Tribunes

Pourquoi interdire le diesel par un péage urbain ?

Par Yann Viguié, secrétaire général de l’OTRE Ile-de-France

Le débat ressurgit cette semaine à Bruxelles (qui des fois ferait mieux de tourner 7 fois sa langue avant de parler), pour relancer la piste de l’interdiction du diesel par un péage urbain. Pour le moment la ville de Paris n’en veut pas, car ce retour de l’octroi serait une barrière anti banlieue et quelque part anti pauvres. Paris n’a en effet pas besoin de péage, puisqu’après avoir cru éradiquer le diesel en 2020, elle croit pouvoir le faire en 2024. Or, il faut suivre de très près ce qui se passe à Paris, car après la circulation alternée puis les vignettes Crit’Air, beaucoup de métropoles (Grenoble, Lille et bientôt de nombreuses autres) rêvent de lui emboiter le pas, Paris étant souvent copiée, jamais égalée. Or, le temps économique de l’entreprise n’est ni celui des échéances électorales municipales, ni celui des jeux olympiques !

Consciente des enjeux de santé publique, la profession de transport est prête à la transition énergétique, elle a déjà fait de gros efforts et y travaille au quotidien, mais ne peut le faire que s’il existe sur le marché une offre alternative crédible. Il faut des offres d’avitaillement et donc des stations pour faire le plein de gaz, et des bornes de recharges pour les véhicules électriques, dans un espace où le foncier est contraint et rare donc cher, et tout cela à un coût idéalement abordable pour le client et consommateur final. C’est sans doute l’œuf ou la poule, et d’autres vous disent achetez donc des véhicules propres, on verra bien ensuite comment les recharger, et quand vous en aurez acheté beaucoup, les prix baisseront !

Toujours est-il que les émissions de CO2 n’ont jamais été aussi élevées que depuis que la consommation de gazole a baissé. Lorsque l’on parle de pollution, on ne peut regarder cela uniquement par le petit bout de la lorgnette de son côté du périphérique ou du boulevard urbain, et qu’entre particules fines, CO2 ou Nox, il y a parfois des choix à faire.

Le coût des investissements innovants est phénoménal et aucun chef d’entreprise ne peut prendre une décision d’investissement sans raisonner durée d’amortissement, durée de vie, et valeur de cession. Autant il n’est pas raisonnable en 2017 d’acheter un véhicule neuf sans se poser la question ni faire une étude de marché sur les énergies alternatives, autant il est inconscient d’investir dans du matériel lourd et cher sans visibilité ni savoir s’il va être interdit de circuler dans 3 ans ou dans 7 ans dans une métropole de plus de 2 millions d’habitants !

La mairie de Paris rencontrée, il y a quelques temps, nous disait « vous trouvez que la date de 2024 n’est pas crédible ? Aidez-nous à la rendre crédible » ! Tout d’abord ce n’est pas à nous de faire leur travail, ni de leur donner le non de la taxe qui va les aider à nous pendre ! La seule chose que l’on peut leur dire, c’est que les transporteurs ne roulent pas diesel par plaisir, mais parce que pour le moment on n’a rien trouvé de mieux. La solution et l’innovation passeront par un mix énergétique et non pas par une solution unique et dogmatique. Commençons par rendre le diesel à son vrai usage d’origine, les professionnels, et la planète et notamment les zones urbaines denses s’en porteront tout de suite mieux ! Les poids lourds ne représentent en effet que 1,7% du trafic à Paris, contre 64% pour les voitures particulières.

Et puis ne pensons pas le problème de l’environnement uniquement localement, mais intégrons-y tout le cycle de la vie du véhicule, de sa conception à sa mort et à son recyclage. Et on s’apercevra peut-être alors qu’une 2 CV ou une 4L polluent peut-être plus à l’échappement qu’un véhicule récent (et encore il faut voir lequel), mais que sur le cycle de vie, c’est peut-être dommage (et pas forcément bon pour la planète) de mettre au rebut des véhicules de 4 ans même pas amorti, et qu’un véhicule de 20 ans, cela peut avoir du bon aussi pour la planète ! Surtout, si pour alimenter votre véhicule moderne, il faut réactiver des centrales à charbon, détruire de la forêt amazonienne pour extraire du cobalt ou des métaux rares, et se retrouver en bout de chaine avec des batteries que l’on ne sait pas recycler ! L’électrique est peut être formidable pour Paris, mais il faut prendre en compte ses conséquences globales, de quoi renverser la vieille devise altermondialisme « think global act local » en nous obligeant à produire l’inverse: « think local act global ». Vous me trouverez peut-être dur avec de tel propos contre l’électrique ? Non, mais contre le tout électrique, oui !

Et puis c’est vrai que la réponse que je viens de recevoir d’un fabriquant de véhicules électriques californiens invité à présenter devant une centaine de transporteur son projet de véhicule poids lourd électrique qui doit faire 800 KM m’a un peu agacé … Il vient de m’écrire nous ne viendrons pas, : « Nous n’aurons donc pas les ressources matérielles et humaines pour participer à votre journée. De plus, nous n’avons pas d’information à vous communiquer sur le Tesla Semi ». Nous n’avons rien à vous dire, circulez, il n’y a rien à voir, fermez le ban !

Elle va être facile comme çà la transition énergétique !

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