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Pourquoi l’hydrogène pose questions ?

Le « grand forum » sur l’hydrogène était largement mis en avant dans les programmes d’Equip’Auto 2023 qui s’est tenu la semaine dernière à Lyon. Avouons-le tout net, cela ressemblait beaucoup à une longue séquence promotionnelle. Beaucoup de questions demeurent sans réponse.

On retiendra de l’intervention de Jean-Luc Brossard de la PFA que le dihydrogène appliqué au transport routier concernera surtout 4 secteurs : les utilitaires légers, les flottes de taxis, les autobus urbains et les poids-lourds « à usage intensifs » (comprendre : pour lesquels les temps de recharge électrique seraient trop pénalisants en exploitation).

Si l’hydrogène monopolise les médias il faut savoir raison garder : il y aurait en 2023 un total de 39 autobus dihydrogène immatriculés en France. Pour les camions, aucun chiffre n’est donné. Normal : de aucun des prestataires en rétrofit et constructeurs positionnés sur ce sujet n’ont, à ce jour, obtenu de certificat d’immatriculation.

Valérie Bouillon-Delporte, directrice de l’écosystème hydrogène chez Michelin et vice-présidente de France Hydrogène, évoque les lenteurs des organismes certificateurs et de l’administration. Comment interpréter les textes (en particulier l’arrêté du 13 mars 2020 sur le rétrofit) ? Philippe Jacques, directeur commercial de GCK Mobility « espère qu’avant la fin de l’année on pourra annoncer l’homologation de notre car en rétrofit hydrogène ».

Unanimité des intervenants pour dire que le camion devrait toutefois suivre le secteur des autobus urbains, plusieurs programmes de tests et de financements étant en cours (comme HyAMMED à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône pour lequel on devrait découvrir le premier tracteur lourd Iveco à pile à combustible). Renault Automobiles et Stellantis ont confirmé la mise en production « série » d’utilitaires électriques à pile à combustible. Symbio étant très impliqué avec Stellantis puisque, en marge de l’usine de Saint-Fons (Rhône) en cours de construction, un site aux USA est prévu pour accompagner le groupe Stellantis dans le déploiement d’utilitaires de la gamme RAM en Amérique du Nord.

Christophe Schramm, vice-président de Symbio en charge du marketing et de la stratégie produit, a revendiqué devant les représentants de la Région Auvergne Rhône-Alpes que « Saint-Fons sera la plus grosse usine intégrée de pile à combustible devant celles de Toyota et de Hyundai ». Les débouchés annoncés concernent des utilitaires légers, les engins de manutention, de TP et évidemment les véhicules lourds. Il avance que cette production massive (sans chiffrage) devrait faire baisser significativement les prix de ces convertisseurs d’énergie (sans donner, là encore, de précisions). Mêmes ambitions pour Plastic Omnium qui a créé une co-entreprise pour les piles à combustible avec l’Allemand Elring Klinger (voir trm24 https://trm24.fr/lemag-10-special-iaa-2022-est-en-ligne/ ). Christian Maugy, responsable marketing produit chez Plastic Omnium, a annoncé un accord avec Ford aux USA ainsi qu’une co-entreprise en Chine. Le groupe vise 200 000 réservoirs à dihydrogène d’ici à 2026.

Beaucoup (trop) de questions sans réponses

Dommage, le « grand forum » sur l’hydrogène n’aura pas évoqué l’hypothèque que représenterait un changement de mode de calcul des émissions par l’Union européenne prenant non plus en compte les émissions du réservoir à la roue mais du puits à la roue. Changement qui pourrait avoir des conséquences majeures sur l’intérêt de la filière hydrogène.

S’il a été dit que « plus les véhicules sont lourds et font de kilomètres, plus le facteur déterminant sera le prix de l’hydrogène », aucun chiffrage de celui-ci n’a été donné. Comment faire de la longue distance d’ailleurs avec 4 stations publiques ouvertes en région Auvergne Rhône-Alpes et 68 projetées pour l’ensemble de la France d’ici 2030 dans le cadre du programme AFIR de l’Union Européenne pour les infrastructures de ravitaillements en carburants alternatifs.

De même, n’ont pas été abordées les questions de normalisation et standardisation, tant des réservoirs que des réseaux d’avitaillement. Le prix du kg d’hydrogène est resté un tabou (y compris de la part de Stellantis lorsque le groupe a révélé son accord avec Engie) tout comme le montant de l’investissement pour une station de distribution.

Aucun questionnement non plus sur la pertinence de la solution pile à combustible dihydrogène face aux tout batteries (en € par kW disponible à la roue ou en valeur en € par tonne/km transportée). Dommage.

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