Tribunes

L’impôt, la taxe, le péage et la République

Après les annonces sur la taxe poids lourds, et les péages urbains …

La création de l’Impôt sur le revenu est récente en France (loi du 15 juillet 1914). Il s’agit de relier simplement, la somme due à ce titre à la capacité contributive du contribuable. Cette contribution n’est pour autant qu’une fraction des recettes de l’Etat et les organismes publics, où taxes, impôts directs et indirects, accises, et redevances s’ajoutent aux cotisations obligatoires pesant comme on sait sur les salaires, honoraires et autres. Pour rendre le tout plus complexe, on a aussi une cohorte de niches fiscales, franchises, réductions et impôts négatifs. Tout le monde est peu ou prou, en tant que contribuable, taxé et bénéficiaire d’un système dont la complexité fait les délices de l’Inspection générale des finances, de la Cour des Comptes, et naturellement des fiscalistes … et de leurs honoraires.

La période actuelle est très intéressante puisque nous avons assisté à diverses mesures fiscales modifiant l’équilibre passé, en limitant singulièrement la charge fiscale des profits et plus-values financières, et en chargeant un peu plus les retraites, mais aussi en alourdissant les accises (énergie), en réduisant la taxe d’habitation, en ouvrant le débat sur la taxation des poids lourds et les péages urbains, tout en maintenant un haut niveau d’impôt sur la production.

Dans un contexte de fléchissement notoire de la croissance française par rapport à ses partenaires de l’UE, l’effet structurel de ces mesures acquises, ou à venir, ne peut qu’être important. On en mesurera l’effet en 2019 et les années suivantes. Pour autant, l’évolution globale du système de financement des budgets publics (et d’affectation ou non des ressources) doit être questionnée.

En effet, et pour simplifier, les ressources publiques, outre les recettes domaniales, reposent sur quatre logiques différentes : une contribution assise sur les ressources ou la possession (donc fonction de leur valeur), une contribution découlant d’un usage ou d’un droit d’user devant donc avoir un rapport avec le coût découlant de cet usage, un prélèvement assis sur la valeur d’une production, enfin, une taxation non en raison du simple usage, mais de l’incidence positive ou négative de cet usage par rapport à des objectifs poursuivis. Dans ce cas il s’agit non de couvrir un coût, mais de « donner un signal prix » par rapport à la pratique visée. Ajoutons pour finir, que l’État différencie parfois le motif pour lequel on produit, consomme ou utilise, ce qui aboutit à des différenciations majeures dans les taxes (par exemple les accises sur les carburants), et dégage des niches fiscales.

La tendance actuelle est clairement, à mon sens, de plutôt baisser la pression fiscale traditionnelle (revenus, profits, capital), en différenciant éventuellement la nature au profit d’une tarification des usages des services publics ou de l’espace public, et d’un recours croissant aux « signaux prix » (taxe poids lourds, péages urbains, etc..). Du coup, on peut aisément imaginer, comme c’était le cas avec l’écotaxe française avortée, la prolifération de la gestion privée de ces taxes d’usage et signaux prix, permettant d’afficher in fine une baisse de la pression fiscale relative. De même, l’impôt muté en prix ne joue plus son rôle social, mais s’obstine à vouloir signifier (fort mal d’ailleurs) aux citoyens le coût marginal social de leur activité (en prenant en compte ou non la nature de cette activité..).

Bien qu’il puisse être vertueux de donner un prix (un coût) à certains comportements humains, ce glissement à la fois économique, social et idéologique du système fiscal mériterait sans doute un vrai débat. D’autant que l’extraordinaire complexité de notre système imposerait de le simplifier et de le rendre cohérent, avant de lui rajouter de nouvelles rubriques. Rappelons-nous quand même que c’est autour de la nature même de l’impôt que le sentiment de justice peut, ou non, perdurer.

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