SANS DÉTOUR

Tribune de Jean-Philippe Pastre : pourquoi tant de haine envers le transport routier ?

La politique des institutions européennes, que ce soit Parlement ou Commission, semble s’acharner à éradiquer l’industrie du transport routier. Pour en trouver l’origine, il faut peut-être revenir au Volkswagengate né aux Etats-Unis d’Amérique le 18 septembre 2018 lorsque l’Agence américaine pour l’environnement (EPA) accuse le constructeur allemand Volkswagen d’avoir équipé ses véhicules de « logiciel truqueur ». Est-ce une coïncidence ? Cette information « sort » au moment du salon de Francfort, grand’messe de l’automobile allemande[1] ! L’EPA a reprend un rapport de l’association américaine International Council on Clean transportation (ICCT) à charge contre les moteurs Diesel des constructeurs Allemands de voitures particulières. Scandale relayé immédiatement en Europe par l’association T&E, se présentant comme ONG mais dûment accréditée à la Commission Européenne comme lobby. Dès lors, la machine médiatique puis politique s’emballe et emporte tout avec elle, y compris les véhicules industriels relevant pourtant d’autres mesures anti-pollution. Toujours en décembre 2015 l’ICCT, encore relayé par T&E à Bruxelles, attaque la Commission européenne à propos des émissions de CO2 du transport routier. Elle exige des mesures fortes dans le plan de « Décarbonisation de la stratégie de transport » que la Commission doit présenter en 2016. Cette dernière va consulter les parties prenantes dès 2017 pour élaborer ce qui va devenir VECTO en 2019.

Au Parlement européen, le groupe socialiste réclame en avril 2016 l’interdiction du moteur Diesel. Ce même Parlement européen votera le 14 février 2023, cette fois-ci à l’initiative des Verts, l’obligation de vente de voitures électriques neuves dès 2035. Le 8 février 2023 lors d’une conférence de presse faite à Paris[2] par le Bureau en France du Parlement européen, à l’évocation des nouveaux objectifs de véhicules « zéro émissions » électriques, Pascal Canfin[3] ne s’en cache pas : « si les industriels ne jouent pas le jeu, il faudra finir par les acheter ailleurs, c’est pas notre plan A mais il faut avancer dans la décarbonation » (sic). A qui profite le crime sachant (et Pascal Canfin le reconnaît) que la totalité de la valeur ajouté des batteries est d’origine asiatique ? Sommes-nous vraiment dans une neutralité technologique dans le domaine de la décarbonation des transports ? Quid des véhicules à moteur thermiques utilisant des énergies non fossiles ? Élément de réponse du même Pascal Canfin, lors de cette conférence : « sachant que le GNV étant, sauf erreur de ma part, pas zéro émission, cela pose un souci ». Fermez le ban. Et peut-être les usines…

Les institutions européennes, se lancent à partir de 2016 dans une course au « plus disant Vert » qui aboutit à une sorte de « solution finale » technique et industrielle visant à exterminer non seulement le moteur Diesel mais aussi tous les moteurs thermiques au profit de motorisations électriques à batteries. La France fait figure d’élève zélé, puisque, dès la Loi de Transition énergétique pour la croissance verte, elle établissait les vignettes Crit’Air qui, à la surprise générale, ne considère pas les Diesel Euro VI à égalité de classification des moteurs Euro VI à allumage commandé. Ils sont « dégradé » d’une classe et peuvent, au mieux espérer une vignette Crit’Air 2 quand les second peuvent prétendre à une vignette Crit’Air 1. La France a également proposé une interdiction de mise à la route de moteurs thermiques en 2040. Qui dit mieux ? Le plan « Fit-for-55 » ! Révélé le 14 juillet 2021, qui fait sa fête aux transporteurs en étendant le principe du marché du carbone aux transports et aux bâtiments. Il fixe de nouveaux objectifs (sévérisés) aux Etats membres en terme d’émissions de CO2 et procède à la révision générale de la fiscalité sur l’énergie. Dans le même temps, il se contente d’une « orientation générale » pour les batteries, envisageant tout au plus une responsabilité élargie des producteurs.

En fait, l’acharnement de la Commission européenne contre ses propres industriels tient peut être à un autre facteur rappelé lors d’une conversation privée par un transporteur siégeant dans différents groupes de travail. Au nom de son dogme de la « concurrence libre et non faussée », il n’est en effet pire outrage à la Commission que la constitution de cartels. Or, les sept constructeurs de véhicules industriels ont été condamnés pour entente illicite sur les prix de vente suite à une procédure révélée en mai 2016. Man s’en est sorti à bon compte puisque c’est ce constructeur (filiale du groupe Volkswagen) qui a révélé l’entente et témoigné contre ses confrères … et concurrents fin 2010. Volkswagengate, devenu par extension Dieselgate, plus ententes commerciales, il n’en faut probablement pas davantage pour que le discours des constructeurs soit totalement démonétisé auprès des instances européennes. Ce qui nous amène à la situation présente où tout discours rationnel sur les enjeux industriels, de souveraineté technologique européenne, ou d’équilibres entre énergies, devient inaudible

[1] Lire à ce sujet l’étude de l‘Ecole de Guerre Economique datée de juin 2016, sous la direction de Christian Harbulot https://www.ege.fr/sites/ege.fr/files/downloads/affaire_volkswagen_GE2016.pdf

[2] https://www.canva.com/design/DAFZ-9dzUhg/TwW72mXjr1_Ki3cayl7Yaw/watch

[3] Groupe Renew au Parlement européen, Président de la commission de l’environnement, de la santé publique, et de la sécurité alimentaire.

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