 2009

Sommes-nous à la veille d’un retournement de tendance à la façon de 2009 ? Plusieurs « signaux faibles » récents laissent supposer qu’un tel scénario catastrophe soit possible.

Suite à la pandémie de Covid-19, les économies des différentes régions du monde redémarrent, ce qui entraîne une forte croissance de la demande en matières premières et composants électroniques. Mais, sous l’effet conjugué de la politique « malthusienne » des transporteurs en fret maritime, et d’une tension sur les approvisionnements, les prix de certains produits sont tirés fortement à la hausse. Tandis que les délais de livraison deviennent de plus en plus aléatoires sous l’effet des ruptures de stocks ou logistiques. Pour sa part, le secteur de l’énergie, en particulier pour le pétrole puis le gaz, passe d’une situation excédentaire pendant le « choc Covid » à une production déficitaire (par effet conjugué de manque d’anticipation et de sous-investissement).

Malgré tout, les acteurs économiques continuent leurs achats et les carnets de commandes demeurent au beau fixe. L’inflation, tant souhaitée par de doctes élèves de grandes écoles de commerce bénéficiant de hauts revenus, revient. Certains fournisseurs majeurs parmi les équipementiers en profitent pour refaire leurs marges et passent des hausses allant jusqu’à 20% au cours de l’année 2021.

Tant que les clients suivent, et que les constructeurs ou carrossiers peuvent faire tourner leurs usines, tout va bien. Mais c’est là que la machine pourrait bien s’enrayer … En effet, selon un dirigeant d’un industriel français de la carrosserie : « il va falloir siffler la fin de la récréation ». En cause, de nouvelles hausses, de l’ordre de 15% en seulement 4 mois imposées par des équipementiers. Cela s’ajoute aux coûts fixes, déjà passablement ébranlés par la flambée des prix des produits énergétiques (électricité, gaz) qui ont connu un regain depuis la guerre en Ukraine.

A l’inflation se greffe donc la spéculation. Aujourd’hui, les commerciaux doivent rappeler, la mort dans l’âme, leurs clients pour faire passer la pilule : les annulations risquent de pleuvoir d’ici quelques semaines. Les carnets de commande revendiqués pour 2022 pourraient vite ne devenir que de beaux rêves évanescents. Le danger d’une crise systémique (telle que décrite par l’IFP Energies nouvelles lors de sa conférence de février 2022), et/ou d’un retournement de tendance très brutal « façon 2009 » n’est donc pas à exclure.

Dans des pays éprouvés par le « quoi qu’il en coûte » du Covid-19, cela pourrait bien avoir des effets dévastateurs. Un ultime signal, qui provient cette fois-ci du transport public de voyageurs trahit cette inquiétude nouvelle : des collectivités ont ces derniers mois changé leurs projets de transports publics, passant de l’hydrogène à l’électrique à batteries (comme Montpellier) pour des questions de budget. D’autres régions de France reviennent à des appels d’offre en motorisation Diesel et non plus en Crit’Air 1 car leurs prestataires transporteurs ne peuvent plus suivre. L’argent magique semble bel et bien fini.

Si les clients finaux et les industriels ne peuvent plus acheter, un nouveau « coup de tabac » est à prévoir sur nos économies et c’est bien l’activité, et donc l’emploi, qui pourrait, une fois de plus, en faire les frais.

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