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L’Euro VII n’est pas en phase avec l’état de l’industrie (C Levin, CEO Scania)

Christian Levin, le charismatique et polyglotte P-DG de Scania et de Traton SE, s’est exprimé en début de semaine sur divers sujets d’actualité lors de l’inauguration de la nouvelle usine de production de batteries de Scania à Södertalje (Suède). Le dirigeant pense que les objectifs CO2 sont “impossibles à tenir” et que l’euro VII “n’est pas en phase avec l’état de l’industrie”.

A propos de la maturité du marché du véhicule électrique, il reconnaît que le lancement de la génération 3 de batteries, qui intervient à l’occasion du lancement commercial des camions Scania 40R à vocation régionale lourde (un modèle qui pourrait constituer une des attractions du stand Scania lors du prochain salon Solutrans) correspond à ce qu’il appelle « une production en série ». Une façon de reconnaître que jusqu’à présent les ambitions étaient limitées autour des volumes de véhicules électriques. Il s’empresse de préciser que la trajectoire de Scania en réduction des émissions de CO2 dans le cadre de VECTO place la marque en position très favorable. Cela sans même recourir massivement à l’électrification, laquelle ne pourra selon lui que renforcer cette avance dans l’atteinte des objectifs pour 2025 puis 2030.

Mais il prévient sur les dangers d’une surenchère politique : « l’objectif de -45% d’émissions de CO2 pour les camions annoncé par la Commission Européenne pour 2030 est impossible à tenir ». Et il s’emporte du fait que « seuls les constructeurs soient les seuls à encourir des amendes en cas de non atteinte des objectifs ». Objectifs dont il souhaiterait que les énergéticiens portent et assument leur part de responsabilité.

Sur la politique de l’UE à l’égard des constructeurs, et des objectifs qui leurs sont assignés, il conclut : « je pense que cela va trop loin ». Cela malgré l’engagement industriel en faveur de l’électrique à batteries. Il renouvelle cette demande déjà formulée par l’ACEA : « il faut des incitations et des réductions de taxes pour les véhicules électriques ». « Il y a les lois et il y a la demande en camions » ; une phrase lourde de sens car elle rappelle aussi bien le décalage existant actuellement entre les postures de l’UE (Commission Européenne et Parlement Européen confondus) et l’accueil du marché. Mais elle peut aussi être comprise comme un avertissement : à trop exiger des constructeurs et des clients transporteurs, on risque de rendre la marche infranchissable en termes d’investissements, ce qui rendrait illusoire l’atteinte des objectifs fixés. « Fit-fo-55 est une bonne chose » conclut pourtant Christian Levin.

Il insiste sur le réel engagement des constructeurs en faveur de l’électrification :  50% de la R&D Scania est consacrée à cette activité. « Le pire c’est que nous avons à réorienter et former nos ingénieurs développement du moteur thermique vers l’électrique » rappelle Christian Levin.

A une question relative à l’Euro VII, il admet : « Cela a du sens de prendre en compte les émissions de particules des pneumatiques et des plaquettes de freins. Le problème c’est que cela n’est pas en phase avec l’état de l’industrie : il n’y a pas encore de protocoles de mesure, de capteurs pour évaluer ces usures. » Quant à l’évocation de l’échéance de 2027, la réponse claque comme un coup de fouet : « c’est irréaliste ».

Le Scania 40R électrique à batteries sera-t-il présent sur le stand Scania à Solutrans ? Scania France y travaille …

Quid des synergies au sein du groupe Traton ?

Nous lui avons posé la question de savoir comment distinguer à l’avenir un camion électrique d’un autre camion électrique, cette motorisation pouvant induire une très grande uniformisation des performances et ressentis de conduite. Il répond : « C’est une intéressante question, mais je ne pense pas que les camions finissent par ressembler comme vous dites à des machines à laver. Nos ingénieurs travaillent dur pour restituer les performances et le ressenti qui distingueront un Scania d’un MAN. Nous œuvrons à préserver le caractère unique de la marque.  (…) Plusieurs moyens de différenciation existent : nos positionnements géographiques entre Scania, MAN, Navistar et Volkswagen Truck and Bus ; le choix des calendriers de lancements, des puissances, l’importance des réseaux de chacune d’entre elles. »

Il évoque par la suite les synergies au sein du groupe Traton : « Le système modulaire Scania sera la base des marques du groupe Traton. » Les économies d’échelle ne se limiteront pas au produit : « Scania Financial Services sera la colonne vertébrale de toutes les autres marques pour ce qui concerne le financement, en particulier pour Navistar, et dans une moindre mesure pour MAN. Cela concerne l’accès aux marchés financiers mais aussi les services support en amont ou les services informatiques. » Mais il s’empresse de préciser que les projets d’avenir sont répartis au sein du groupe : « Par exemple, tout ce qui à trait à la recharge des camions électriques, aux infrastructures, est conçu par des équipes MAN ».

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