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OVI : le quitte ou double de 2023

Arnaud Villéger, le nouveau directeur de l’Observatoire du Véhicule Industriel (succédant à Jean-Michel Mercier partant en retraite), a dressé hier le bilan de l’année 2022 des immatriculations de véhicules utilitaires et industriels en France. Contrairement aux espoirs générés par d’abondants carnets de commandes, les volumes plafonnent à 44 341 immatriculations de véhicules neufs (+0.5% vs 2021).

La pénurie de véhicules neufs a poussé le marché des véhicules d’occasion (54 023 mutations de certificats d’immatriculation), qui reste quant à lui proche de ses meilleures années (record en 2000 à 59 050 transactions). Arnaud Villéger a expliqué que le marché des porteurs a subi une sorte de « double peine » : retard des constructeurs à livrer les châssis et difficultés des aménageurs à les carrosser. En conséquence, ce sont ces véhicules qui ont le plus souffert en 2022 (-12.1%). Seconde conséquence : une tension sur les prix qui a touché aussi bien le marché du neuf (hausses moyennes comprises entre +14.4% pour les tracteurs et +16.4% pour les porteurs) que l’occasion (+20.1% en moyenne). « Les parcs VO sont vides » chez tous les vendeurs confie l’OVI.

Les carrosseries bennes et TP, qui représentent 40% des carrosseries a chuté de -12.6% en porteurs et -22% en véhicules remorqués. Mais la chute la plus importante est celle des porteurs fourgons avec un -20.4% par rapport à 2021. Un plus bas historique dans les annales de l’OVI. Le marché des véhicules remorqués a été relativement stable et conforme à la moyenne sur 10 ans. L’institution reconnaît également que le recul des véhicules utilitaires légers carrossés en 2022 (à -20% !) n’avait pas été imaginé dans de telles proportions fin 2021 soit un cumul inférieur à l’année terrible de 2009. C’est un bilan en trompe l’œil : « les intentions d’achat et les commandes sont là mais les matériels n’arrivent pas » précise Arnaud Villéger.

Les 2 scénari(o)s pour 2023

Arnaud Villéger a envisagé deux options pour le marché du véhicule industriel neuf en 2023 même si « c’est bien un marché en baisse ou en relative stabilité que nous prévoyons pour 2023 ». Soit un niveau étale à 44 000 unités, soit une chute (de l’ordre de -7.2% à 41 140 immatriculations). Selon ses propres termes « tout se jouera au mois de juin 2023 ». En effet, à cette date, les commandes à honorer seront passées. On verra alors la dynamique du renouvellement des ordres d’achats. La hausse des prix observée en 2022 devrait se poursuivre, mais à un niveau moindre (l’OVI estime pour 2023 celle-ci à +11.5% pour les tracteurs neufs, +12.1% pour les porteurs et à +3.8% pour les véhicules industriels d’occasion).

Un point confirmé par Stéphane Spitz, directeur général d’Artegy SAS qui a déclaré « qu’il y aura un ralentissement de l’inflation ». Il a ajouté que « le pic des taux directeurs devraient être atteints en 2023 ». Ce dernier point pourrait jouer un rôle dans les futures décisions d’achats, le renchérissement des loyers (locations ou prêts bancaires) constituant éventuellement un frein aux décisions d’investissement des entreprises. A cela s’ajoute les montants d’investissement pour les véhicules compatibles avec les ZFE. L’OVI ayant rappelé à plusieurs reprises que les véhicules électriques coûtent 3 fois le prix des équivalents Diesel Euro VI. Stéphane Spitz a nuancé : « à l’exploitation, en coût total de possession, on a un surcoût de 20 à 30% par rapport à un véhicule à moteur Diesel ».

De tout ceci, on peut retenir que le marché, proche de son étiage depuis 2020, entraîne inéluctablement un vieillissement du parc. Un paradoxe à l’heure où l’on prône un renouvellement des parcs moteurs. Que la hausse des montants à investir pour les véhicules électriques à batteries accroît les risques pour les banques (pour un parc de 10 camions on aurait un triplement de l’enveloppe, de 1 million d’euros à 3 millions). « Cette question de l’endettement est une réalité. La sortie doit se faire par le haut en impliquant tous les acteurs [incluant donneurs d’ordres comme l’administration NDLR] Pour le moment, on n’a pas la réponse » confie Stéphane Spitz. Que tout ceci conduira mécaniquement à une augmentation des durées de détention pour procéder à l’amortissement de ces matériels. Que la rentabilité des entreprises de transport ne triplera pas comme les valeurs d’achat des véhicules. Que les changements d’énergies vont entraîner des conséquences au niveau des ressources humaines, des ateliers, des conducteurs et des exploitants. Que cette rupture (du fait du prix des matériels compatibles avec les ZFE) induit l’analyse financière au coût complet d’exploitation. Comme le dit l’OVI « l’équation commence à avoir beaucoup d’inconnues ». Des changements résumés brillamment par Arnaud Villéger « j’ai plus envie de parler de transformation plutôt que de transition énergétique ».

One Response

  1. Merci, Jean-Philippe, pour ce relais de nos prévisions… On évoque souvent les aspects la partie émergée de cet iceberg qu’est la décarbonation de la flotte (le matériel, l’avitaillement….) mais le TCO et le financement seront les prochains challenges (et certainement des thèmes rapidement abordés par l’OVI !).

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