Actu

Les nouvelles énergies et leurs risques dans les tunnels routiers (partie 2)

Comment évaluer des risques encore mal quantifiés ?

La PIARC dans son étude intitulée Impacts des nouvelles technologies de propulsion sur l’exploitation et la sécurité des tunnels routiers le reconnaît avec humilité : « Les informations détaillées et fiables sur le taux maximal de dégagement de chaleur (HRR) des BEV sont rares.”

La plupart des données disponibles concernent des essais d’incendie au niveau du bloc-batterie uniquement. Différents essais ont été réalisés et des conclusions qualitatives ont été tirées concernant le comportement au feu. L’une de celles-ci est que l’emballement thermique des grands blocs-batteries destinés aux véhicules électriques pourrait générer des nuages de gaz. Lorsque ce nuage de gaz est (…) mélangé à l’air, il peut devenir combustible et, s’il s’enflamme, générer une boule de feu et une surpression d’une ampleur qui dépend des conditions de ventilation et de la présence de zones de confinement, comme dans un tunnel.

Cette séquence d’événements, bien que théoriquement possible, est peu probable dans la pratique car elle exige que l’électrolyte combustible s’évapore rapidement et enflamme ensuite le nuage de gaz. Compte tenu de la conception de la batterie et des observations de la propagation réelle de l’incendie, on considère qu’il est plus probable que les cellules de la batterie tombent en panne individuellement, ce qui entraîne la vaporisation et la fuite de petites quantités d’électrolyte seulement.(…) Il peut en aller différemment pour les incidents impliquant des véhicules dont les batteries ont une plus grande capacité, tels que les autobus et les poids lourds, ou dans des installations plus fermées telles que les parkings.

Comme expliqué au chapitre sur la fréquence des accidents et des incendies, il n’y a pas de différence significative entre les véhicules classiques et les BEV en termes de déclenchement d’incendies. Par conséquent, en l’absence d’expérience suffisante, les taux d’incendie des véhicules à nouvelles énergies sont supposés être les mêmes que ceux des véhicules classiques. (…) Il convient de noter qu’il existe également un risque spécifique de choc électrique, principalement pour les secouristes, lorsqu’ils interviennent pour secourir des utilisateurs (par exemple en découpant la carrosserie d’une voiture pour la désincarcérer). »

Des comportements variables suivant de nombreux paramètres

«  Le comportement de la combustion et le HRR [température maximale au cours de l’incendie NDLR] d’un BEV dépendent fortement de nombreux facteurs, tels que le degré d’endommagement et le type de construction de la batterie, l’état de charge (SOC), l’effondrement éventuel du système de refroidissement interne de la batterie, etc. La plupart des références utilisées dans le présent rapport ont pris en compte l’incendie d’un véhicule électrique dont la batterie est complètement chargée (100 % de l’état de charge). Il convient de noter que plus l’état de charge est faible, moins le risque d’emballement thermique et d’incendie subséquent est important. Watanabe et al ont indiqué que le HRR maximal d’un BEV peut être jusqu’à 1,5 fois plus élevé que celui d’un véhicule classique (…) L’impact de l’emballement thermique sur le HRR dépend également du type d’électrode. Par exemple, il est assez faible avec le phosphate de fer lithié (LFP-LiFEPO4) et nettement plus élevé avec l’oxyde de cobalt lithié (LCO) et le nickel-cobalt-aluminium lithié (NCA) ».

Outre les chocs électriques et le feu, d’autres dangers sont identifiés par la PIARC : « Des recherches sur des batteries Li-ion à poche unique ont conclu que le CO, le CO2 , le H2 et une variété de HC [hydrocarbures] étaient rejetés sous forme de gaz à la suite d’un emballement thermique, c’est-à-dire avant toute activité de combustion. Des essais avec des éléments de batterie complets ont montré que des métaux tels que le cobalt, le lithium, le manganèse ainsi que des aérosols F, du fluorure d’hydrogène (HF) et de la phosphine (Ph3 ) ont été trouvés dans les gaz de combustion. La quantité notable de HF dans les gaz de combustion a été confirmée par des expériences sur des incendies de BEV. Il y a beaucoup moins d’essais d’incendie de véhicules en vraie grandeur bien documentés que d’essais de batteries.

Comme pour les incendies de batteries, les polluants, y compris le fluorure d’hydrogène (HF), sont des éléments critiques dans les incendies de BEV. (…) Un problème critique est le fait qu’un feu de batterie ne peut pas être facilement éteint, car le processus d’oxydation se poursuit, même en l’absence d’un apport externe d’oxygène. Le seul moyen d’arrêter l’incendie est de refroidir les batteries. Colella et al ont indiqué qu’il fallait jusqu’à 10 m³ d’eau pour éteindre l’incendie, c’est-à-dire pour refroidir les batteries. Cette quantité est confirmée par divers fabricants de BEV dans leurs fiches de sécurité pour les pompiers. La méthode la plus efficace consisterait à injecter directement de l’eau dans le boîtier de la batterie. Dans ce cas, la quantité d’eau nécessaire pour maîtriser un incendie de BEV est considérablement réduite. Le risque de ré-inflammation des BEV subsiste même après qu’ils aient été refroidis comme décrit ci-dessus. C’est pourquoi il peut être nécessaire de conserver ces véhicules dans des lieux spéciaux et de les surveiller pendant une période prolongée (jusqu’à 14 jours).

Les véhicules FCE (à pile à combustible hydrogène) combinent les avantages d’un vecteur énergétique élevé (H2) avec la possibilité de parcourir des distances raisonnables, même pour les véhicules lourds. H2 est un gaz incolore et inodore qui ne présente aucun effet toxique pour l’homme ou l’environnement. La température d’ébullition très basse de l’hydrogène nécessite un stockage en phase gazeuse à des pressions élevées (700 bars pour les véhicules personnels et 350 bars pour les poids lourds) lorsqu’il est utilisé dans les transports routiers et ferroviaires. Il est hautement inflammable et forme des mélanges inflammables avec l’air dans une large gamme de mélanges (4 à 74 %Vol dans l’air) avec une vitesse de flamme élevée et une température de combustion élevée. L’énergie minimale d’inflammation très faible (0,017 mJ) ainsi que la plage de détonation comprise entre 18 et 59 % Vol dans l’air sont également défavorables. Les règles techniques applicables à ces types de véhicules sont énoncées dans le règlement 134 de la CEE-ONU.

Le risque concernant les FCEV est double. D’une part, le moteur électrique nécessite une tension élevée et, d’autre part, l’électricité est produite par la pile à combustible qui utilise de l’hydrogène stocké. Ce type de véhicule combine donc les problèmes de sécurité d’un BEV et les problèmes de sécurité du stockage de l’H2 et des conduites de carburant. Les exigences de sécurité pour le système de stockage (réservoir sous pression d’hydrogène) sont assez robustes et plus strictes que les normes de sécurité pour les réservoirs de GNC. Cela s’explique par la différence de pression (350-700 bars pour l’hydrogène, 200 bars pour le GNC). » Les problèmes d’intervention sont similaires à ceux de véhicules GNV, « sauf que les plages d’inflammation du H2 libéré sont beaucoup plus larges que celles du GNC » rappelle le document de la PIARC. L’organisation internationale d’exploitants routiers relève l’influence décisive de la pression de stockage sur les feux de torche et les effets d’explosion en cas de rupture des réservoirs.

« Pour les réservoirs de GNC,3 les effets létaux associés se produiraient jusqu’à 25 mètres de part et d’autre du réservoir, soit 50 mètres de tunnel. Pour le GNL dans un poids lourd, composé de 182 kg de GNL, les effets létaux associés se produiraient jusqu’à environ 375 mètres de part et d’autre du réservoir, soit 750 mètres de tunnel. Cette énorme zone d’effets létaux est due aux effets thermiques induits par le BLEVE déclenché sur le réservoir. » On le voit, les comportements au feu diffèrent très sensiblement suivant le mode de stockage (GNL vs GNC ; 700 vs. 350 bar pour l’hydrogène) ou la quantité d’énergie stockée (état de charge des batteries de traction). Cela ne va certes pas simplifier la tâche des services de lutte contre les incendies et rouvre le chapitre de la formation des conducteurs lorsqu’il s’agira de donner les bonnes informations au moment de l’alerte.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *