Tribunes

Infrastructures : les solutions illusoires du gouvernement

Par Patrice Salini, économiste des transports

À force de volonté « disruptive », le gouvernement semble avoir une tendance affirmée à inventer des « solutions » illusoires. C’est du moins ce que m’inspire, après la catastrophique gestion de la réforme de la SNCF, l’annonce de mesures destinées à « la sécurité des ouvrages d’art de transport routier » (Conseil des ministres du 22 août). Mais quoi, diriez-vous, un conseil d’orientation des infrastructures, un audit international et une majoration de crédits (de 100 millions €), c’est un premier pas… Certes, mais curieux ! Charger un conseil ad-hoc de définir des orientations en matière d’infrastructure est une nouvelle façon de palier d’absence de structure de concertation (CNT) et de planification (C.G du Plan) dans un domaine où l’une et l’autre sont si indispensables. Pour autant, n’est-ce pas aussi le travail de l’Administration que de permettre d’alimenter un débat public et parlementaire, et comment dissocier un tel travail du reste de la réflexion sur l’avenir des transports. Mystère ?

L’audit international, chargé d’auditer le patrimoine et de chiffrer les besoins pour les 20 prochaines années, est aussi très étonnant. L’État dispose en effet, outre ses services centraux et déconcentrés des routes, deux outils majeurs que sont le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA, plus de 2 800 personnes), et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (1000 personnes). Pourquoi donc ne pas faire appel à ceux dont non seulement c’est le métier et la mission, mais tout bonnement qui ont la connaissance des réalités françaises dans le détail, et un certain discernement tiré de l’expérience. La mobilisation des moyens propres de l’État aurait eu le mérite de l’efficacité. Mais on en a décidé autrement. Pourquoi ? Là aussi mystère.

Sauf que, selon les syndicats FO[1] du CEREMA, ce dernier « est voué à perdre plus de 500 postes d’ici 2022 (soit de l’ordre de 20 % des postes de l’établissement supprimés), suivant un rythme double à celui imposé en 2018 à son ministère de tutelle, pourtant champion des baisses d’effectifs. Un contexte qui a conduit en 2017 à la démission de son Président et de son Directeur Général. » Va comprendre ! La priorité serait donc de baisser l’expertise d’un domaine prioritaire …

Reste la mobilisation de moyens supplémentaires pour l’entretien des routes. Une nécessité qui ne peut être découverte aujourd’hui ! Nous savons en effet que l’effort public a décru fortement depuis de nombreuses années, et l’état d’entretien est clairement en baisse ou, au mieux, stagnant comme en atteste le document publié avec le projet de budget 2018.

Il est donc faux de parler d’effort constant ou de priorité « depuis juillet 2017 » comme le fait la Ministre.

[1] https://www.force-ouvriere.fr/ouvrages-d-art-l-etat-apporte-son-soutien-technique-aux

 

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