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L’IFP Energies Nouvelles plaide pour une approche globale de la transition énergétique

Pierre-Franck Chevet, président de l’IFP Energies Nouvelles, a présenté vendredi dernier à Lyon les actualités de l’institut de recherche. De nombreux développements concernent, évidemment, les transports.

Pour une fois, soyons cocardiers : Pierre-Franck Chevet, Président de l’IFP Energies Nouvelles rappelle que « la France a un atout hors normes en terme de recherche sur la transition énergétique ». Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), sur une durée de 20 ans, trois de nos instituts entrent dans le Top 7 mondial du nombre de brevets liés aux technologies bas-carbone. Le CEA (très actif sur l’hydrolyse, la fission atomique et l’électro-chimie des batteries) prend la 1ère place, l’IFP Energies nouvelles (spécialiste des catalyseurs, des procédés chimiques et des motorisations) la 4èmeplace et le CNRS la 7ème. Toujours selon l’AIE, si on ne regarde que les technologies liées à l’hydrogène, sur les 10 dernières années, les trois meilleurs organismes de recherche mondiaux sont, dans l’ordre : le CEA, l’IFP Energies Nouvelles et le CNRS. On se demande dès lors pourquoi nos députés ne sollicitent pas davantage nos instituts nationaux sur ces sujets liés aux filières énergétiques ou à la mobilité, leur préférant des pseudo « ONG » et autres associations partisanes, infiniment moins rigoureuses sur le plan scientifique.

Autre révélation de Pierre-Franck Chevet lors de sa conférence lyonnaise du vendredi 12 avril 2024 : le fait que les thématiques de recherches sur les hydrocarbures soient « souvent paradjacentes » (sic) avec les sujets de décarbonation de l’industrie et des transports. Pour le directeur de l’IFPEN, ce sont les mêmes sciences qui sont mises à contribution ; il y aura toujours besoin de géophysiciens, de chimistes et de spécialistes de la thermodynamique et des moteurs. La différence étant que l’on ne travaillera plus sur la recherche d’hydrocarbures fossiles mais sur le recyclage d’autres ressources associant hydrogène et carbone.

Une transition engagée mais encore insuffisante

L’IFPEN, citant les données de l’AIE, offre un bilan en demi-teinte de la transition en cours. En effet, « les investissements sont toujours croissants, mais insuffisants pour atteindre la neutralité carbone ». Les énergies « propres » voient leurs dépenses croître de 11% à 1740 Milliards de $ quand celles pour les énergies fossiles croissent de +8% à 1051 milliards de $. Les investissements dans les énergies décarbonées ont dépassé les énergies fossiles en 2019. Sur le bilan des émissions de CO2 en Europe, « le bilan est plutôt satisfaisant. La consommation d’énergie dans l’Union européenne n’a fait que baisser. Mais la mauvaise nouvelle est du côté des transports où les émissions, en valeur n’ont fait qu’augmenter entre 2015 et 2023 ». Le président de l’IFP Energies Nouvelles (peut-être pas désintéressé) apprécie un cadre européen qui, via le programme Fit-for-55, se « renforce de façon concrète ». Pour la France, le bilan est du même ordre avec une surpondération des émissions liées aux transports. « La part énergie est historiquement faible grâce au nucléaire. Les efforts à faire pour respecter la Programmation Pluriannuelle de l’Energie ne sont pas dans des chiffres inatteignables. Le seul problème pour y être conforme concerne l’éolien en mer ».

Les transports routiers pas prioritaires pour les carburants de substitution

Si la production, la consommation et la demande sont en forte hausse pour les biocarburants, la concurrence avec le secteur aérien s’annonce féroce. « Les perspectives de développements sur les biocarburants de 2ème génération et les éléctrocarburants (ou eFuels) vont vers l’aérien car il n’y a pas d’autres alternatives » explique Pierre-Franck Chevet. L’IFP Energies Nouvelles est très bien placée dans ces domaines avec les programmes BioTJet™ à Lacq utilisant comme ressource primaire de la biomasse et Take Kair™ dans les Pays de la Loire qui repose sur la capture du CO2 industriel et la recombinaison avec de l’hydrogène « vert » fourni par Hynamics. Ce captage du CO2 , fréquemment stigmatisé par certaines « ONG » bien en cour à la Commission européenne, est défendu par Pierre-Franck Chevet : « La capture du CO2s’impose… si on veut sauver notre industrie bien sûr ! Ce n’est pas une option ! » Et le président d’expliquer ensuite la différence entre capture et stockage du CO2. Le second point faisant l’objet d’un premier test à grande échelle dans un aquifère salin de Norvège. Il ajoute « je n’ai jamais entendu personne dire que l’on n’a pas besoin de ce stockage. Mais une des questions est la nature de celui-ci : est-il pérenne ou transitoire afin de le réutiliser ultérieurement ? » Dans les deux cas, l’IFP Energies Nouvelles dispose déjà de procédés en phase d’industrialisation depuis 2023 prêts à être commercialisés en 2024 via sa filiale Axens.

Une décarbonation aux différentes formes

« Pour les transports, toutes les politiques mondiales vont vers l’électrification ; ce qui est bien si c’est décarboné. Mais il faut garder en mémoire que les hydrocarbures sont stockables, comme l’hydrogène ou les biocarburants, ce qui les met dans la course [à la décarbonation NDLR] » analyse Pierre-Franck Chevet. Se faisant prophétique, il avance « les stockages d’énergie sous forme matière auront leur place avec l’énergie électrique ». Il prévient « en termes de rendements énergétiques, rien n’est top en matière de stockage ». Tout en rappelant des aspects méthodologiques trop souvent oubliés : « Sur toutes ces questions, on travaille en analyse de cycle de vie. Mais il faut aussi élargir le sujet. Par exemple, est-ce qu’une technologie nous rend dépendants ? Dépendance à quoi ? Et vis-à-vis de qui ? ». Une sagesse que l’on aurait aimé voir appliquée dans les plus hautes instances européennes et françaises.  Richard Tilagone, Directeur des programmes propulsion hydrogène à l’IFP Energies Nouvelles confirme : les carburants gazeux, et plus encore ceux liquides, ont un avantage en densité face aux accumulateurs électriques. Ce qui est fondamental pour le transport routier lourd, pour lequel « il faut distinguer le rendement d’usage et le rendement énergétique » précise Richard Tilagone, visiblement bien informé des contraintes des véhicules industriels. Si les carburants liquides sont, d’une certaine manière, incomparables ; certains faits ne doivent pas être négligés :  « Sur un litre à 2€ vous payez 50% de taxes, soit environ 1€/l de produit raffiné. En ordre de grandeur on est à 2€/l avec les biocarburants de 1ère génération ; 3€/l avec les biocarburants de 2ème génération et 6€/l avec les eFuels. Si vous n’aimez pas votre plein à 2€/l vous n’aimerez pas votre plein en eFuels » alerte Pierre-Franck Chevet.

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