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Révision Poids & Mesures VI : la position de l’ACEA

La Commission européenne a publié sa proposition de révision des poids et dimensions des véhicules de l’Union européenne le 11 juillet 2023. Il s’agit d’une révision importante dans la perspective du développement des véhicules électriques à batteries et à piles à combustible hydrogène. L’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) vient de publier son analyse. Nous vous en donnons les principales lignes.

En préambule, l’ACEA rappelle que les « véhicules dits zéro émission seront adoptés par le marché, uniquement si les opérateurs de transport peuvent les utiliser aussi simplement de façon au-moins aussi rentable que les véhicules conventionnels. » Si la proposition de révision va dans le bon sens, l’ACEA propose quelques ajustements et adaptations techniques.

Le projet de Directive poids et dimensions s’appliquerait pour tous les véhicules en circulation. L’ACEA, en l’état actuel du projet de la Commission, craint que ces dérogations soient accordées aux véhicules conventionnels associés à une semi-remorque électrifiée (par exemple avec un eAxle). L’ACEA rappelle que c’est uniquement si les véhicules moteurs « zéro émission » peuvent bénéficier de nouvelles règles de masses qu’il sera possible d’adapter les chaînes de tractions électriques à une grande variété d’applications sans pénaliser la charge utile (et donc leur compétitivité). Un projet très restrictif quant aux « véhicules à énergies alternatives » : on passerait de véhicules « entièrement ou partiellement » alimentés en énergies dites alternatives (au sens de la règlementation (EU) 2018/858) à des véhicules « entièrement » alimentés en énergies alternatives. Ce qui priverait du bénéfice des nouvelles règles, par exemple, les véhicules hydrides déjà en circulation. Bizarre, sachant que le même projet accorde 1 tonne de bénéfice PTAC pour les véhicules à énergies alternatives autres que les véhicules « zéro émission ». Il y a là un risque de conflit d’interprétations.

Pour lever toute ambiguïté et faciliter l’intégration sur le marché, l’ACEA demande que cette nouvelle Directive soit associée à une révision simultanée des dispositions relatives aux Réception par type des véhicules. Compte-tenu des délais de conception et d’homologation, l’ACEA recommande un délai de transposition de la directive ramené à un an et que les modifications nécessaires aux règles de réception par type (et aux dispositions nationales connexes) s’appliquent immédiatement pour une mise à jour au plus tard trois mois après l’entrée en vigueur de la directive révisée.

Le diable se niche dans les détails

En entrant dans les détails techniques, l’ACEA rappelle que les nouvelles masses plus élevées envisagées pour les véhicules ne deviendront concrètes que si les charges aux essieux sont révisées en proportion. L’ACEA demande donc que la règle européenne passe pour les ponts moteurs à 12.5 t (au lieu de 11.5t), ceci tant pour les véhicules moteurs dédiés au transport de marchandises qu’au transport de personnes. « C’est un prérequis fondamental » selon l’ACEA. L’association rappelle l’enjeu d’une bonne répartition des masses afin de limiter l’usure des chaussées. Sans quoi, l’effet de l’accroissement de masse sera purement théorique, en particulier sur les tracteurs 4×2, mais également d’une manière générale sur l’ensembles des véhicules à 2 essieux (tant marchandises que voyageurs). Bizarrerie supplémentaire : la proposition de la Commission européenne envisage une limite de 11.5t sur le pont moteur d’un tracteur solo électrique mais accorderait 12.5t à l’essieu de ce même tracteur s’il est associé à une semi-remorque. La Commission européenne aurait-elle inventé fortuitement le « pack batteries modulable et déposable » pour tracteurs routiers ? L’ACEA note qu’en l’état actuel de la proposition, cela reviendrait à accroître la charge sur les essieux directeurs (typiquement en généralisant 10 t à l’avant). Mais cela serait paradoxalement contre-productif pour la préservation des chaussées. L’ACEA rappelle que l’accroissement de charge d’une tonne sur le pont moteur serait réparti sur quatre pneumatiques au lieu de deux, réduisant de fait la pression au sol.

Encore plus technique, la révision de l’Annexe 1 tableau 1 point 4.3 relative au poids maximal autorisé en fonction de l’empattement. L’ACEA demande à ce que tableau soit adapté aux véhicules dits « zéro émissions » à 4 et 5 essieux. Selon les critères actuels, le poids maximal autorisé ne doit pas dépasser cinq fois la distance centre les deux essieux extrêmes : un 4 essieux de 32t de PTAC exige actuellement un empattement minium de 6.4 m[1]. Une telle règle doit être corrigée avec un coefficient de 5.63 afin de préserver la compacité et maniabilité des véhicules dits ZEV puisque ceux-ci auraient un PTAC de 36 t (32 t+4 tonnes de surcharge batterie). Sans quoi, on imposerait à ces camions à batteries des empattements démesurés pour les silhouettes à 4 et 5 essieux.

Autre étrangeté, le texte de la Commission n’entend comme véhicule à quatre essieux que les véhicules à deux essieux directeurs. Idem pour les cinq essieux ! Seraient donc exclus les silhouettes à trois ou quatre essieux directionnels. L’ACEA demande une définition moins restrictive des silhouettes car la rédaction actuelle ferait disparaître du marché les silhouettes 8×2/6.

Les charges pour les tandems moteurs (typiquement 6×4 ou 8×4) limitées à 16 ou 18 tonnes dans le texte de la Commission pourraient être portées, dans la proposition de l’ACEA, à 19 tonnes avec une monte jumelée (pour les systèmes à suspensions pneumatiques et/ou pour le cas où chaque essieu ne dépasse pas 9.5 t de capacité). Une charge au tandem portée à 20 tonnes pour les véhicules dits « zéro émissions » en monte jumelée et en suspension pneumatique. La charge par essieu du tandem ne dépassant pas les 10 tonnes.

Du retour des EMS 25.25 m et des autobus articulés de 21 m

L’accroissement des dimensions pour les véhicules dits « zéro émissions » (+90 cm en longueur) est jugé tout aussi fondamental. Evidemment, l’ACEA comprend que cet allongement doit demeurer compatible avec les règles liées à la couronne de giration ou bien au champ de vision. Mais une simplification et clarification des propositions est demandée. Sont particulièrement concernés les « autobus articulés à 4 essieux » et « véhicules cinq essieux ». Les adaptations éventuelles des règles locales sont tout aussi nécessaires « pour garantir que les dispositions permettent non seulement l’exploitation transfrontalière des véhicules, mais aussi leur exploitation à l’intérieur de l’Etat et sur les territoires de Etats membres ».

La proposition de révision étend et simplifie l’usage des ensembles routiers dits EMS (European Modular System) alias 25.25 m. L’ACEA se félicite de cette proposition. L’association en appelle au parlement européen et au Conseil des ministres pour mettre en priorité cette révision des poids et dimensions à l’ordre du jour. Ceci en raison du temps nécessaire pour transposer ces règles dans les différents droits des Etats membres de l’UE.

Les autobus articulés requièrent également une clarification selon l’ACEA. L’association demande qu’une longueur de 18.75 m (comme prévu aujourd’hui dans les textes) soit réservée aux autobus articulés trois essieux. Les articulés à 4 essieux devraient bénéficier d’une longueur supérieure ; l’ACEA suggérant 21 mètres de longueur hors-tout sachant que de tels véhicules existent et sont dore-et-déjà conformes aux exigences de la couronne de giration. Pour les masses, l’ACEA propose un texte infiniment plus clair et simple que celui de la Commission : les autobus articulés à trois essieux auraient un PTAC de 28 tonnes. Les autobus articulés quatre essieux auraient droit à 32 tonnes. Ces deux silhouettes bénéficiant d’un prime de 1 tonne pour les véhicules à énergies alternatives (autres que les « zéro émissions ») et d’un bonus de 3 tonnes pour les véhicules dits « zéro émissions ».

[1] Selon cette règle du 5t/m, 32 divisé par 5 donne 6.4. Dans le cas où le coefficient de 5t/m ne serait pas révisé, un porteur de 36 t électrique imposerait un empattement de 7.2 m minimum. Cela faciliterait l’implantation des packs de batteries, mais constituerait une pénalité en terme de manœuvrabilité.

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