SANS DÉTOUR

Tribune de Jean-Philippe Pastre : Faudra-t-il nationaliser le TRM ?

Ce titre iconoclaste vient d’une observation du monde du transport de voyageurs. Le poids des géants Keolis, RATP Dev et Transdev y est considérable. Regardons bien leurs actionnaires de référence : le premier a pour actionnaire la Caisse des dépôts du Québec et la SNCF : argent public. Le second est une filiale de la RATP : donc l’Etat. Le troisième regroupe dans son capital un gros opérateur Allemand et la Caisse des dépôts et consignations française. A chaque fois l’argent public est présent. En marchandises, il en est de même de Géodis, filiale du groupe SNCF. Face au « mur d’investissement » qui se profile avec la transition énergétique à base de « tout électrique à batteries » le secteur privé va se trouver rapidement bloqué par les règles comptables et les critères d’endettement imposés par les institutions européennes. Les mêmes qui nous ont également poussé de force dans l’électrification. Avec des règles qui font que les banques ne peuvent s’engager que sur 2, voire (pour les « bons élèves » ) 3 fois les fonds propres, l’argent va encore plus devenir le nerf de la guerre. A l’image de ce qui se passe dans le transport routier de voyageurs où les entreprises familiales tombent les unes après les autres dans l’escarcelle des grands groupes. Et puis dans le TRV[1] même les « privés » sont devenus des auxiliaires du « public » par l’effet des appels d’offre pour les lignes régulières inter-urbaines et les services scolaires. Quitte à ce que les régions prennent la main de façon très directe via leur EPIC[2] à l’image de ce que le très libéral Laurent Wauquier fait en région Auvergne Rhône-Alpes[3]. Car l’hyper concentration a déjà conduit certains opérateurs à abuser d’où la réaction des pouvoirs publics.

Le poids (financier) des batteries

L’électrique tel que vanté par certains constructeurs et autres « innocentes ONG » coûte quoi qu’on en dise 3 à 4 fois le prix du thermique. Bien sûr, ces « bonnes âmes » œuvrent pour ramener le prix de revient de l’électrique à celui du Diesel. Mais ce n’est pas dans le sens où on pourrait l’espérer : ce sera en augmentant très fortement le coût d’exploitation des moteurs Diesel. La fiscalité européenne (via les quotas carbone échangeables ETS2 appliqués aux transports routiers dès 2027 et la fin du remboursement de la TICPE) va grandement y contribuer.

Quant aux valeurs de reprise des véhicules à batteries, personne ne veut communiquer à ce stade, pas même les « captives financières » des constructeurs. On les comprend : outre le vieillissement électrochimique des batteries se pose surtout l’aléa du progrès de celles-ci qui amène un déclassement rapide de la génération précédente. Une obsolescence accélérée que l’on connaît dans l’électronique grand public. C’est une chose de perdre 800€ sur son ordinateur ou son Smartphone, cela en est une autre de perdre 350 000€ par camion ! Une solution serait le « portage financier » des batteries, ce fameux poste de coût (et de risque- pas seulement financier-) majeur du véhicule électrique. Qui le prendra ? Renault Automobile avait agi avec la DIAC, sa captive financière, en ce sens en portant le risque des batteries des Fluence Z.E et autres Zoé. Un dispositif compliqué et peu adapté aux particuliers. Mais peut-être bien plus pertinent pour les entreprises de transport. Attention : la transition énergétique fait déjà des morts. Dans le transport de voyageurs, les entreprises ayant investi massivement dans le GNV se sont retrouvées à faire la trésorerie de leurs donneurs d’ordres (du fait de la périodicité des clauses de révision). Vous imaginez les dégâts sur les comptes courants ! Même les collectivités (comme Montpellier[4]) hésitent désormais face aux investissements requis pour l’électrique à batteries ou pour l’hydrogène. Outre les prévisions du kWh électrique à 112€/MWh en 2023 puis 163 €/MWh anticipé pour 2024[5], il faut ajouter le contexte de hausse des taux d’intérêts de la zone euro. Pour amortir ces véhicules et leurs infrastructures de recharge et d’avitaillement, certaines organisations professionnelles du TRV comme la FNTV ou l’OTRE militent pour un allongement des durées de contrat. Un minimum ! Une fois de plus, les destin des entreprises est entre les mains des pouvoirs publics…

[1] TRV transport routier de voyageurs

[2] EPIC Etablissement Public Industriel et Commercial. Entité de droit privé détenue par des actionnaires publics ou exécutant une mission de service public.

[3] La région Auvergne Rhône-Alpes dispose de deux entreprises majeures sur son territoire : la SRADDA et la RDTA.

[4] Montpellier a renoncé à son vaste plan hydrogène pour choisir des autobus à batteries disponibles sur catalogue.

[5] Selon IFPEN d’après source Reuters

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