Bus & autocar

Les importations des autocars, ce qui pourrait arriver en camion ?

En matière de délocalisations et de pénétration de marques étrangères le secteur du bus et du car a, hélas, une certaine longueur d’avance face au camion. Ce n’est pas une nouveauté, désormais il est reconnu que l’électrification forcée portée (et partiellement financée) par les institutions européennes sert majoritairement les intérêts de la Chine et, dans une moindre mesure des équipementiers Asiatiques. Une visite à Busworld Europe 2023 est, à ce titre, très instructive.

Un hall entier est quasiment dévolu aux marques Chinoises : il y a bien sûr le pionnier Yutong et le spécialiste des batteries Lithium-Ion LFP (devenu constructeur) BYD. King Long, qui fut un temps importé en France par le groupe HCI, a exposé un ensemble représentatif de sa gamme tout comme Golden Dragon ou Higer. On a vu arriver cette année de façon officielle sur le stand du carrossier Lithuanien Altas Auto la marque Zhongtong Bus. Bon, cela sont les « officiels » qui ne se cachent pas de leurs origines. Car la Chine peut compter sur quelques chevaux de Troie comme EBusco, officiellement compagnie Néerlandaise dont le modèle E-Busco 2.2 provient d’une usine sise à Xiamen. Il en est de même pour le Hongrois Ikarus qui a recours à une chaîne de traction (très performante !) en provenance du géant ferroviaire CRRC. Le Sambus, d’origine Turque, est carrossé sur une base Golden Dragon.

Le Chinois BYD pénètre fortement certains marchés, le Royaume-Uni par exemple, grâce à un partenariat avec le carrossier Alexander Dennis Limited. Il vient de remporter un appel d’offre en France avec le carrossier Espagnol UNVI pour la livraison d’autocars de ligne double étage pour la région Provence Alpes Côte d’Azur, ce modèle spectaculaire tenant la vedette sur le stand BYD à l’occasion de Busworld.

Plus fâcheux : le fait que la marque Scania fasse sienne une production d’autocars longue-distance et de ligne ou scolaire d’origine Higer (les Scania-Higer Touring et Fencer 6) tout en cessant sa production des modèles européens Interlink et Citywide dès 2024. Même les marques européennes sont dépendantes de l’Asie : le Basque Espagnol Irizar eMobility assemble certes ses batteries, mais à partir de cellules Panasonic. Le Coréen LG Chem est également très présent pour les cellules de batteries lithium-Ion. Iveco Bus et FPT Industrial, qui déclarent travailler avec Microvast pour leurs batteries montées à bord des Heuliez GX137/GX337/GX 437 Elec (alias Iveco E-Way) et autres Iveco Crossway LE Elec exposés en avant-première à Busworld 2023 devraient se méfier. Officiellement MIcrovast est une société de droit américain. Mais le Département de l’énergie Américain (DOE) a suspendu en mai 2023 le versement d’une subvention de 200 millions de $US à l’équipementier en raisons de doute sur son indépendance. Même la marque « française » d’accumulateurs ForseePower a recours au savoir-faire de Dow Kokam (co-entreprise coréano-américaine) et s’approvisionne chez le Chinois CALB. Il ne faut pas oublier la superpuissance de l’équipementier spécialiste des batteries CATL, fournisseur mondial de premier plan. L’Etat Chinois ne fait pas mystère de ses ambitions géostratégiques. Le programme des Routes de la Soie est emblématique car il vise à assurer un contrôle quasi-total des ressources minérales nécessaires aux nouvelles technologies (dont les batteries de traction font partie). Selon le portail mineralinfo.fr géré par le BRGM[1], la Chine aurait ainsi un monopole quasi absolu de la production mondiale du graphite pour les anodes et cathodes.

Les Ottomans ne sont pas en reste

L’autre pays surpuissant à Busworld est la Turquie. Citons les constructeurs Temsa, Otokar Europe, Isuzu Anadolu, plus les spécialistes comme Güleryüz (bus urbains et autocars touristiques exposés ici dans leurs versions électriques à batteries), sans compter les innombrables carrossiers travaillant sur les bases Iveco Daily et Mercedes-Benz Sprinter pour la réalisation de minicars scolaires, de ligne ou pour les navettes V.I.P. Comme pour l’industrie automobile Chinoise, il y a ce qui est visible… et ce qui ne l’est pas ! Ainsi toute la production MAN et Neoplan non électrifiée vient désormais de l’usine d’Ankara. Pour Daimler Buses, depuis 2 ans, l’usine d’Hosdere fabrique tous les modèles 2 et 3 essieux des marques Mercedes-Benz et Setra. Seuls les modèles de la gamme TopClass de chez Setra restent encore produits à Neu-Ulm (pour combien de temps ?).

Désormais, c’est Iveco Bus qui suit le mouvement en faisant produire chez Otokar Europe les Iveco Crossway Diesel ainsi qu’une gamme d’autobus directement dérivée du catalogue Otokar Kent : l’Iveco Bus Streetway, pour le moment réservée aux marchés d’Europe centrale et orientale. Mais on sait que certains donneurs d’ordres, notamment en Italie, sont extrêmement sensibles à l’argument prix…  Cela a eu, fort logiquement un effet d’entraînement sur les équipementiers et la quasi-totalité des selliers sont désormais établis en Turquie, entraînant la fermeture de nombreux sites d’Europe Occidentale. Un pays est en train d’émerger : l’Egypte ! Volvo Buses a annoncé la fermeture de son usine Polonaise de Wroclaw en 2023, décision qui sera effective dès 2024 ! Le groupe délocalise sa production d’autobus et d’autocars urbains et inter-urbains en Egypte, chez MCV (un carrossier qui exposait également ses propres productions à Busworld sur châssis MAN, le même qui réalisa les derniers autocars Fast Scoler). Désormais il faudra compter sur un nouvel entrant du même pays : Geyushi. On le voit, les firmes Occidentales qui délocalisèrent d’Europe de l’Ouest vers l’Europe Centrale cherchent de nouveaux Eldorado à la moins d’oeuvre moins chère. Aujourd’hui, dans le domaine du véhicule utilitaire, le groupe Ford, a définitivement choisi son camp : cap vers l’Orient. Au point que la filiale spécialisée Ford Otosan réalisant les camions Ford Trucks est basée exclusivement en Turquie. Une devise semble s’appliquer en la matière : toujours plus loin ! Sachant que le social ne compte pas, on peut se poser la question du bilan

[1] BRGM Bureau de Recherches Géologiques et Minières

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