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Objectifs CO2 : quand la Commission européenne tente de se justifier

A peine ses propositions révélées, la Commission européenne a publié un argumentaire à base de questions-réponses tentant de défendre son texte. Elle a dévoilé hier sa feuille de route pour réduire des émissions de CO2 des camions, bus urbains et cars. Elle propose que les camions réduisent de 90 % (par rapport au niveau de 2019) leurs émissions de CO2 d’ici à 2040 avec des objectifs intermédiaires de - 45 % à partir de 2030 puis - 65 % en 2035. Cette proposition qui sera discutée ces prochains mois par le Conseil, la Commission et le Parlement, n’est pour l’instant pas votée.

Dès le premier point, des incohérences se font jour. En effet, justifiant la sévérisation de ses objectifs CO2 assignés aux constructeurs, le texte mélange réduction des gaz à effet de serre et polluants atmosphériques, en présentant le CO2 comme un polluant. Or, le dioxyde de carbone n’est pas un polluant atmosphérique mais un marqueur des émissions de carbone et un contributeur aux émissions de gaz à effet de serre. Au-delà de cette incroyable erreur scientifique, elle se justifie en évoquant la hausse de la part des transports dans le bilan global européen des émissions de gaz à effet de serre. Elle insiste sur la nécessité de cette sévérisation afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Parmi les avantages que la Commission revendique avec ces mesures, elle met en avant la baisse de la consommation de produits pétroliers. L’argumentaire évoque la dépendance de l’Union européenne aux énergies fossiles importées, tout en taisant celle qu’elle se crée via l’électro-mobilité (terres rares, métaux précieux et composants comme le graphite ou les micro-processeurs).

Dans un élan associant vœu pieux et pensée auto-réalisatrice, elle annonce que ce plan réduira les coûts de l’énergie et d’exploitation des véhicules. Les tendances observées depuis 2022 autour des prix de l’électricité ou du coût des batteries de traction démentent ces propos. Toujours aussi optimiste (à moins que ce ne soit une manœuvre diplomatique pour séduire l’ACEA[1] très critique sur la proposition), elle estime que les constructeurs européens sont, en la matière, leaders mondiaux sur ces sujets de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’émissions polluantes. Elle estime que c’est un « signal clair » pour investir dans les technologies dites zéro émission. Encore plus volontariste (et non chiffrée) est l’affirmation selon laquelle cela va soutenir l’emploi de « travailleurs hautement qualifiés ».

Au troisième point, rappelant la portée de cet engagement et les objectifs correspondants (-45% au 1er janvier 2030 ; -65% au 1er janvier 2035 et -90% au 1er janvier 2040) elle liste les exemptions : les productions limitées de certains constructeurs, les véhicules militaires et de protection civile (incluant les sapeurs-pompiers), les bennes à ordures ménagères, les engins utilisés pour les mines, carrières, en forêt et pour l’agriculture. Pas sûr que les constructeurs, confrontés aux investissements colossaux à faire, maintiennent des productions de véhicules thermiques pour de si petits volumes.

Le quatrième point révèle l’hostilité de la Commission à l’égard des carburants renouvelables bas carbone. Elle estime qu’ils pourraient constituer une incitation à réorienter vers le transport routier des carburants nécessaires pour décarboner d’autres secteurs comme le transport aérien, où les alternatives sont encore plus rares.

Le cinquième point évoque l’impact sur l’emploi. Elle reconnaît que cette transformation engage l’intégralité de la chaîne de valeur du véhicule industriel. Elle proclame que ces objectifs apporteront « un impact positif net en terme macro-économique sur l’emploi » tout en se gardant bien de faire des estimations chiffrées. Afin de rassurer, le document de la Commission mentionne les programmes d’aides comme JTF[2], ESF+[3], InvestEU, le plan Facilité de rétablissement et résilience (Recovery and Resilience Facility). Elle cite les bénéfices autour de la production de batteries, de composants électroniques ou énergétiques. Paradoxe : sur les deux premiers points, l’Europe est dramatiquement dépendante de l’Asie, et tout particulièrement de la Chine. On retrouve là encore le tropisme du vœu pieux.

Voir la réaction de l’ACEA et de l’IRU

[1] ACEA Association des constructeurs européens d’automobiles

[2] JTF : Just Transition Fund

[3] ESF+ : European Social Fund Plus

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